I. I

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Je baillai lentement et gémis de mécontentement. Le soleil d'Août venait éclairer mon visage à travers les lattes du volet en bois. Je m'étirai avant de me redresser dans mon lit. J'observais la chambre rapidement : des murs blancs, un grand lit, une couette jaune, une armoire en bois avec un miroir à ma gauche, une télévision et la porte-fenêtre à droite, une porte sur le mur d'en face menant au couloir et une deuxième condamnée allant dans la chambre voisine. Mais ce qui attira mon regard fut l'araignée de maison sur le mur blanc. Un grognement s'échappa de ma bouche avant de je n'attrape un chausson et que je donnai un grand coup sur le mur. Tant pis pour la tâche.

Je me frottai les yeux en baillant puis arrêtai de bouger. Ce n'est définitivement pas ma chambre. La voix étouffée de ma grand-mère me parvint depuis le salon. Je fronçai les sourcils alors que le brouillard de mon cerveau se dissipait lentement.

Août. Grand-mère. Couette jaune. Les vacances !

Je décidai finalement de me lever et d'aller rejoindre mes grands-parents dans le salon. Je ne pris pas la peine de mettre mes chaussons et passai distraitement ma main dans mes cheveux blonds emmêlés. Je regardai quelques secondes mon reflet dans le grand miroir. Un pyjama gris à manches courtes et un short, remplis tout deux d'ananas jaunes et noirs, une peau trop pâle et des yeux bleus ensommeillés. C'était définitivement moi. J'ouvris la porte en tirant d'un coup sec dessous, les gons ayants vieillis. J'étouffai un juron alors que mes pieds passaient du parquet frais au carrelage blanc, marron, jaune et noir glacé du couloir. Je me dépêchai de traverser le petit couloir desservant les chambres, la salle de bain et la porte d'entrée, pour atterrir dans le salon au carrelage homogène taupe toujours glacial et de sauter sur le canapé beige en cuir.

Mon grand-père, Yves, me jeta un regard troublé depuis son fauteuil gris avant de monter le son de la télévision. Ma grand-mère, Michelle ou Mimi, me sourit depuis la cuisine.

« Salut ! dis-je

- Bonjour Eva. Bien dormi ?

- Oui très bien, merci et toi, Mimi ?

- Bien dormi aussi. »

Je me retournai vers mon grand-père pour lui demander mais il était penché en avant à regarder son émission sur les voitures. Je détaillai le salon, encore ensommeillée, la télévision était entourée de deux armoire aux vitres transparentes laissant voir la collection de livres de mes grands-parents ainsi que ce qu'ils appelaient leurs trésors : des photographies de ma mère à tout âge, mais également quelques-unes de moi ainsi que deux pierres, une rose et une violette. Je tournai ma tête vers la droite pour découvrir la table à manger recouverte de papiers et de plantes. Derrière la table, la fenêtre donnait sur le jardin où l'on voyait les chats courir.

Je me levai lentement et traversai la distance entre le canapé et les chaises au pas de course. Je m'assis en tailleur et attrapai un croissant. Je regardai furtivement l'heure. 10h16. Je grimaçais, me rendant compte que mon petit-déjeuner se composera juste du croissant frais.

Je m'étirai et fis craquer ma nuque avant de regarder d'un mauvais œil le carrelage.

Juste six ou sept mètres pour aller à la chambre. A raison d'un pas et demi par mètre, ça fait ... même pas dix pas. Courage, Eva.

Je me levai et courut jusque dans ma chambre en sautillant sous le soupir défaitiste de mon grand-père et le rire moqueur de ma grand-mère.

On ne se refait pas.

Je mis mes chaussons et attrapai des vêtements dans ma valise avant d'aller dans la salle de bain.

Non, mais quelle idée de mettre du carrelage aussi froid dans une salle de bain !

Après m'être douchée et habillée d'un jean bleu clair et d'un t-shirt blanc, je sortis de la salle de bain. J'enfilai mes baskets puis sortis sur la terrasse. Certains chats vinrent tout de suite vers moi et j'en profitai pour les caresser.

Dans les chats présents, il y avait les quatre mères que j'avais l'habitude de voir : une tigrée marron, la doyenne, une plus claire totalement sauvage, Peureuse, une tigrée marron très foncée, Pépette, et une chatte grise avec de légères rayures gris foncé, Grisette. Mais en plus d'elles se trouvaient trois chatons : une semblable à la doyenne, Pinpin, une comme Grisette, Ambrin et un tel que Peureuse, Jaunâtre.

Lorsque j'avais appris le nom que mon grand-père avait donné à ses chatons, j'avais éclaté de rire. Pinpin, Ambrin et Jaunâtre. J'esquissai un sourire au souvenir de cette soirée.

Je fus surprise par la voix de ma grand-mère qui me parlait à travers une fenêtre ouverte.

« On a décidé de les faire adopter.

- Adopter ? Mais ses chats sont complètement sauvages !

- Justement, tu profiteras de tes vacances pour les apprivoiser. »

Devant ma tête surprise, elle s'empressa de continuer.

« Tu m'as prise pour une dresseuse de chat ? »

Elle ignora ma question et poursuivis.

« Mais si tu ne t'en sens pas capable ce n'est pas grave, comme tu l'as dit ce sont des chats sauvages, comme tu le sais, ils ne vivent que peu de temps avant de se faire manger ou écraser par une voiture. Tu vas passer un mois ici, alors tu as le temps. »

Je soupirai. Je savais qu'elle avait raison, que j'aurais le temps, mais je voulais tellement me balader dans les sentiers de la forêt juste derrière la maison.

« J'accepte de les apprivoiser »

Pourquoi ? Pourquoi j'ai dit oui ? Foutu cerveau pas réveillé.

« Merci Eva, tu verras ils sont adorables ! »

Bien sûr qu'ils sont adorables. Ce sont des chatons.

Elle se retourna mais juste avant de fermer la fenêtre, elle ajouta quelque chose.

« Une dernière chose, évite d'aller dans la forêt ! Il se passe des choses ... bizarres là-bas.

- Bizarres ? C'est-à-dire ?

- Il vaut mieux que tu ne saches pas. Je te connais tu es bien trop curieuse !

- Dis-moi ou j'irai voir, tu le sais très bien !

- Bon bon, d'accord. Il y a comme ... une sorte de ... portail.

- Un portail ? Depuis quand un portail peut être dangereux ?

- Un portail normal, non. Mais celui-là, oui. Ecoute-moi bien, n'en parle à personne et n'y vas pas. Compris ? demanda-t-elle d'un ton dur

- Compris, mon colonel ! »

Ma grand-mère avait raison j'étais bien trop curieuse, mais j'avais surtout un bel esprit de contradiction. Mon regard se dirigea vers la forêt naturellement. Oh oui, j'irai voir quel était ce portail.

A un battement de cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant