Chapitre 42 : Détente entre amis

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~ Durant la même nuit ~

Black Wall, 22 : 05

Sur invitation de Loctus, la petite bande s'était regroupée dans une taverne hors de la forteresse. La soirée servait de détente et de geste de bienvenue pour Isaiah dans la capitale.

Rien de mieux pour se réjouir que le Pendu : lieu de convivialité, respecté des Drëniens et d'étrangers venus d'ailleurs. La taverne était réputée pour ses festivités au gré d'instruments et ses recoins isolés, aux lumières tamisées, réservées pour les friands de discrétions. Les barmaids sillonnaient chaque table pour y déposer bouteilles de rhum et bières moussantes. Un cadre divertissant, où tous les aventuriers content des récits des temps immémoriaux sur les héros d'Allevard. Des légendes qui appelaient le public à l'admiration.

Le groupe s'était retirée dans le coin privé de Loctus. Des verres et des bouteilles entamés s'étalaient sur la table éraflée de coutelas. Depuis peu, ils prêtaient oreille aux divulgations de Khé-Khé sur l'épidémie.

— Nous avons deux cas de figure possible, indiqua le médecin avec son verre de lait en main. D'un côté, l'épidémie se transmet par contact physique. De l'autre, elle est présente dans l'air sous forme de miasmes, et donc, sans contact physique. Les soignants se focalisaient sur une contamination physique. Ce qui est impossible, vu que le médecin de la Zone Zéro est toujours bien portant. L'Eluchior ne change rien à ça.

La naturopathe leva des yeux pensifs en hauteur et fixa le plafond ténébreux de la taverne.

— Négliger la propagation dans l'air augmente le risque réel de l'épidémie. Ça détourne l'attention de vrais moyens de prévention et l'élaboration d'un éventuel remède.

Le silence pesant de ses amis la poussa à redresser la tête. Elle faisait face à un auditoire béat qui n'y voyait que du bleu. Tout le monde avait décroché à ses explications. Plus ils l'écoutaient, moins ils la comprenaient.

Khé-Khé roula des yeux.

— Ce que j'essaie de dire, c'est que selon moi, la contamination doit venir des airs. J'ignore comment vous l'expliquer, mais je le sens.

Assis à ses côtés, Hazo prit la parole, comme pour appuyer la thèse de la Zérynthia.

— En même temps, ça ne m'étonnerait pas vraiment que l'origine se trouve dans l'air. Durant mes promenades à travers le port, j'ai envoyé plusieurs insectes mécaniques examiner les environs de Drën-Warnoff.

— Qu'est-ce que ç'a donné ? se renseigna Isaiah.

Hazo se cala sur sa chaise, pour ensuite énumérer ses nombreuses découvertes.

— Drën-Warnoff fait l'objet d'une forte activité volcanique qui module son paysage et son atmosphère. Les gaz que rejette le mont Morith sont à l'origine de la nuée ardente qui cache la lumière du soleil. Leur fort taux de carbone est responsable des crises cataclysmiques et biologiques de la nation.

Le trio d'adultes ne cessait de se demander s'ils se trouvaient en présence de simples adolescents. Il était évident que chacun excellait dans son domaine respectif.

— En gros, ça explique l'écosystème désertique et l'odeur d'œuf pourri de la capitale, résuma l'Héritier.

— Bienvenue chez nous ! gloussa la rousse à cœur joie.

— Normalement, avec toutes ces anomalies, aucune âme vivante n'aurait pu survivre sur ce territoire, rajouta le Warloïte. Mais bon, disons-le franchement : sur Allevard, rien est impossible ! Et au final, l'impossible devient normal.

— Tu trouves ça normal, toi ? questionna Néhémia, assez troublé.

Hazo croisa les bras. Il retint à peine un sourire narquois.

— Tu demandes à un Hybride, dotée d'une énergie censée être mortelle, mais qui circule librement dans son corps en guise de sang... si c'est normal ? ironisa-t-il.

Néhémia, qui n'avait pas réfléchi à cette notion, tenta de se rattraper.

— Ne vois pas les choses sous cet angle. Je... Je trouve que tu as l'air toujours... enfin, assez normal.

En sa qualité d'ingénieur, Hazo avait toujours préféré les faits tangibles aux théories. Ainsi, il pointa du doigt son œil bionique.

— Tu vois ça ?

Par moment, les trois formes circulaires, d'un bleu électrique, tournoyaient chacune dans le sens opposé, tel un mécanisme incorporé dans sa rétine.

— Tu trouves ça normal ?

Il ne reçut aucune réponse de la part de Néhémia. Le Drënien était pris dans une sorte d'hypnose, perdu dans la fixation de ce regard atypique. Il en ressortit secoué, au son des rires moqueurs de ses compagnons.

Au même moment, le tavernier du Pendu se fraya un chemin à travers la faune. Le barbu se rapprocha d'eux, un buffet dans les mains. Des plats de ragouts, d'escalopes de veau, un plateau de fruits de mer grillés, accompagnés de tranche de pains, trônaient sur la table. Le fumet de ces mets alléchants s'engouffrait dans les narines des Warloïtes, gonflant leur regret aux souvenirs des repas savoureux de Nalora.

Isaiah dévisagea les Héritiers d'un air indécis qui les interpella.

— Quoi ? dirent-ils en chœur.

Le Stormite fronça les sourcils. Son regard ne simulait aucune moquerie.

— Vous avez besoin de manger ?

Les Héritiers se jetèrent un coup d'œil, puis le fixèrent d'un drôle d'air.

— Nous sommes quoi, des morts-vivants ? Bien sûr qu'on a besoin de se nourrir, répondit Hazo. Comme tout le monde.

Khé-Khé ajouta son grain de sel.

— À préciser que même les zombies se nourrissent, j'ai vu ça dans certains films pour adultes. Même si leur nourriture est à base de chairs humaines ou animales.

— Doc ! s'exclama la bande qui s'apprêtait à s'alimenter.

Cette dernière plaqua sa main contre son front, pour avoir encore parlé sans réfléchir.

— Désolée, c'est plus fort que moi.

Le repas se déroulait dans la bonne humeur. Des plaisanteries échangées soulevaient l'hilarité générale. Leurs rires se mélangeaient aux effervescences de la taverne.

Loctus s'adressa à Khé-Khé.

— Au fait, Doc, durant tes hypothèses sur l'épidémie, tu as parlé d'un ressenti. Tu faisais allusion au Nino ?

L'Héritière afficha un sourire enfantin.

— Tu as entendu parler du Nino ?

— Et comment ! J'ai entendu tant d'histoires sur vous et ce pressentiment hors du commun. Pour être honnête, j'ai tellement de questions à vous poser.

— Rectification, reformula Isaiah d'un doigt levé, nous avons tant de questions à vous poser. Après tout, vous n'êtes pas le genre de personnes que l'on croise tous les jours. Alors, autant en profiter.

Le binôme d'Héritiers se consulta d'un contact visuel et, de concert, se tourna vers eux.

— Si vous voulez, approuva Hazo. 

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant