Chapitre 76 (Partie 7)

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Une fois amarrés aux quais de la capitale écossaise, ils eurent la chance de trouver un vapeur en partance pour Londres. Gaëlle était dans un tout autre état d'esprit qu'à l'aller et elle n'avait pas le moindre désir de visiter davantage la ville natale de son père, de dessiner ou de rire dans une taverne avec ses habitants.

Aidan se contentait de se taire. Il se sentait impuissant, désarmé face à son désespoir. Qu'aurait-il pu dire qui n'aurait pas sonné comme vide de sens ?

D'abord, il se maudit de ne pas l'avoir empêcher d'entreprendre ses recherches et de l'avoir accueilli chez lui au lieu de la laisser vivre tranquillement dans le Devon. Puis ce fut au tour de son père pour lui avoir mis en tête de chercher son héritage et enfin il voua aux gémonies sa pauvre cloche de frère. Que lui était-il passé par la tête pour ne pas l'avoir déjà épousée et d'être un fichu joueur incapable de garder un sou ? Si cet abruti avait pris ses responsabilités, à l'heure actuelle Gaëlle serait une femme mariée, parfaitement heureuse de son état, se fichant bien de qui étaient ses parents !

C'était faux évidemment. Elle lui avait clairement signifié qu'elle avait besoin de savoir d'où elle venait pour avancer dans la vie, mais à cette heure, il voulait un responsable, fût-t-il lui-même.

Il ne supportait pas de ne rien pouvoir faire pour l'aider à sortir de sa torpeur. Il avait presque dû la porter d'un navire à l'autre lorsqu'ils avaient atteint le port. L'état de la jeune femme lui rappelait celui dans lequel la mort de Jane l'avait plongé, privé à jamais de l'avenir heureux qu'ils avaient imaginé ensemble, il avait bien failli sombrer. Ce n'avait pas été le cas. Comment expliquer à Gaëlle que tout n'était pas perdu, qu'elle pourrait se construire de nouveaux rêves, parce qu'elle était plus forte que ce qu'elle pensait et bien plus forte que ce qu'il avait toujours cru ?

Après avoir déposé leurs bagages dans leur chambre car ils s'étaient encore présenté comme les Wescott, Aidan laissa à la jeune femme un peu d'intimité. Il arpenta le pont du vapeur durant une bonne heure avant de trouver le courage de se rendre de nouveau dans leur cabine. Il passa par les cuisines et c'est les bras chargés d'une théière bien chaude et de biscuits au beurre qu'il franchit la porte. Elle n'allait tout de même pas refuser de manger des biscuits ? Quand il ouvrit la porte, il la trouva emmitouflée dans sa robe de chambre, assise sur le divan, le coffret de bois ouvert près d'elle. Un petit sourire flottait sur ses lèvres et Aidan s'autorisa un soupir de soulagement.

- C'est une nouvelle de mon père dit-elle en secouant un petit livret sous son nez.

- Est-ce amusant ?

- Pas volontairement, je le crains. C'est même encore plus mauvais que ce que Abhainn ne l'avait laissé entendre. Elle tapota la place vide près d'elle pour l'inviter à s'asseoir. C'est l'histoire d'une noble dame séquestrée par son sinistre époux dans un donjon lugubre mais elle est secourue par un chevalier qui par hasard l'a entendue chanter une ballade mélancolique.

- Ça m'a l'air très...romantique.

- Mais... rebondissement... en fait elle était déjà morte et le chevalier se retrouve à embrasser un cadavre grouillant d'asticots.

- C'est dégoûtant.

- Il est tellement horrifié qu'il s'enfuit, en détalant il tombe dans les escaliers et s'empale sur son épée.

- Maman disait toujours de ne jamais courir avec un objet pointu.

Gaëlle eut un petit gloussement et accepta une tasse de thé chaud.

- Le style est tellement ampoulé et précieux !

- Typique des jeunes gens.

- Oui, il était vraiment très jeune.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now