Chapitre 1 - Ce qui rôde (Partie 2)

1.8K 198 4
                                    

Retrouver le cheval d'Arcas prit plusieurs heures.

Cette bête avait fui comme si elle avait le diable aux trousses. Ils avaient perdu dans cette affaire toute une journée, Scamandre était épuisé d'avoir dû porter les jumeaux presque tout un après-midi, enfin surtout la lourde carcasse d'Arcas qui dépassait sa jumelle de presque trente centimètres.

Mais ils rentraient enfin.

- C'est bien mon beau ! Courage ! Je te donnerai une double ration de grain, tu l'as bien mérité chuchota-t-elle à Scamandre.

Elle vit alors Arcas se figer sur son alezan. Cassandre inspecta les alentours du château en contrebas, à la lumière de la lune.

- Quelque chose cloche on dirait, murmura-t-elle.

- Ça rode autour de la maison.

- Quoi Ça ? Encore Sourire et sa bande ?

- Je ne crois pas. Ce n'est pas leur odeur de sueur et de mauvais vin.

- Laissons les chevaux ici et approchons-nous.

- Oui. Il faut prévenir tout le monde.

Ils se faufilèrent dans un silence parfait au travers les buissons. Ils rampaient presque. Un silence qui avait quelque chose d'étrange.

Cette absence totale et anormale de bruit rendait Cassandre malade, elle sentait son cerveau battre sous son crâne ; plus elle s'approchait du château plus cette sensation se faisait douloureuse, sa chienne secouait la tête de droite à gauche et la tirait par l'ourlet de son pantalon pour qu'elle fasse marche arrière. Après un coup d'œil à son frère, elle sut qu'il souffrait lui aussi.

Puis ils discernèrent Arlon au travers les arbres, au-delà des douves. Ils cherchèrent un signe de vie par les fenêtres, mais tout semblait calme. À l'exception de la lumière rougeoyante des feux de cheminée, rien ne filtrait au travers les carreaux.

C'est alors qu'un hurlement terrible retentit.

Profond, assourdissant, il remplit la vallée muette au point d'en faire trembler l'air.

Il cessa brusquement. Les deux jeunes gens reconnurent la voix de leur père et accélérèrent à s'en faire exploser le cœur sans plus essayer d'être discrets.

Arrivés dans la cour, ils se figèrent et ce fut comme si leurs veines charriaient de la glace. Le corps de leur mère étendu au sol semblait surgir d'une flaque de poix, une tache rouge s'élargissait doucement sur le devant de sa robe pâle et le parfum ferreux de sa mort leur emplie les narines et la bouche. Un homme, dans un long manteau noir à large col se tenait au-dessus d'elle, son sabre dégoulinant de sang. Leur père était entravé par quatre autres individus portant des masques de cuir. Il se débattait de toutes ses forces. Les veines de son cou saillaient sous l'effort qu'il fournissait pour se dégager. Mais un cinquième individu aux yeux blancs avait posé sa main sur sa poitrine et cinq fines volutes de fumée s'en élevaient doucement. D'où ils étaient ses enfants sentaient l'odeur de sa chair brûlée.

Cassandre leva un de ses pistolets et tira directement dans la tête de celui qui avait le sang de sa mère sur son sabre.

Elle n'avait pas hésité, pas tremblé.

Il tomba à la renverse. De sa deuxième arme, elle menaça celui qui torturait son père qui se rendit alors compte, stupéfait, de la présence de ses petits. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.

L'expression de son visage était pourtant limpide : Ne restez pas là ! Fuyez !

Les jumeaux se dévisagèrent un instant. Cassandre qui s'était tournée vers son frère le vit écarquiller les yeux et dégainer le long poignard qu'il cachait dans sa botte. Artie se mit à grogner, elle la sentait vibrer de colère, mais surtout l'entendait. Elle se retourna et vit l'homme qu'elle venait de tuer, se relever, sa tête baissée dodelina légèrement de droite à gauche. Puis il marcha vers eux, son sabre toujours à la main.

Quand les loups se mangent entre euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant