DAWN 「 BxB 」

Chapitre XXII

-Je savais pas que t'avais les cheveux assez long pour les attacher, murmura Morgan qui avait était hypnotisé par la simple danse des doigts du rouquin dans sa chevelure flamboyante.

-C'est par ce que je n'en ai pas vraiment l'utilité en général.

-Pourtant quand on est dans la salle d'art plastique le soir, tu ne le fais pas.

Noah fronça les sourcils, perdus dans ses pensées.

-Peut-être bien, oui... Je ne sais pas trop pourquoi je ne le fais pas... Peut-être par ce que je ne me concentre pas, comme je m'apprête à le faire ?

Morgan laissa ses yeux dévisager le visage concentré de son invité. Il adorait cette expression. Et quelque chose lui disait qu'il aurait tout le plaisir de la voir durant cette semaine où le jeune roux allait le peindre.

-On peut allumer la télévision, si tu veux, lui proposa Noah qui pointa du doigt l'écran noir.

-Ça sera pas nécessaire.

-T'es sûr ? Tu pourrais te faire chier.

-Ça m'étonnerait.

Perplexe, Noah fronça de nouveau les sourcils. Mais il ne s'y attarda pas longtemps, puisque la seconde qui suivit, il avait pris son crayon et son bloc en main. Il griffonnait plusieurs lignes dessus, relevait la tête, étudiait le visage de Morgan sous toutes ses coutures. Ses yeux violaient presque l'espace vital du noiraud. Ils s'introduisaient sur sa peau, glissaient sur sa pomme d'Adam, s'attardaient aux niveaux de ses lèvres, traçaient la courbe de son nez.

-Tu comptes me faire prendre quelle pose ? Lui demanda Morgan curieux de connaître le compte rendu.

-J'ai vu que tu avais un immense miroir, dans ta chambre d'amis, commença Noah qui gomma les traits qu'il venait juste de dessiner.

Il s'arrêta de parler jusqu'à ce que les coups de crayons aient disparu. Puis il reprit ses croquis.

-Tu te tiendras face au miroir, le torse à demi-tourné sur la droite vers moi. De cette façon, on pourra te voir de demi-profil, avec tout ton dos, excepté l'épaule gauche. Je tracerais ton corps jusqu'à tes jambes. Je mettrais une couverture à tes pieds, qui remontera légèrement sur ta jambe. Le tout est censé donner l'aspect de figer un moment du temps !

-Et le miroir ?

-Il renverra le reflet de ton torse et de la chambre d'amis. Elle sera plongée dans la pénombre rouge causée par les épais rideaux, comme lorsque je m'y suis réveillé. Mais je compte ouvrir un pan du rideau, de cette façon il n'y aura que ton corps qui baignera dans la lumière.

Le noiraud ne posa plus de question, trop concentré à imaginer le rendu que ça donnerait. Le free runner était émerveillé par l'imagination de Noah et par sa mémoire. Il n'était resté dans la chambre qu'une nuit, où il était ivre mort. Et pourtant, le rouquin se souvenait de tous les détails.

-Tu comptes te peindre ? Reprit Morgan enfin sorti de ses pensées plusieurs minutes plus tard.

-Comment ça ?

-Tu sais, dans le miroir. Tu comptes te peindre en train de me peindre ?

Noah s'arrêta de griffonner et réfléchit un instant.

-Ça serait comme briser le quatrième mur. D'autres l'ont fait avant moi, mais je ne sais pas... Ça rendrait la toile plus personnelle.

-Je vais être nu, tu ne penses pas que ça soit assez personnel ?

Le rouquin éclata de rire avant d'acquiescer.

-Si, bien sûr. Je voulais dire qu'elle me serait personnelle. Comme s'il y avait une dimension plus intime entre nous, tu vois.

-Ouais...

Morgan se tut un instant. La peinture serait plus intime. Et il y aurait une autre proximité entre eux... Le noiraud devait trouver le moyen de convaincre Noah d'apparaître sur la toile ! Ainsi, même si le geste était symbolique, il franchirait une étape. Une étape pour que Noah tombe amoureux de lui.

Le coeur de Morgan rata un battement. Il repensa à sa discussion avec Ulysse. Il avait pensé à tout arrêter, à annuler le pari. Mais cela reviendrait à déclarer forfait, et ça Morgan s'y refusait catégoriquement. Pourtant, il n'avait plus envie de participer à ce défi stupide. Il ne voulait pas blesser Noah, qu'il avait appris à apprécier. A considérer comme un ami. A l'accepter dans son petit foyer familial.

Et d'un autre côté, il voulait réussir le pari. Il ne supporterait pas l'idée que Noah tombe dans les filets du nageur. Il était faux et hypocrite, si le rouquin tombait amoureux de lui, il serait amoureux d'une image, d'un mensonge. A l'inverse, s'il tombait amoureux de lui, Noah aimerait Morgan pour ce qu'il est vraiment. Par ce qu'avec lui, le noiraud était naturel. Sans filtre. Il était charmeur et taquin, certes, mais c'était dans sa nature. Et Noah était l'une des rares personnes à l'avoir vu calme, gentil, en train de rigoler, sans être faux. Morgan ne voulait pas blesser Noah pour un pari. Mais il voulait qu'il soit amoureux de lui.

-Ça ne va pas ? Lui demanda Noah qui cassa le cours de ses pensées.

-Si... ça va, grommela le noiraud avant de se lever, je vais pisser.

L'athlète détala presque jusqu'à l'étage. Les toilettes étaient plus un prétexte pour fuir le regard du jeune roux, qu'une réelle envie.

Lorsqu'il revint, Noah avait changé de position. Il étudiait les croquis qu'il avait fait attentivement. Avant que le noiraud ne se rassoit, le tacheté lui fit signe de s'arrêter.

-Tu veux bien retirer ton tee-shirt, s'il te plaît ?

Morgan s'exécuta. Il fut surpris de constater que ses mains tremblaient. Noah lui, était imperturbable. Il continua ses croquis, en demandant à Morgan de se tourner toutes les dix minutes environ. Noah commençait à capturer la morphologie du noiraud sous toutes les coutures, son visage était de plus en plus ressemblant et ses muscles de mieux en mieux reproduits.

-Comment tu trouves mon corps ? S'amusait à demander le free runner à chaque fois qu'il devait changer de position.

Les réponses du rouquin variées : pas mal, bien à dessiner, très laid. Il eut même le droit à un petit "merveilleux" qui resta fébrilement pendu aux lèvres du tacheté.

-Tu peux retirer ton jogging ? Demanda Noah qui avait l'air plus nerveux.

-Le boxer aussi ? Continua Morgan lorsqu'il se retrouva en sous vêtement.

-Pas besoin pour le moment... marmonna-t-il alors que le rouge prenait d'assaut ses joues.

Il n'y avait pas à dire, lorsqu'il rougissait, Noah était adorable. Ce dernier se leva et sans que le noiraud n'ait pu s'y préparer, les mains du peintre se posèrent sur son corps. Ses mains étaient brulantes. Morgan en frissonna, ce qui ne passa pas au travers de l'oeil expert de Noah, qui eut l'air de s'amuser de cette réaction. Le tacheté tourna Morgan à moitié de profil vers lui, il lui fit plier sa jambe en arrière, puis tendre celle de devant. Il positionna les bras du free runner le long de son corps, puis remonta le trajet de sa musculature avec son doigt. Il arriva alors à la nuque, qu'il caressa également. Les deux jeunes hommes étaient extrêmement silencieux. A l'extérieur, on entendit une voiture passer devant la maison. Noah fit tourner la tête de Morgan vers lui, ses doigts fins touchant la mâchoire de l'athlète.

-Je pouvais le faire... murmura le noiraud en croisant le regard bleu du plus petit.

-Ça n'aurait pas était pareil, lui répondit-il.

Morgan ne sut dire si Noah parlait de la tension qui venait de se créer, ou de la pose qu'il venait d'adopter.