Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]

Chapitre 31 : Le savoir d'une érudite

Black Wall, fort de Loctus, 17 : 15

L'immense forteresse en imposait par ses innombrables compartiments ; parmi lesquels figuraient la salle du trône en regard du hall d'entrée, les cuisines, les chambres d'hôtes, le donjon, les tours de garde, les écuries, la taverne, les terrains d'entraînement, la haute cour avec son grand jardin et plus encore.

En dehors de ces sections s'ajoutait une grande bibliothèque. La grande pièce abritait une immensité de manuscrits. Ces ouvrages se répartissaient sur deux couloirs d'étagères circulaires en bois de chêne. Doté d'un plafond voûté, le bâtiment s'étalait sur trente mètres. Pour permettre l'accès aux archives situées en hauteur, des échelles côtoyaient chaque étagère.

L'intérieur du lieu ancestral respirait le vieux, le papier et le renfermé, sujet à l'abandon. Celui-ci avait pourtant su garder son charme sous son décor fait de boiseries et de voûtes. Certains manuscrits enluminés, mais poussiéreux, demeuraient intacts. Au cœur de cette salle tant architecturale que monumentale, Khé-Khé étudiait moult livres anciens à la reliure en cuir, à longueur de journée.

Éloignée du charivari, originaire à la fois du château-fort et de sa périphérie, l'Héritière avait choisi la bibliothèque comme coin de travail. Retirée du compartiment médical de la forteresse et des autres soignants, elle se concentrait mieux à besogner en solitaire.

Khé-Khé venait d'une famille de six enfants, dont elle était la benjamine de cinq frères. Ses statuts d'Héritière et de médecin faisaient la fierté de la dynastie Mara, d'une grande renommée dans le domaine médical. Son jeune âge ne l'empêchait pas d'être recommandée par la haute société mondaine de l'Empire et celle étrangère. Après l'obtention de son diplôme, à seulement huit ans, son savoir la classa parmi les plus grands médecins de Warlok.

Au bout de trois jours, à ingurgiter une foison de verres de lait à s'étouffer, son corps s'était acclimaté à l'environnement de Black Wall. À l'apogée de la première semaine passée à la capitale Drënienne, la Warloïte occupait la salle à l'aurore et se retirait tard dans la nuit. Assise en tailleur sur la table qui trônait au centre la pièce, elle paginait une infinitude d'ouvrages.

Immergée dans cette passion de l'apprentissage, elle en vint à se remémorer ses moments à la capitale de Warlok. Les paupières fermées, elle s'imaginait se trouver dans la bibliothèque familiale, prenant un agréable plaisir à étudier des volumes de plus de trois cents pages chaque jour.

Le grincement des portes monumentales en bois arquées de la salle l'arracha à contrecœur de sa douce torpeur. Le son résonna dans l'enceinte du lieu silencieux. Malgré les quinze mètres qui les séparaient, la fillette, au dos tourné, appréhendait déjà l'identité du nouveau venu.

— Tu as besoin de quelque chose, Néhémia ? lui demanda-t-elle sans se retourner.

L'arrêt brusque des pas du jeune homme dénotait sa stupeur.

— Mille tonnerres ! Comment tu as su ?

— Ton bain aux huiles de cannelles te trahit, répondit-elle, amusée.

Une légère teinte pourpre réchauffa les joues granuleuses du Drënien, qui rigola de bon cœur.

— Tes pouvoirs sensoriels sont vraiment incroyables.

Il contourna la longue table rectangulaire pour faire face à son amie. Un verre de lait et un sandwich, garni de tranches de viande rôtie, occupaient chacune de ses mains. Un sourire naquit sur son visage.

— Tiens, je me suis dit que tu en aurais peut-être besoin, proposa-t-il en déposant le déjeuner sur la table.

Khé-Khé laissa son ouvrage en cours. Le fumet alléchant du rôti fit gargouiller son ventre. Un rappel qu'elle n'avait rien avalé de la journée, excepté son petit-déjeuner.