Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]

Chapitre 10 : Une nouvelle destination

Le regard des Héritiers s'attardait sur Néhémia. Depuis leur venue dans la forêt, l'Allevardien était leur première rencontre du monde extérieur.

Primo, le pirate s'aperçut de leur nombre croissant.

Ce n'était pas un rêve !

Il constata par contre avec honte qu'il s'était immiscé dans une conversation intime.

— Mille tonnerres ! Pardonnez mon intrusion. J'ai entendu votre conversation et... Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas... s'excusa-t-il d'un air penaud en se massant nerveusement l'arrière du cou.

De peur de le voir retomber dans un autre élan de panique, Nakoyi le rasséréna sur-le-champ.

— Tout va bien, Néhémia, n'aie pas peur. Au contraire, tu viens peut-être de résoudre notre problème. Approche, s'il te plaît.

À ses paroles, le Drënien soupira de soulagement. De ce pas, il les rejoignit parmi les jacinthes et s'installa entre Hazo et Khé-Khé.

— Tu vas mieux ? se renseigna le médecin.

— Je vais beaucoup mieux, merci. Nom d'un xénon ! J'ai encore du mal à croire que ce soit réel ! gloussa-t-il d'un air émerveillé. D'après les légendes, votre dernière apparition remonte à la grande guerre de l'Ancienne Ère.

Cette bataille datait de deux cents ans. À la mort du dernier des Tchivas, un intervalle de deux, voire trois siècles, s'écoulait avant la genèse de la nouvelle génération. Ainsi s'effectuait le cycle propre à ces guerriers.

Les propos de Néhémia intriguèrent les deux aînés qui fixèrent désormais les benjamines, une question en suspens inscrite sur leur visage.

— Euh, vous vous souvenez lorsqu'on parlait de ce qui l'avait rendu inconscient ? entonna la Zérynthia.

Cela suffit à leur compréhension. Nalora fixa de nouveau l'Allevardien.

— Je vois, tu sais donc qui nous sommes. Ou plutôt, ce que nous deviendrons plus tard.

— Néhémia, je te présente Nalora Derryan et Hazo Nazav, introduisit Nakoyi en même temps que ces derniers répondirent du salut traditionnel.

— Néhémia Rutherford, à votre service, s'inclina-t-il.

— Et si tu nous parlais un peu plus du mont Morith, reprit la cheffe. Qu'est-ce qui te fait penser qu'il s'agit du volcan que nous recherchons ?

— De ce que je sais, le mont Morith est le seul volcan toujours actif d'Allevard.

— Tu veux dire qu'il ne dort jamais ?

— S'il l'a déjà fait, c'était sans doute avant ma naissance, mais j'en doute carrément. Ce volcan ne peut pas s'empêcher de... de...

— Fumer ? suggéra Khé-Khé d'un sourire espiègle, en se référant à l'énigme.

— Haha ! C'est exact, adhéra le pirate, hilare. « Un fumeur irréductible », je n'aurais pas pu trouver mieux. La fumée qu'il dégage plonge Drën-Warnoff dans un crépuscule sans fin. Dans les zones souterraines, des cascades et des fontaines de laves y coulent à flots.

— Tu as parlé d'un port, ponctua Hazo.

— C'est précisément à cet endroit qu'il se trouve. Au port de Black Wall, c'est la capitale. Je peux vous y conduire, si telle est votre future destination.

— C'est très gentil à toi, agréa Nakoyi.

Un gargouillement audacieux émana soudain de son ventre creux.

— Désolée ! glissa-t-elle, gênée. Nous en reparlerons autour d'un bon repas. Tu profiteras de l'occasion pour nous parler de toi, si tu veux bien.

Pour l'Ezikwe, il leur fallait du temps pour échafauder un plan. La hâte n'était pas de rigueur.

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La petite famille partageait un dîner, commodément installée au sommet d'une plante similaire au tournesol. Sur celle-ci, divers mets savoureux et sains — viandes, poissons, crustacés, légumes et fruits variés — attendaient d'être dégustés. Malgré le refus de Néhémia de s'incruster, la cheffe sut se montrer persuasive.

Le Drënien ne s'engagea pas sur le moment. Il connaissait les rumeurs sur les aliments de Zarif, pouvant être mortels pour les personnes ordinaires. Les lueurs reflétées sur les fruits et au travers des veines des Héritiers, à chaque bouchée, confirmaient ces théories. Ses pensées furent interrompues lorsqu'un poisson embroché apparut devant ses yeux.

— L'Eluchior, tu te souviens ? lui rappela la naturopathe d'un clin d'œil, la bouche pleine.

Ses paroles antérieures lui revinrent aussitôt à l'esprit : « Vous ne ressentirez plus les effets du Crisis... Du moins pendant une durée de six heures. »

Ses craintes estompées, le pirate prit la broche des mains de Khé-Khé, la remercia et s'en délecta avec appétit.

De petites bestioles les survolaient. Leurs sons intriguèrent Néhémia. « Ils nous souhaitent un bon appétit ! » lui avait traduit Nakoyi.

Selon le souhait de l'Ezikwe, Néhémia se présenta. Originaire des terres pirates du Sud, il naquit à bord d'un navire comme la plupart des Drëniens. Citoyen de Black Wall depuis vingt-cinq années, il vivait en quête d'aventures et de sensations fortes en tant qu'émissaire au service du seigneur de Drën-Warnoff.

L'Allevardien n'omit pas de conter ses débuts de matelot sur le célèbre « Maelström » : le galion de l'illustre capitaine Loctus Aenias. Assurément, il relata certains faits pittoresques, pas moins suicidaires, vécus au côté de cette légende de la piraterie. Les rires sonores des Warloïtes ne manquèrent pas de suivre.

— Voilà ! Vous savez à peu près tout de moi.

— Parle-nous un peu plus de Black Wall, demanda Hazo avec euphorie.

— Que dire ? La capitale n'est pas du tout réputée pour sa beauté ni ses citoyens exemplaires. Il est plutôt...

Néhémia baissa la tête, à la recherche de termes adéquats pour une meilleure description de sa terre natale.

— Honnêtement, c'est la région la plus malfamée et toxique que je connaisse. Mais c'est chez moi, soupira-t-il avec nostalgie.

À la canopée, les rayons de soleil les caressaient de légèreté. L'arôme naturel des alentours était thérapeutique et la brise, rafraîchissante.

— Est-ce facile d'y entrer ? questionna Nalora.

— Bien sûr. La ville accueille plusieurs Allevardiens de contrées différentes, en raison de ses commerces en tout genre. On y rencontre des Neromiens, des Stormites, des Aldaches et même des Warloïtes. Le mieux serait de rencontrer le seigneur Drënien, bien qu'en ce moment, plusieurs occupations l'accaparent. De toute façon, vous aurez besoin de son accord pour votre expédition au mont Morith.

— Si tu me permets, j'aimerais te poser une question, amorça Nakoyi en replaçant soigneusement son masque. Pourquoi venir ici ? Il est évident que tu ignorais notre existence. Je suis curieuse de savoir ce qui a pu te risquer à pénétrer dans Zarif.

L'air jovial du pirate tomba. Alors que ses épaules se cambrèrent de désarroi, ses yeux luisirent de tristesse.

— Je suis ici... pour trouver une solution. Un remède.