Chapitre 64 : Sauver Drën-Warnoff !

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Quitter la forteresse s'avérait ardu, particulièrement éprouvant pour Loctus et Néhémia. Papillonner parmi leurs frères et sœurs de la côte, les émissaires, les gardes et les domestiques ‒ ces personnes devenues leur famille - sans éveiller le moindre soupçon, étaient une épreuve très rude. Leur rire familier leur brulait de l'intérieur, leur visage égayant leur nouait la gorge. La souffrance qui comprimait leur cœur s'intensifiait à chaque seconde, à chaque pas effectué en direction des écuries. Montés sur le dos de trois juments, avec Hazo et Khé-Khé enfourchés sur la même monture, la bande attendait l'abaissement du pont-levis pour s'extirper hors de la fortification.

L'esprit des Héritiers demeurait tourmenté de pensées pour leur famille, laissée à Tsour. Cette nuit pourrait être l'ultime fois où ils resongeaient aux inestimables moments, passés à leurs côtés. Pour sûr, d'autres songes étaient destinés à Nakoyi et Nalora qui ignoraient tout du combat qu'ils s'apprêtaient à vivre et qui risquerait de les éloigner d'elles, à tout jamais.

Khé-Khé s'attrista à l'idée que l'Alpha mourrait de chagrin, en cas d'issue fatale. Rien que pour l'éviter une telle douleur, elle se promit de se battre de tout son être pour sauver Drën-Warnoff pour la revoir. Elle renforça davantage l'emprise de ses bras autour de la taille d'Hazo, puis écrasa son front contre son dos. Elle tressaillit de surprise lorsqu'elle sentit d'un coup la chaleur de la main réconfortante du Warloïte contre la sienne. Arborant un léger sourire, l'Héritière fut rassurée par ce contact et ferma un moment les yeux, pour s'accorder une infime illusion de quiétude.

D'un regard lointain, Loctus songea un instant à Isaiah. Si elle parvenait à s'en sortir indemne, le Stormite la réprimanderait pour l'avoir mis à l'écart, une fois de plus. Cependant, la capitaine refusait de l'entraîner dans ce bourbier, sans compter le risque qu'il meure par sa faute. Le regret la consumerait à petit feu, le remord anéantirait le peu de raison qui lui restait jusqu'alors. Recevoir un coup de poignard ou une balle dans le dos était une souffrance bien plus supportable que celle-ci. En dépit de son caractère fourbe, sa conscience ‒ vilaine traitresse ‒ ne pouvait le permettre.

L'énième pensée de la rousse fut pour sire Bontemps, ce noble au grand cœur qui lui avait appris les ficelles de la seigneurie. Son esprit vagabonda enfin au souvenir de son ami de longue date, le capitaine Holloway. Elle lui avait promis de redonner, à leur nation, sa gloire et son honneur de jadis. Et prouver à l'Alliance que le territoire des pirates du Sud méritait leur place au sein de la Confrérie.

Alors que le pont-levis fut totalement baissé dans un bruit sourd, la femme empoigna la selle de la jument. Ses prunelles rubis, brillant de détermination dans la nuit, Loctus ferait de ce rêve une réalité.

Tu as ma parole, mon vieil ami. Ce soir marquera l'aube de notre gloire passée !

La capitaine tira sur la selle du cheval et le cabra dans un hennissement puissant. D'un cri de départ adressé à sa monture, la Drënienne ouvrit la traversée pour le mont Morith, suivie au galop par Néhémia et les Héritiers.

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Drën-Warnoff, vallée montagneuse, 21 : 10

Il fallut trente minutes de galop pour atteindre les montagnes. De leur position, le mont Morith n'était encore qu'une forme reculée qui, pourtant, dégageait déjà une aura puissante. La troupe délaissa les chevaux, à quelques mètres en deçà d'une montagne, sous le conseil de Loctus. Ils continuèrent ainsi leur montée à pied, conscients qu'il leur restait deux heures avant le déclin imminent de Drën-Warnoff.

— Pourquoi nous avons laissé les chevaux derrière ? demanda curieusement Khé-Khé.

— Parce que cette partie des montagnes est bien trop dangereuse pour eux, lui expliqua Néhémia, tout en épongeant les gouttes de sueur de son front du revers de son avant-bras.

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant