Un adieu déchirant (4) : « La requête de Sheik »

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Nakoyi ne comprenait pas un traitre mot de cette excuse qui, pourtant, semblait lourde de sens.

— Désolé ? Mais... pour quoi ?

Elle se raidit à l'expression changeante de Chaka. Ni joie ni plénitude ne s'y décelaient.

— Tu le découvriras bien assez tôt, garantit ce dernier d'une voix blanche. Mais peu importe ce qui se passera, quoi qu'il advienne, surtout, ne me retiens pas.

L'Héritière n'entendit le conseil que d'une seule oreille, troublée par le regard du guerrier. Pour la première fois depuis leur rencontre, Nakoyi ne put lire à travers lui. Leur chaleur d'antan avait disparu. Seule une flammèche persistait encore, mais son extinction paraissait imminente. Un frisson d'émoi saisit l'Alpha, à l'idée que Chaka se retranche sur lui et redevienne l'être taciturne qu'il était autrefois.

Nakoyi fit fi des yeux vides, qui la scrutaient de leur intensité épineuse, et posa sa main contre la poitrine de l'Allevardien. Malgré la couche de vêtements, elle se détendit quelque peu au doux rythme cardiaque qui pulsait dans sa paume.

L'adolescente garda longtemps sa vue concentrée sur sa main, afin d'éviter le contact des yeux étrangers au-dessus de sa tête. Hésitante durant un laps de temps, elle se lança.

— Ne te referme plus sur toi. Tu n'as pas à affronter le monde ou tes pensées sombres tout seul, nous sommes tous là pour toi. Nous sommes une famille et en famille nous rions ensemble, pleurons ensemble, surmontons les épreuves ensemble. Alors, s'il te plait, ne nous mets pas à l'écart.

Elle consentit enfin à le regarder.

— Ne me mets pas à l'écart. Entre un grand frère et sa petite sœur, il ne devrait pas y avoir de secrets. Pas lorsque ce secret cause une peine intérieure à son frère.

Cette fois, elle prit la main du jeune homme dans la sienne sans briser leur échange visuel. La cheffe appréhendait la réponse que lui fournirait l'aîné, s'il lui en offrait une, mais elle se devait tout de même d'essayer.

— Tu peux tout me dire, je ne te jugerai pas. Même si le fardeau est lourd, je t'aiderai à le porter. Je trouverai une solution pour l'alléger. N'aie pas peur de ce que diront ou penseront les autres, je trouverai un moyen d'apaiser leurs craintes ou même leur colère s'il le faut. Mais moi, sache que je serai toujours là pour toi. Ouvre-toi à moi, Chaka.

Le prince demeura de marbre. Seuls ses battements de cils témoignaient de toute son attention à ses paroles. Contre toute attente, ses mots réussirent tout de même à lui soutirer un brin de sourire, en dépit de son état passif.

Nakoyi s'accrocha à la bluette de chaleur perceptible dans le regard neutre du guerrier. Qu'importait la durée du silence pesant qui les engageait dans une issue incertaine, tant que cela n'aboutissait pas à une conclusion désolante, pour l'un comme pour l'autre.

Un regain d'espoir parcourut comme des frissons le corps de la cheffe, alors même que les lèvres de Chaka se dénouaient. Lentement mais sûrement. Toutefois, celui-ci fut de courte durée. La bouche du prince se scella tandis que sa vue pointa vers la gauche.

Sortant au milieu de l'allée d'arbres, Sheik balaya les environs de ses yeux bleus. La joie irradia sa mine enfantine à la vue des deux Héritiers recherchés. Derrière lui surgit Nalora qui les aperçut à son tour. Sans perdre de temps, le binôme les rejoignit sous le chêne.

— Vous voilà ! On vous cherchait partout, s'exclama le jeune luron.

Nalora observa le duo à tour de rôle. Elle perçut, par l'ambiance bien trop calme à son goût, un léger malaise dans l'air.

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant