Chapitre 77 (Partie 3)

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– Enlevez votre chemise, lui ordonna-t-elle alors qu'elle cherchait un pot d'onguent dans sa coiffeuse.

Joshua la regarda, interdit.

– Allez, dépêchez-vous, j'ai des tas de choses à faire aujourd'hui.

– Je ne veux pas, se contenta-t-il de répondre.

Elle se tourna vers lui et lui vit cette expression butée qu'elle commençait à bien connaître.

– J'ai déjà aperçu votre dos. Et vous avez suffisamment râler ce jour-là pour ne pas l'avoir déjà oublié.

– C'était différent les rideaux étaient tirés, il faisait noir dans ma chambre.

– Vous êtes au courant que je vois mieux que la plupart des gens dans l'obscurité.

Elle le vit déglutir.

Il se mit à reculer jusqu'à ce qu'un mur l'empêchât d'aller plus loin. Il plaqua son dos contre les boiseries et s'y accrocha comme pour se retenir de sombrer dans un gouffre béant.

– Je ne suis pas prêt.

– Quand est-ce que vous le serez ? Lui demanda-t-elle très doucement.

– N'utilisez pas vôtre don sur moi à nouveau.

– Ce n'est pas ce que je suis en train de faire.

Elle posa simplement sur lui un regard si bienveillant et si lumineux qu'il en fut désarmé.

Elle était différente des autres.

Il devait cesser ces enfantillages. Il ne pouvait pas continuer ainsi, pas avec elle, ou il finirait par la perdre avant même qu'elle n'ait été à lui. Il abdiqua, les doigts gourds, il dénoua sa cravate et commença à déboutonner sa veste.

– Je vais avoir besoin d'aide pour la retirer, elle est très ajustée.

Effectivement le tissu était tendu sur ses épaules comme une seconde peau. C'était quasiment marqueur social, les meilleurs tailleurs, les plus chers, cousaient des vestes qui nécessitaient forcement l'emploi d'un valet.

Cassandre déboutonna ensuite son gilet, elle sentait ses muscles se contracter sous ses doigts. Quand il saisit son bras alors qu'elle écartait les pans de soie verte, elle vit dans ses yeux jaunes la peur irraisonnée contre laquelle il luttait. Il n'était plus tout à fait là, il était retourné dans les caves humides de Churbedley. Il serrait sa main gauche à lui faire mal, son alliance mordait la chair de son annulaire tordu. Il lui vint une idée.

– Joshua, nous avons tous nos vieilles blessures, souffla-t-elle.

Il se pencha vers elle, la dominant de toute sa taille, elle sentait la chaleur qui se dégageait de son corps, mais il paraissait si loin.

– Si vous me laissez passer cette crème sur votre dos, je vous raconterai comment je me suis cassée les doigts. Est-ce que cela vous intéresse ?

Il semblait reprendre pied avec son époque et en silence hocha la tête. Il laissa tomber son gilet au sol et fit passer sa chemise au-dessus de sa tête. Cassandre inspira une longue goulée d'air chargée de son odeur. Du bois de cèdre, du vétiver et un parfum bien à lui légèrement épicé.

À la lumière crue de cet après-midi déclinant, son torse ressemblait à du bronze poli. Elle ne put retenir un petit grognement, qui n'avait rien de féminin.

La main sur son ventre plat, elle l'incita tranquillement à s'asseoir sur le tapis devant la cheminée où le feu avait été entretenu et tenait éloigné le froid de l'hiver, Cassandre aurait voulu qu'il réussisse aussi bien à tenir distance les mauvais souvenirs, mais seuls des enfants seraient assez naïfs pour y croire.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant