Chapitre 7 : Le grand retour !

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Toujours au chevet de l'étranger, Khé-Khé s'informa de son état.

— Comment vous sentez-vous ?

Le pirate s'était tant focalisé sur le goût nauséeux et la légère douleur ressentie contre sa gorge, qu'il n'avait pas remarqué que ses maux s'étaient dissipés. Ce changement inattendu le bouleversa.

— Je... Je me sens beaucoup mieux. Mais qu'est-ce que c'était ? demanda-t-il assez confus, au sujet de la mystérieuse potion.

— C'était un antidouleur concocté par mes soins. Je l'ai nommé l'Éluchior. Grâce à lui, vous ne ressentirez plus les effets du Crisis.

— Vrai... Vraiment ? C'est possible ?

— Du moins pendant une durée de six heures, renchérit l'humanoïde.

Le jeune homme cilla des yeux à la fois de choc et de surprise. Ce qu'il venait d'entendre le subjuguait. Il n'aurait jamais cru en l'existence d'un tel remède, s'il ne l'avait pas expérimenté lui-même.

Ce type de potion n'était d'aucune nécessité pour les Héritiers. Cependant, il jouait un rôle préventif pour pallier le genre de désagrément rencontré par le pirate. Ce même remède qui avait permis aux guerriers Jenkins et Klaus - à deux doigts de frôler la mort par le Crisis - de quitter l'enceinte de la forêt, sains et saufs.

Le miraculé toussa à s'enflammer les cordes vocales, en raison d'un besoin de s'hydrater. Khé-Khé décrocha la gourde recouverte de cuir, accrochée à sa ceinture, pour la lui offrir. Celui-ci l'accepta d'un remerciement, puis but le contenu pour étancher sa soif.

— Vous m'avez sauvé la vie. Je ne sais pas comment vous remercier.

— Vous pouvez déjà commencer par nous dire votre nom, suggéra Nakoyi.

— Sacrebleu, je ne l'avais pas encore mentionné ! s'étonna-t-il en ayant l'esprit plus clair. Mon nom est Néhémia Rutherford.

— Enchantée ! Je m'appelle Nakoyi Héthamirân et voici Khé-Khé Mara.

La Zérynthia gesticula sa main en signe de salutation.

— Que vous est-il arrivé ? enchaîna l'Alpha.

— Pas besoin de me vouvoyer, dit-il en épongeant la sueur de son front crasseux. Des frères de la côte et moi-même avons été pris dans une embuscade, attaqués par une meute de xénons. Nous avons été séparés durant l'assaut. Malheureusement, mon temps accordé sur Zarif a expiré et vous connaissez la suite.

À s'y méprendre, l'accès à Zarif n'était pas interdit. Certes, les Tchivas la considéraient comme un lieu d'initiation, un second « chez-soi ». Toutefois, ce lieu ouvrait généreusement ses portes à tous, à une seule condition : les Allevardiens ordinaires possédaient un temps imparti d'une heure. Sans quoi, l'énergie bleue, à la beauté destructrice, se chargeait de les consumer.

Durant le récit de Néhémia, des bruits assourdissants parvinrent aux oreilles de Khé-Khé, l'obligeant de suite à jauger une zone reculée de la clairière. Intriguée, la fillette fit de nouveau appel à son ouïe fine, capable d'assimiler des battements de cœur ou des murmures à des kilomètres. La grimace de dégoût qui suivit en disait long quant à sa découverte. Au vu de son expression, Nakoyi tira ses propres conclusions.

Néhémia regarda autour de lui.

— En parlant de mes compagnons, vous ne les auriez pas vus par hasard ?

Le médecin se résolut à prendre la parole.

— Ça dépend.

— De quoi ?

L'Héritière reporta ses prunelles émeraude sur lui et leva un sourcil.

— Du morceau que tu cherches.

Il fallut un certain temps au pirate pour appréhender le sous-entendu du « morceau ». Les bruits perçus par Khé-Khé stipulaient que les xénons ‒ des bêtes carnivores ‒ faisaient de ses compagnons, leur repas du jour.

— Oh non ! se lamenta-t-il pour les siens, son visage caché dans le creux de ses mains.

— Je suis désolée ! s'attrista Nakoyi en toute sincérité. Tu es épuisé et cette nouvelle a été un choc. Tu devrais venir au bosquet avec nous. C'est un lieu sûr où tu pourras te reposer.

Néhémia écarta légèrement ses doigts, pour laisser transparaître son expression troublée.

— Au bosquet ? Parce que vous vivez ici ? Comment est-ce...

Le pirate écarquilla les yeux de stupeur. Les tatouages des fillettes venaient de briller comme par enchantement, mais cela les laissait indifférentes.

— On ferait mieux de partir d'ici, préconisa Khé-Khé. D'autres bêtes ne tarderont pas à arriver, elles sont attirées par l'odeur du sang de cet endroit.

Néhémia, toujours la mine hagarde par la scène du flash de lumière, pointa du doigt leur bras. Il peina à prononcer une phrase cohérente, par-delà sa voix cassée.

— Vos... Vos bras... tout à l'heure, ils...

La Zérynthia porta son regard sur son bras indexé, avant de sourire.

— Tu veux parler de la lumière de tout à l'heure ? Eh bien, c'était un signal de notre Nino. C'est un genre de pressentiment propre aux Tchivas.

Prise dans sa lancée, la passionnée des sciences se fit un plaisir de lui expliciter ce mystérieux phénomène.

— Alors, cette capacité s'exploite grâce au Crisis qui a accès à notre système nerveux, notre psyché. Cette énergie renvoie n'importe quel ressenti, sous forme de lumière que tu as vue, sur certaines parties de notre corps. C'est ce phénomène appelé Nino qui nous permet, par exemple, d'être alertés des dangers alentour ou d'un mauvais pressentiment ou...

Plongée dans ses explications, Nakoyi fut la seule à remarquer la physionomie changeante du pirate. Il pâlissait à vue d'œil.

— Néhémia... ? Ça va ?

L'Allevardien n'écoutait plus un traitre mot de Khé-Khé, depuis qu'elle avait prononcé « Nino » et « Tchivas » dans la même phrase. L'appel de Nakoyi ne l'atteignit pas non plus. Il enregistra ces deux termes lourds de sens dans son esprit. À présent débarrassé de la gêne des vertiges et du flou, l'homme étudia pour la première fois ses mystérieuses bienfaitrices.

Leur accoutrement se distinguait sans peine.

Des Warloïtes !

Un frisson indicible l'envahit alors qu'il inspectait Nakoyi, dont la tête bascula sur le côté. Les rides du lion de Néhémia s'accentuèrent, au fur et à mesure qu'il énumérait mentalement certains éléments sur son apparence : masque traditionnel à l'énorme plumage, tatouages visibles sur les parties non dissimulées par ses vêtements.

Il opéra ensuite la même inspection sur Khé-Khé courbée face à lui, lorsqu'un détail frappant bloqua sa rétine.

Comment n'ai-je pas remarqué qu'elle était... violette. Et ce regard émeraude... C'est une Zérynthia !

Hormis la morphologie unique, il nota également ses tatouages singuliers.

Effaré, Néhémia écarquilla les yeux, tandis que sa conscience lui révélait une vérité plus qu'ahurissante.

— J'ai entendu tant de légendes sur ces guerriers Warloïtes, que je pourrais les identifier les yeux fermés.

Il fixa le duo à tour de rôle et fut pris d'un rire hystérique.

— Par la barbe de Black Wall ! Vous êtes des Tchivas ! En chair et en os ! Après deux longs siècles d'absence, vous... vous êtes de retour !...

Sur ces dernières paroles, Néhémia tourna de l'œil. Décalé du fût de l'arbre, son corps s'affaissa maladroitement sur l'herbe humide, devant le silence des Héritières.

Khé-Khé qui finit par se relever, le fixant d'un air mitigé.

— Ça alors ! Ceux qui tombaient en syncope à la capitale, en nous voyant, ne souffraient pas d'asthme finalement.

Nakoyi ricana, tout en secouant la tête d'amusement.

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant