Chapitre 16 : Black Wall

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Avec sa ville portuaire, ses navires fraîchement amarrés, ses incontournables tavernes mythiques et sa flore quasi inexistante : bienvenue dans l'antre de Black Wall !

Sise au sud-est d'Allevard, la réputation légendaire de ce port le précédait sur l'étendue continentale. À ce jour capitale de Drën-Warnoff, cette contrée pirate se distinguait par ses deux monuments excentriques.

En premier lieu, la titanesque muraille rocheuse qui ceinturait la région. Son entrée principale s'apparentait à une bouche ouverte aux crocs acérés, sculptée par l'érosion de l'océan Mynir. Ce gigantesque « mur noir » surgi des tréfonds, duquel la ville tenait son nom.

En second lieu, son volcan actif, l'auteur d'une colossale nuée ardente qui plongeait la nation sous un crépuscule sans fin. Celui surnommé la chaudière ambulante, le fumeur irréductible, nul autre que le mont Morith.

Contraste par excellence de Zarif, Drën-Warnoff se démarquait aussi de tous les autres territoires Allevardiens par son environnement pernicieux. Du port à l'odeur nauséabonde, accompagné d'une chaleur ambiante jusqu'aux bas quartiers, le tout agrémenté de rivières toxiques d'acide sulfurique. En somme... le paradis.

Une seule règle s'imposait sur ces terres impitoyables : survivre ! D'autant plus que bon nombre d'accidents hasardeux étaient à déplorer à longueur de journée.

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Black Wall, 21 : 00

À la baie, la mer moutonnait contre les rochers. Maints corvettes et galions surpuissants protégeaient le littoral, seul accès maritime envisageable par leurs ennemis. Une ribambelle de navires, parmi lesquels des brigantins et des goélettes, accostait au quai d'amarrage et ferlaient leurs voiles au terme d'une énième journée consécutive.

La faune de la région — constituée de pirates, flibustiers, pêcheurs, marchands, boucaniers et tous ses composants — circulait au milieu des bousculades familières le long des ruelles en latérite. Tous s'apprêtaient à vaquer à leurs occupations nocturnes, à savoir les tavernes et les lupanars.

Ce fut au milieu de ce rituel d'effervescence que les trois compagnons se mouvaient, afin d'atteindre la demeure du seigneur de ces lieux.

Dès leur apparition en catimini sur le sol Drënien, les effluves cuisants de poissons, de la mer saline et du soufre avaient agressé l'odorat aiguisé de Khé-Khé, en signe de bienvenue. Des détritus et d'autres résidus, que les âmes sensibles ne se hasarderaient pas à déchiffrer, jonchaient les rues insalubres.

— Suivez-moi ! les invita Néhémia d'un signe de main en prenant les devants. Nous allons prendre une barque.

Durant le parcours, les Warloïtes balayaient du regard le paysage singulier.

Une rangée d'auberges défilait le long de la côte, aussi bien pour les pirates que les visiteurs à la recherche d'un repas copieux ou d'un lieu de repos. Les bâtisses, ajustées les unes aux autres, étaient construites de manière anarchique. Certaines, superposées en étage, s'élevaient sur plusieurs centaines de mètres. Celles-ci jaillissaient des profondeurs souterraines, un gouffre abritant le fief des bidonvilles de Black Wall.

Arrivé sur la terrasse élevée d'une taverne, au garde-corps en bois, le trinôme dévala des marches de pierres. Ils accédèrent ainsi à la barque en contrebas.

À leur approche, Néhémia offrit, d'un coup de pouce, deux pièces de huit au propriétaire du petit bateau, mû à la rame.

— Au fort ! abrégea-t-il.

Le nain à la barbe hirsute esquissa un large sourire jauni, puis s'empressa de les diriger au lieu-dit.

De nombreuses ruelles étaient franchissables par l'eau grâce à des barques ou des canots. D'autres demeuraient accessibles par une flopée de ponts en bois suspendus, reliant chaque construction l'une à l'autre. Ce tableau donnait l'illusion d'une multitude de fanions en altitude.

Siégeant à l'arrière de l'embarcation, Hazo continuait d'observer les environs. Il n'omettait pas de surveiller du coin de l'œil sa partenaire de mission, restée muette depuis leur venue.

Khé-Khé ne s'était jamais doutée qu'il puisse exister autant de microbes et bactéries en un seul endroit. En cet instant, elle maudissait ses sens surdéveloppés et opta pour le mutisme pour contenir ses états d'âme.

Son silence pesant attira l'attention du pirate au regard soucieux.

— Nous y sommes presque, les rassura-t-il. Le fort est juste droit devant.

Les Warloïtes scrutèrent la forteresse impérieuse désignée au loin, fièrement surplombée en amont.

— C'est là que vit le seigneur Drënien, les informa Néhémia en admirant la structure familière. Ne vous en faites pas, je suis persuadé que notre capitaine vous recevra.

— Notre capitaine ? répéta le duo, interloqué.

Le pirate se retourna vers eux. Tout à coup, l'évidence le frappa à la vue de leur expression étonnée.

— Sapristi ! Avec toute cette excitation à Zarif, j'ai complètement oublié de vous le dire. C'est notre capitaine, Loctus Aenias, qui est à présent à la tête de la nation. Et je dois vous prévenir, enchaina-t-il d'un sourire nerveux, elle a plutôt... un fort caractère.

Les Héritiers, doublement surpris, répétèrent à l'unisson :

— Elle ?

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant