Chapitre 54 (Partie 3)

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Aidan ne dormait pas.

Il n'y arrivait pas.

Il pensait sans cesse à cette raclure de Crawley, à la façon qu'il avait eu de regarder Gaëlle. Maudit soit-il et maudit soit son frère d'avoir emmené cette ordure dans leurs vies. Il essaya de se concentrer sur le courrier qu'il venait de recevoir de Herr Hebert où il lui racontait ses avancées sur les meurtres de cette famille de Saxe, mais il n'était bon à rien ce soir. Comment vouliez-vous mener une enquête à termes lorsque vous aviez un frère comme le sien ? Et sous son toit une rouquine éperdue d'amour pour cette andouille ?

Il avait besoin de tranquillité. Il aurait pu sortir, se rendre dans son club ou rejoindre une ancienne maîtresse accommodante, mais cela ne suffirait pas.

Il était en train d'envisager le charme d'une retraite de quelques semaines dans une grotte, quand il entendit un cri. Il sortit en courant de sa chambre et se précipita dans les appartements de Gaëlle. L'histoire de maître Cotton sur les jeunes filles rousses disparues lui revenait à l'esprit et la panique s'empara de lui. Il visualisa la jeune femme, flottant entre les roseaux et trébucha, il se rattrapa sur la poignée de sa porte qu'il ouvrit à la volée...

Elle était assise sur son lit. Elle poussa un petit couinement de souris effrayée quand elle le vit.

– Tu n'as rien ? Il passa en revue la pièce, ouvrit grands les placards puis les trouvant inoccupés, il fonça vers la fenêtre et regarda attentivement à l'extérieur.

– Calme-toi ! J'ai juste fait un cauchemar, le rassura-t-elle.

Elle vit ses épaules se détendre d'un coup.

– Un cauchemar ?

Elle hocha la tête avant de la poser sur ses genoux repliés contre sa poitrine

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Elle hocha la tête avant de la poser sur ses genoux repliés contre sa poitrine. Il vint s'asseoir sur le rebord de son lit.

– Aidan, dit-elle d'une toute petite voix. J'ai rêvé du soir où mes parents sont morts. Les hommes en noirs étaient là.

Brogan se raidit.

– En es-tu certaine ? C'était il y a vingt ans. Tu as passé une mauvaise journée. Peut-être qu'à force de nous aider...

– C'était très net, c'était un souvenir. Il y avait ces gens dans le hall. Je les ai vu depuis le haut de l'escalier, entre les barreaux de la rambarde. Maman m'a dit de me cacher dans le foyer de la cheminée de la chambre. Aidan la regarda avec incompréhension.

– Il y avait une trappe, c'était très petit. Mais il y avait un banc et une croix sur le mur, elle m'y a installée puis est partie.

– Ce devait être un trou à prêtre. Il en a dans certaines vieilles maisons. Il s'agissait de cachettes pour permettre aux ecclésiastiques d'échapper aux persécutions religieuses au XVIème siècle. Et ensuite ? Demanda-t-il. Il commençait à sérieusement croire à son histoire.

– Il y a eu des cris. Alors je suis sortie. Je voulais aider maman et papa, mais il y avait de la fumée partout et je n'y voyais pas à deux mètres, la maison était en feu. Un tableau est tombé du mur. L'Enfer. La peinture brûlait et cloquait, elle s'est collée à mon bras, ça a fait si mal, ça brûle tellement.

Ses larmes coulaient sans qu'elle arrive à se contrôler. Elle se frictionnait le bras essayant de se débarrasser du souvenir de la peinture en ébullition sur sa peau. Son souffle était saccadé, elle replongeait dans ce traumatisme qu'elle avait occulté jusqu'à présent. Aidan ne savait pas quoi faire, maladroitement, il la serra contre lui et murmura des paroles réconfortantes : c'était fini, elle était à l'abri, plus personne ne lui ferait de mal. Au bout d'un moment sa respiration s'apaisa. Et elle frotta son visage sur le revers de sa robe de chambre.

– Si tu crois que je ne vois pas que tu es en train de te moucher sur de la soie venue des confins de la Chine, tu te mets le doigt dans l'œil jeune fille.

Elle rit contre son épaule. Mais il se leva.

– Non ! Ne t'en vas pas.

– Je reviens, n'aie pas peur.

Une minute tard, il était de retour avec un pot d'onguent.

– Tu te souviens ? Dit-il en lui faisant sentir. C'est celui à la lavande que préparait maman. Sans lui demander la permission, il remonta la manche de sa chemise de nuit et doucement, massa les cicatrices avec de la crème comme il avait souvent vu sa mère le faire. Il fallait faire circuler le sang dans la chair marquée lui avait-elle expliqué.

– Tu ne devrais pas faire ça.

– Et toi, tu devrais prendre davantage soin de ce bras. Je sais que tu préfères ne pas y penser, mais si tu ne le fais pas, il se rappellera à toi au pire moment. C'est ce que font toutes les blessures.

– Il est affreux. On dirait du gruyère.

– C'est très bon le gruyère.

Elle le frappa de sa main libre.

– Il n'y ressemble plus. Tes cicatrices ont beaucoup diminué depuis le temps. On les sent à peine sous les doigts. Tu n'as pas à en avoir honte. Tu as souffert et tu es toujours debout. Tu peux en être fière rouquine.

– Je déteste que tu m'appelles comme ça. Je ne suis pas rousse, je suis auburn.

– Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ? Tes cheveux ne sont ni auburn, ni blond vénitien, tu es aussi rousse que les flammes. Je me disais, étant enfant, que c'était pour ça que tu avais survécu. Le feu t'a reconnu petite sorcière et il t'a laissé vivre. Dors maintenant.

Il la borda ce qu'elle trouva absolument incongru. Il allait dire quelque chose quand tante Honorine entra, un verre de lait à la main.

Et il sortit alors de la chambre comme un diable hors de sa boite.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant