Chapitre 54 (Partie 2)

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– Tu vas bien ? Demanda Aidan à Gaëlle.

Il saisit son visage entre ses mains et l'examina avec application. Gênée par tant d'attention, elle rougit violemment et se libéra. Elle se mit à triturer les boutons de son manteau pour essayer de retrouver une contenance.

– Tu avais l'air si confuse ! Est-ce-que tu as vu quelque chose en lui ? Continua-t-il sans se rendre compte qu'à cet instant c'est lui qui l'embarrassait.

Il l'entraîna dans le bureau et en ferma la porte pour qu'elle puisse parler sans crainte. Elle soupira, elle n'aurait donc pas de répit ! Elle retira son manteau neuf qu'elle posa délicatement sur le dossier d'une chaise.

– L'attitude de cet homme m'a juste mise mal à l'aise. Il m'a regardée comme si je n'étais qu'un objet. Un objet à acheter.

– J'étais persuadé que cette sangsue avait quelque chose de surnaturel.

– Il faut croire que non, je n'ai rien vu de particulier en lui si ce n'est sa grossièreté.

– Je suis désolé que tu aies dû le croiser.

Brogan se laissa tomber sur un canapé et pesta un bon moment en gaélique, ce qu'il ne faisait qu'en cas de grosse colère. Passée une bonne minute, jugeant qu'il devait être calmé la jeune femme se décida à le questionner :

– Il connaît Nathan ?

Aidan lui lança un regard désespéré.

– J'ai besoin d'un verre.

Il repoussait l'inévitable explication. Elle s'en rendait parfaitement compte, elle était naïve, mais pas idiote.

– Je m'en occupe.

Elle se dirigea vers le coffre de cèdre qui servait de cave à liqueur, l'ouvrit et sans hésiter, elle versa une bonne rasade de whiskey dans un verre en cristal qu'elle lui tendit. Puis elle recommença dans un deuxième. Elle s'assit et posa le verre sur son giron sous le regard amusé du jeune homme.

– Tu n'es pas le seul à avoir eu une mauvaise journée.

– Je me disais que le niveau de mes bouteilles baissait bien vite, mais je croyais que c'était un coup de tante Honorine.

Pour toute réponse elle sirota une petite gorgée comme elle l'aurait fait d'une liqueur de framboise. Une expression extatique se peint sur son visage et Aidan eut un gloussement.

Il but une lampée et regarda un long moment Gaëlle se demandant ce qu'il devait lui dire et comment présenter les choses pour qu'elle comprenne l'étendue du problème sans pour autant qu'elle prenne la mouche.

– Tu sais que j'aime mon frère ?

– Bien sûr !

Les deux garçons avaient toujours été très différents. Nathan était le fils aîné, digne, charmant, d'une politesse exquise et sans faille, un vrai gentleman. Devant lui même les pires radoteurs pleins d'à priori, déposaient les armes et oubliaient qu'il était le fils d'un bourgeois irlandais, petit-fils d'un mineur.

– Nathan Brogan ! Disaient-ils. Il y a certainement un lien avec les Brogen du Derbyshire, qui servait déjà Guillaume le conquérant. Je vous le dis, ce petit est parfaitement anglais rien à voir avec ces canailles tapageuses qui vivent de l'autre côté du canal Saint George.

Aidan pour sa part, avait indéniablement été un de ces chenapans. Enfant, il revenait toujours de ces escapades, les genoux écorchés, la besace pleine de grenouilles, de lézards et de toute sorte de petits animaux qui avait besoin d'une maison, et c'était sans compter les fruits ramassés dans les bois ou chipés dans les vergers des voisins. Parfois il réapparaissait les poches remplies de cailloux brillants qui étaient des diamants bruts échappés du coffre d'un bandit de grand chemin disait-il. Il avait toujours un conte ou un boniment à la bouche. Dans les environs, tout le monde s'accordait à dire qu'il finirait mal. Malgré tout, les paysans du coin n'oubliaient jamais de l'inviter à l'une de leur fête car il n'y avait pas meilleur que ce gamin pour mettre de l'ambiance et pour sûr il savait danser la gigue comme personne !

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant