Chapitre 21, après la tempête

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Eve aurait aimé être partout sauf dans la même pièce que son créateur. Alexis s'était enfuit, tout comme les trois mortels. Ne restait que Salazar, ivre de rage, tournant des prunelles brûlantes jusqu'à Joshua et son Infante. Les deux femmes s'étaient faites discrètes et Eve n'avait qu'une envie, suivre les traces de son traitre de frère. Elle l'avait vu disparaitre dans les ombres où il avait toujours apprécié se glisser et son Sire n'avait pu l'attraper. Les dons des vampires étaient uniques et si puissants, surtout pour eux, si peu éloignés des lignées primordiales.

—Tu m'avais promis sa tête sur un plateau d'argent Joshua ! Je te préviens, je ne te le redirais pas deux fois. Si tu veux notre aide face aux Primordiaux, je le veux à mes côtés !

L'immortel, en face de lui, est remplie de suffisance, arborant sur ses lèvres un sourire goguenard qui ne lui va que trop mal.

—Et tu m'avais promis une irlandaise ainsi qu'une chasseuse. Elle a juré que vous m'aiderez. Qu'il ne soit pas là ne change rien et j'ai moi-même perdu un allié aux pouvoirs qui pouvaient nous aider. Tu sais aussi bien que moi qu'il faut nous allier contre eux. Ils te proposeront peut-être de l'aide, mais il n'en sera rien Salazar. Ce sont des monstres et...

—Ils restent des vampires, coupa le plus vieux des deux, son visage aussi glacial que la mort qu'il apportait où qu'il aille. Nous descendons d'eux, que tu le veules ou non. Ils ne nous tueront pas. Ils ne toucheront qu'à ta petite personne pour avoir osé détruire leur frère. Les autres vampires les rejoindront et nous reprendrons enfin la place qui est la nôtre dans le monde, envoyant les mortels à ce rôle de bétail dont ils n'auraient jamais dû s'éloigner.

Seul le silence répond à sa tirade. Les yeux de Joshua brillent d'une flamme qu'aucun des immortels ne pouvait déchiffrer. Il serre les dents, ses iris se plissant, tel un félin bien plus mortel. D'un signe de la tête, il ordonne à Elisabeth de le suivre et de quitter le manoir.

Salazar ne prend pas la peine de les retenir, les offrant aux ombres et au brouillard de l'aube.

Dès que la porte claque dans leur dos, Eva baisse le tête, fermant les yeux. Elle s'attends à une explosion de rage, à des coups, à payer le prix de sa trahison.

Rien ne vient.

Elle relève la tête, milles questions fourmillant dans ses yeux. Salazar ne semble pourtant pas disposé à lui tenir rigueur des actions du vampire. Il reste silencieux, les yeux rivés sur l'horizon et le soleil qui commence lentement à se lever. A travers les carreaux protecteurs, il le fixe, comme pour le défier de venir brûler son derme immaculé. Il finit par tourner sa tête jusqu'à Eve, un sourire carnassier sur les lèvres.

—Abigaël reviendra d'elle-même jusqu'à nous. Cette idiote de sorcière a réveillé son pouvoir et trop de questions vont détruire son esprit. Elle ne connait pas sa famille et personne ne pourra l'éclairer. Alexis a choisi une protectrice dans toute sa folie. Va prévenir ta sorcière de compagnie Eve. Et cette fois, n'essaye pas de tout faire dans mon dos. Crois-tu vraiment que je ne sais pas qui sont les Dragons ? Mais va-t'en, maintenant. Si je te revois encore ici dans les minutes qui suivent, je te tue.

Il n'a pas besoin de se répéter. Elle déguerpit plus vite que le vent, le laissant seul dans la pièce. Dieu seul peut savoir ce qu'il allait faire et Eve n'a aucune envie de le voir déverser sa rage sur le premier innocent venu. Certes, elle n'est pas une enfant de cœur. Mais face à son créateur, elle se sentait encore l'âme d'une innocente immortelle venant tout juste de goûter au sang.

Elle inspire, essayant de calmer son esprit. Elle aurait encore été humaine, son cœur aurait battu à ton rompre. Voilà que son maître a fait son choix, sans lui demander, sans la laisser argumenter. Il voulait la guerre, il voulait l'horreur. Eve avait parcouru tous les romans sur les immortels qu'elle avait pu lorsqu'elle avait été transformée. Elle y avait découvert plus de choses qu'elle n'en avait jamais lu entre les murs de sa prison dorée. Les Primordiaux étaient de dangereux sociopathes, incapable de sentiments. Ils avaient tué leur mère dans un passé si lointain. Et voilà que Salazar voulait s'allier avec eux, comme s'il pouvait faire confiance à des créatures qui ne pliaient l'échine devant personne.

Un nouveau frison la transperce et elle remonte jusqu'à sa chambre, ses pensées fourmillant de mille terrifiantes idées. Ils allaient tous mourir s'ils continuaient de la sorte. Le monde changeait trop vite et elle n'avait pas le temps de le suivre.

Elle attrape rapidement une paire de lunette de soleil et attache ses longs cheveux bruns en une queue de cheval haute. Durant une seconde, un soupçon de sourire volète sur ses lèvres. Elle s'arrête, un peu trop longtemps, devant ce faciès que le temps ne changerait plus jamais, figée pour une éternité qu'elle ne pensait aussi longue. Puis ses longs doigts se glissent jusqu'à son téléphone. Elle doit prévenir Sophia qu'elle arrive, sans quoi la dragonne serait capable de lui envoyer son chasseur comme messager d'un bienvenu un peu trop étincelant de carmin.

Elle n'attend pas la moindre réponse avant de filer, évitant aussi bien qu'elle le peut la présence ombrageuse de Salazar.

Elle referme derrière elle la lourde porte du manoir trop cliché qu'ils habitent, frémissant légèrement sous la brûlure du soleil. Combien de temps avant qu'elle ne se consume devant l'astre ? Les années s'étaient déroulées trop vite et, dans leur immortalité, ils n'avaient eu conscience que tout avait changé. Salazar était devenu incapable de se fondre dans les populations actuelles et seule Eve avait sût prendre le train en marche au moment où il le fallait. Ses yeux se ferment, brûlants malgré les lunettes de soleil et elle rejoint le port de plaisance qui entoure l'île privée.

Enclenchant le moteur d'un bateau acheté voilà des années, elle file, rejoignant la baie de San Francisco.  

Violet comme les ombresWhere stories live. Discover now