Chapitre 36 : La rencontre des légendes

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Black Wall, forteresse, 11 : 20

Les activités journalières au sein du fort battaient leur train. Bien entendu, la présence d'Isaiah entre ses murs, depuis deux jours, n'était pas passée inaperçue. Au grand plaisir des dames et des demoiselles, au grand dam des hommes. Combien de servantes se hâtaient, se culbutaient pour lui apporter déjeuners et dîners dans ses quartiers.

Que de convives curieuses lorgnant par la fenêtre de leur chambre, pour le plaisir d'admirer le Stormite effectuer son jogging matinal dans la haute cour. D'autres s'extasiaient depuis les couloirs couverts en arcade, situés près du jardin, pour contempler de plus près ses prouesses.

Isaiah rencontrait cette adulation assez souvent. Cela allait de soi. Vu sa réputation notable, l'Allevardien n'était en aucun cas un individu quelconque. Sans s'en plaindre, en général, il tenait toutefois à s'en priver durant ses tâches professionnelles.

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La taverne du château-fort se trouvait peu animée en cette heure matinale. Ce qui ne dérangeait en rien un binôme de boit-sans-soifs qui titubait, bras dessus, bras dessous, au gré de leurs chants maritimes. L'un d'eux poussa le second assez fort en arrière, au point qu'il s'écroula dos en premier plus loin, aux pieds d'une table en retraite. Avec une lenteur extrême, l'ivrogne renfrogné se redressa sur ses coudes. Ses mains prirent appui sur le rebord de la table.

— Par les entrailles de Black Wall ! Qui... hic !... Qui a placé cette table ici ? grogna-t-il, par-delà ses hoquets.

Sa vue embrumée par une consommation conséquente de rhum, la colère l'envahit face à la silhouette floutée assise devant lui. Le mutisme de l'individu le frustrait plus qu'autre chose. Il ne remarqua pas le silence qui plana dans le pub. Signe avant-coureur d'un danger bien plus proche qu'il ne l'imaginait. Tous les regards pointaient dans leur direction, y compris celui de son compère ivrogne, apeuré.

Le Drënien continua ses protestations :

— Hé !... hic ! C'est à toi que j'cause, nom d'une sardine. T'es sourd ou... quoi...

Son teint devint aussi livide qu'un linge blanc. Horrifié, son esprit assimila intégralement l'étranger qui lui faisait face. Installé sur sa chaise, les jambes croisées sous la table avec un D-pad en main, Isaiah était en plein travail.

Le Drënien n'arrivait plus à respirer. Encore moins à retirer ses mains de la surface en bois. Il transpirait, l'alcool consommé exsudait de ses pores. À cet instant, dire que sa vie ne tenait qu'à un fil ne pouvait être plus vrai.

— Sapristi ! M-Mes excuses... J-J'ignorais... qu'c'était vous à cette table, bredouilla-t-il, le cœur battant dans son cerveau.

Isaiah ne lui prêta aucune attention. Les yeux braqués sur son interface graphique, il balaya ses paroles d'un mouvement évasif de la main. Un langage gestuel le sommant de décamper vite fait de son espace.

Le pleutre ne se fit pas prier. Le pirate prit ses jambes à son cou, suivi par son acolyte. La scène passée aussitôt aux oubliettes, l'atmosphère d'antan reprit ses droits au sein de la taverne.

Depuis quelques heures, Isaiah s'était retiré dans un coin de la taverne. Le soldat consultait un rapport confidentiel sur la corporation « Hyperion ». Une mission transformée en une affaire personnelle, qu'il s'était juré de mener à terme, peu importe la durée.

Malgré ses efforts pour se concentrer sur le rapport, il était sans cesse déconcentré par le spectacle perçu à sa droite : une Khé-Khé roupillant à proximité d'un verre de lait, durant sa pause. Le visage tourné vers lui, sa joue s'aplatissait contre la table. Sa bouche entrouverte laissait échapper un filet de bave. Le babillage des Drëniens ne troublait en rien son sommeil.

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant