Chapitre 18, Justine partie 1

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Justine, après sa course, s'est perdue dans la forêt.

Les larmes ont arrêté de couler sur ses joues, laissant des traînées claires sur son visage. Son cœur s'est calmé mais pas son esprit. Elle a peur et ses muscles tremblent, tendus par la panique et l'effort qu'elle leur a demandé. Elle a envie de laisser la place aux ombres pour qu'elle oublie ce qu'elle a vu.

Un loup, sauvage, agressif.

Dangereux.

Le regard de Justine se porte jusqu'à la lune ronde dans le ciel. La sorcière inspire puis expire, tentant de faire disparaître les brides de panique qui enflamment sa poitrine.

Le vent se lève autour d'elle, faisant hurler les feuilles des arbres. La sorcière déglutie, serrant ses bras autour d'elle, brutalement frigorifiée.

Il semble pourtant vouloir la guider, faisant disparaître les yeux qui la fixaient dans l'ombre. La magie est puissante sur l'ile, encore sous l'influence de Catherine. Et si c'était la sorcière qui l'appelait ? Et si son ainée refusait les mots d'Elijah, la faisant venir à ses côtés ?

Le vent se glisse dans ses cheveux, caressant sa peau comme la main douce d'une mère. Justine ferme les yeux, se laissant bercer par le souffle chaud qui s'enroule autour d'elle. Il l'appelle, murmurant son prénom.

De toute manière, qu'est-ce qu'elle a à perdre ?

Elle suit alors le chemin que le vent dévoile, s'arrêtant seulement devant des clairières bercées par la lune. La nature est magnifique, prenant une teinte argentée qui rassure la sorcière. Les arbres entourent le lieu, vieux sages veillant sur la nature. Les animaux se sont tus, ne laissant que le bruit du vent entre les feuillages.

Le même qui appelle Justine à sa suite.

Les feuilles la guident à travers la forêt, lui ouvrant un chemin qu'elle emprunte sans peur. Ses angoisses disparaissent doucement et se taisent lorsqu'elle s'échappe du couvert des bois.

Une vieille maison de pierre l'attend, rappelant à elle des souvenirs anciens. Elle est déjà venue ici, en rêve ou en souvenir. Elle a déjà regardé à travers les grandes fenêtres, s'est déjà trouvée sur les balcons bardés de fer forgé. Elle reconnait la porte, l'inscription au-dessus. Lunae saltea. La lune l'accueille comme une amie, la porte s'ouvre.

Elle entre, sentant l'invitation de Catherine au plus profond de son être. La sorcière doit être ici, dans une des chambres de l'étage. Justine pénètre dans la vieille demeure et reste muette quelques minutes devant la beauté du hall. Des portraits tapissent les murs, des dizaines de visage de femme, toutes différentes et pourtant si semblables.

Sur le plus porche, il y a celui de la femme de ses rêves. Celui de sa mère. Ses traits semblent si paisibles, si doux. La sorcière ne peut pas s'empêcher de se rapprocher du tableau, de laisser ses yeux courir sur ce visage qu'elle n'a jamais connu. Elles ont les mêmes yeux clairs, les mêmes sourcils trop épais, le même nez un rien épaté. Seule la couleur de leur cheveu est différente. Seule la douceur dans les yeux de sa mère est différente.

Son nom est inscrit sous le tableau, en lettre brune enfoncée dans l'or.

Aria.

Justine se détache difficilement du portrait, appelée par le vent. Elle s'attardant pourtant là sur un visage plus dur, là sur des cheveux roux qui la font sourire.

Les tenues changent au fils des années et Justine s'arrête devant le portrait d'une magnifique brune aux yeux de glace, accompagnée. Le portrait montre un frère et une sœur, aussi souriant l'un que l'autre, presque identiques. La main du garçon est posée sur l'épaule de sa jumelle et ils se sourient mutuellement. Il y a tant de bonheur dans leurs yeux et tant d'amour.

William et Elizabeth.

Sans aucun nom de famille comme sur aucunes des autres œuvres. Elle reconnait les jumeaux. Ils sont ceux de son rêve. Sur la poitrine de la jeune femme brille le médaillon dont elle avait parlé, prévoyant le meurtre d'une créature que Justine n'avait pu apercevoir. Les doigts de la sorcière se glisse sur le tableau, sentant les reliefs rugueux des coups de pinceaux là où la peinture est plus épaisse.

La jeune femme n'a pas le temps de s'attarder sur les portraits. Elle sent qu'ils représentent ses ancêtres, jusqu'à la première disciple d'Isolda, jusqu'au prénom d'Adélaïde qu'elle lit sur la légende du dernier cadre. Une lignée de sorcière dont elle est la descendante, la dernière capable de posséder un pouvoir qui la dépasse.

Catherine l'appelle de sa magie et Justine monte les escaliers, suivant son instinct pour se guider jusqu'à la chambre de l'ancienne sorcière. Prenant une profonde inspiration, la magicienne ouvre la porte.

Catherine est là, couchée dans un lit d'hôpital, des centaines de fils reliant son corps à des machines bruyantes. Le cœur de la sorcière se serre. La vieille femme est mourante et pourtant, dans ses yeux gris brille une lueur pleine de vie. Elle lui sourit, heureuse de la voir et Justine ne sait que faire. Cette femme lui semble si proche, comme si elle l'avait toujours connu et à la fois si lointaine.

— Approche. dit alors Catherine, la voix un peu frêle.

Justine s'exécute, le cœur battant à tout rompre. C'est son destin qui repose dans le lit qui lui fait face. C'est les réponses à ses questions, c'est la douloureuse impression que tout est prévue pour qu'elle vienne jusqu'ici.

Peu importe.

Catherine connait toutes les interrogations de la jeune sorcière et Catherine est capable de lui apporter toutes les explications qu'elle désire.

Les larmes emplissent les yeux de Justine alors qu'elle s'installe aux côtés de la vieille femme. Son regard se pose sur elle, auréolée de la lumière de la lune. Elle devait être belle lorsqu'elle était encore jeune. Sa peau n'est que très peu marquée par l'âge et ses yeux gris pétillent encore de vie. Ses longs cheveux toujours blonds entourent son visage, comme un cocon protecteur.

Elle semble pourtant si faible. Elle ne se maintient pas en vie seule et Justine a suffisamment vue de personnes âgées dans les hôpitaux pour savoir quand la fin s'approche. Quand la Faucheuse commence à roder, venant accueillir les morts comme une vieille amie.

Violet comme les ombresDove le storie prendono vita. Scoprilo ora