Chapitre 20 : Une tranche de réalité

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Il lâche sa main.

Le souffle cour, Justine croise ses yeux. Elle ne peut retenir un mouvement de recul en voyant les larmes qui s'y accumulent. Elle déglutit avant d'essayer de s'approcher, de le toucher. Il fait demi-tour avant qu'elle ne puisse dire le moindre mot.

— Elijah, s'il te plait ? lance-t-elle, ses traits marbrés d'inquiétude.

Il ne peut partir de la sorte, alors qu'elle rêve de se blottir contre lui. Alors qu'elle rêve de lui dire qu'elle comprend, qu'elle s'excuse. Elle est prête à mettre sa fierté de côté. Il a tant souffert et elle a encore un cœur, quoi qu'en disent tous les hommes qu'elle a côtoyé.

Il ne se retourne pourtant pas. Justine baisse la tête, son cœur battant à tout rompre. Elle sent encore la morsure du cuir dans sa chair. Elle sent encore le flux et le reflux de la magie utilisée par les sorcières dans des souvenirs qui lui semblent le sien. Son visage se tourne jusqu'à Catherine, restée muette. Elle croise les yeux bleus, si semblables aux siens et s'approche de sa grand-mère.

— Pourquoi ? Pourquoi on m'a caché tout ça jusqu'ici ? J'aurais voulu savoir Catherine. J'aurais pu me battre.

Les doigts de la jeune femme sont entourés autour du médaillon qu'elle n'a pas lâché. Elle veut comprendre. Il y a encore bien trop d'inconnues dans l'équation qu'est devenue sa vie depuis quelques jours.

— Tu n'étais pas prête, mon enfant. Tu devais grandir et apprendre, découvrir la magie qui vie en toi. Quant à Elijah, il fallait qu'il se reconstruise. Les épreuves ont été plus rudes les unes que les autres, pour vous deux. Vous n'étiez pas prêt à vous battre. Mais vous voilà, à présent, plus fort que vous ne pouvez l'imaginer... tout simplement parce que vous êtes réunis. S'était écris, Justine. Je sais qu'il est difficile de croire au destin, mais c'est bel et bien entre les lignes d'Isolda que nous vivons. Elle est là. Elle nous guide, parce qu'elle n'est plus capable de faire ce que nous faisons.

Justine baisse la tête, comme prise en faute. Son visage disparait derrière ses longues mèches blondes. Catherine a raison. Qu'aurait-elle pu faire du haut de ses petites jambes lorsqu'elle n'était qu'une enfant et qu'elle apprenait tout juste la vie. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de voir flotter devant elle les brides de ses souvenirs à l'orphelinat, de sa fuite en compagnie de cet homme qu'elle avait autrefois tendrement aimé. Puis la mort, tout autour d'elle. La noirceur. Remplacée par la joie de vivre de Jane et les baisers de Jonathan, créant celle qu'elle était aujourd'hui. Elle doit garder la tête haute. Du haut de ses vingt-six ans, elle est maintenant prête à tout. Elle sent au plus profond de son cœur l'appel de cette déesse qui leur a donné à tous la vie avant de mourir sous les crocs des vampires.

— Ecoute ton cœur, ma chérie. Fait lui confiance. Fait confiance à Isolda.


La jeune femme répond au sourire de la vielle sorcière, ses yeux brillants légèrement. Elle s'approche. Jusqu'à sentir le souffle de sa grand-mère qui se fait soudainement plus difficile. Catherine lutte contre la mort qui entoure son corps et se glisse comme une âme sournoise dans la pièce. Elle a vécu tant de vie. Justine la regarde, sentant une larme s'accrocher à ses cils avant d'être libérée pour rouler sur sa joue. La main qui la tient la lâche, prise de fatigue.

— Je... je dois me reposer un peu. Murmure Catherine avant de la regarder à nouveau, suppliante, presque triste. Tu reviendras me voir ?

— Bien sûr que je viendrais te voir. J'ai besoin de toi. Et il est hors de question que je te laisse toute seule dans cette chambre qui pue la mort.

Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, Justine se sent terriblement attachée à la femme devant elle. Comme si le sang qu'elles partagent se réveillait. La sorcière finie pourtant par s'éloigner. Elle doit laisser Catherine se reposer. Mais elle ne l'oublierait pas. Elle reviendrait.

— A plus tard Catherine.

Violet comme les ombresWhere stories live. Discover now