Chapitre 19, partie 2 : la réalité du vampire

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Les ongles du vampire s'enfoncent dans sa propre main, déchirant la chair alors qu'il essaye de garde la tête froide. Ses yeux s'embrassent, ses iris se sont déjà dilatés, enivrés par l'envie folle de faire taire cette odeur, de s'accaparer son sang, de la faire sienne dans une douleur qu'elle a déjà connu entre les mains glacées de Salazar.

La pensée de son Sire calme immédiatement le cœur du vampire. Il ne doit pas bouger. Imagine-la  entre les reins de ce monstre, imagine ce qui a pu se passer. Avec horreur et effrois mais ses pensées terribles le calment. Presque.

-Le corps mortel peut se montrer fascinant, susurre la chasseuse, fixant le sang roulant sur son bras, parfois. Il est capable d'évoluer, de s'adapter. Du moment qu'il se montre assez fort pour ça. Je pensais que le sang de loup allait me tuer sur le coup, comme il a tué cette pauvre petite créature. A la place, il a fait de moi une arme en repoussant ma mort. Je vais mourir Alex, c'est certain. Mais j'compte bien emporter avec moi autant de monstres de ton espèce que je peux.

Ses sourcils se froncent alors qu'il la voit, si semblable à une louve dans ses tentatives de séduction. Elle ondule autour de lui, animal cruel jouant de ses plus bas instincts, jouant avec l'envie du sang qui coule sur son avant-bras.

-Tu sais je suis le même genre de monstre, grogne Alexander. Tue-moi si tu veux les détruire. Vas-y. Qu'est-ce que tu attends ? Fais-moi souffrir au passage. A moins que tu désires dans un trip un peu barré que je te bute avant par exemple. Dans un énième délire romantique, mourir de ma propre main. Tu te fous sérieusement de ma gueule là Abigaël pas vrai ?

Son air distingué, ses mots choisis avec soin. Tout n'est plus qu'un très lointain souvenir. Il redevient le mortel violent qu'il avait été, guidé par l'envie de lui sauter à la gorge pour boire jusqu'à en mourir le liquide tentateur dans ses veines.

Elle s'immobilise, arrête sa danse macabre et séductrice.

Alexander lit un soupçon de peur dans le regard trop jeune forcé de vieillir trop vite.

Il l'entend déglutir. Abigaël ne sait pas où elle va, pas même ce qu'elle est. Elle se débat, tente de sortir la tête de l'eau alors que chacune de ses actions l'enfoncent un peu plus sous le liquide qui la noie lentement. Elle a engendré quelque chose d'étrange dans son propre corps, quelque chose d'unique.

Personne ne peut lui apporter les réponses dont elle rêve.

Pas même lui.

La chasseuse murmure son prénom, une unique fois. Avant de bondir sur lui. Alexander ne fait pas le moindre pas de côté, prêt à accueillir la mort qu'elle veut jeter sur lui comme une vieille amie.

Aucune lame ne vient pourtant s'enfoncer dans sa poitrine.

Elle vient chercher ses lèvres, qu'elle trouve comme dans un soupir. Leurs bouches s'entrouvrent, leurs langues se trouvent. Elles se perdent dans un ballet qui n'a plus aucun reste de la passion que leurs baisers ont toujours déclenché entre eux.

Ce baiser a un goût acide dans la bouche du vampire. Mélange puissant entre les adieux déchirant et la peur de l'au-revoir qu'il sous entends.

Il ne l'a pas retrouvé.

Le vampire aurait encore eu un cœur, il aurait pleuré. Il aurait laissé son palpitant hurler dans sa poitrine, il l'aurait serré avec plus de force que jamais. Il en avait envie. A en crever.

Mais c'est sa curiosité malsaine qui le fait maintenant avancer. Il a besoin de savoir.

Il la repousse. 

La peur fait vibrer son corps presque autant que la rage alors qu'il plante ses iris dans ceux de la chasseuse. Les joues de cette dernière sont encore rouges et son regard fiévreux.

Ils se sont perdus.

-Comment as-tu fait ça Abigaël ? Où est-ce que t'as réussi à avoir le sang d'un loup ? Pourquoi t'as fait ça ?

-Ça ne te regarde pas Alex. C'est comme ça, c'est tout, lance-t-elle, violemment, le fusillant du regard.

Il l'a blessé en la repoussant. Il le sait, le sent. La connait trop bien pour en douter. 

Elle se retourne brutalement, camouflant les larmes de rage qui ont déjà commencé à serpenter sur son visage. Abigaël retourne à sa table de recherche, ses épaules trahissant pourtant à merveille la douleur qui lui vrille le cœur. 

-J'ai autre chose à faire que de perdre mon temps. Rentre chez toi, Alex.

Il la regarde récupérer des armes, incapable de bouger. Il aimerait revenir en arrière. L'empêcher de partir ce fameux soir qui avait tout déclenché. Elle ne serait jamais tombée entre les griffes de Salazar, elle n'aurait jamais eu le pouvoir qui la possédait et qu'il sentait dans le moindre de ses muscles. 

-C'est elle que tu vas voir pas vrai ? Tu sais que c'est la magie qui te guide Abi' ? Que c'est ton sang qui t'appelle vers elle ? Mais vas, je te mâche le travail. Elle s'appelle Justine Hansen. Parait qu'elle serait l'héritière qu'ils cherchent tous alors qu'elle est sous leurs yeux. T'pouvais que devenir sa Protectrice, c'est écrit dans ton sang. Bonne chance pour la sauver de ceux qui veulent se nourrir du calice qu'elle est devenue.

Ses mots glissent dans l'air, emplis d'autant de réponses que de questions. Abigaël se retourne vivement, les yeux brûlants d'interrogation auxquels Alexandre ne prendrait pas la peine de répondre. Il a toujours refusé de la laisser partit pour un destin où ne l'attendait que le sang. Il n'avait maintenant plus le choix.

-Adieu Abigaël. J'espère que nous ne nous retrouverons pas l'un contre l'autre dans leur combat grandiose. Apporte-leur juste un message quand tu les verras : ils doivent voir qui sont les véritables ennemis. Car eux se cachent dans l'ombre à l'inverse des vampires qu'ils combattront sûrement.

Il tourne alors les talons, sans lui laisser le temps de lui répondre. Les larmes coulent déjà sur ses joues, qu'il essuie d'un geste rageur. Maintenant, sa chasseuse vole de ses propres ailes. Lui se retrouve seul.

Comme dans le passé, avant qu'il ne tombe sur ce bébé braillard au détour d'une furie sanglante. Avant qu'il ne l'arrache à sa famille pour qu'elle devienne sa compagne dans une éternité qu'il ne lui avait jamais offerte.

Tout est fini.

Il est seul.  

Violet comme les ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant