[CHAPITRE 5] Nuits à la belle étoile.

963 68 5
                                    


« J'ai si froid. Même le feu allumé devant moi ne parvient pas à restreindre mes frissons. La lune brille au-dessus de moi, me permettant de voir ce bout de parchemin si froissé... Je voudrais tant te l'envoyer, pour que tu saches que je vais bien. Que tu ne t'inquiètes plus. Je voudrais tant, oui, mais je ne peux pas. Et penser à toi, t'inquiétant pour moi, me fait mal. Alors, je te demande pardon. Pour le silence, l'angoisse et la peur. Pardon, Fred. J'espère que lorsque l'on se retrouvera, tu auras la force de me pardonner. Que tu m'aimeras assez pour ça. »


Le vent soufflait avec force tout autour d'eux, envoyant balader les pieds de maïs qui les entouraient. Un sifflement sonore s'élevait des arbres qui leur faisaient face, à une centaine de mètres plus loin. Leurs couleurs orangées rappelaient que l'automne était tombé sur le pays sans crier gare. Un matin, leur tente de fortune s'était soudainement retrouvée couverte de feuilles mortes, leur rappelant à chacun le temps qui passe.

Leur rappelant tous ces jours, toutes ces semaines, tous ces mois passés à traquer un mirage. A poursuivre une idée qui leur faisait perdre espoir un peu plus au fil des heures. Mettre la main sur les Horcruxes avait semblé si facile au début ! Si aisé ! Mais Ron avait raison, Dumbledore ne leur avait pas laissé le moindre indice et ils perdaient tous les jours un peu plus de leur temps à déambuler à travers le pays, parfois en transplanant, parfois à pieds, pour échapper aux Mangemorts et aux Rafleurs à leur poursuite.

Hermione ne le disait jamais, mais elle se surprenait parfois à se demander si les Horcruxes n'étaient pas qu'une idée. Un mensonge que Voldemort aurait implanté dans la tête du professeur de potions pour mener Dumbledore et l'Ordre du Phénix sur une fausse piste. Bien entendu, il y avait ceux qu'ils avaient déjà récupérés et détruits, comme le journal intime de Jedusor et le médaillon de Serpentard, mais même ces preuves irréfutables de leur existence ne permettaient pas à la jeune femme de croire encore à toute cette histoire.

Elle perdait espoir, un peu plus chaque jour. Mais elle ne voulait pas être celle qui énoncerait cette vérité à haute voix. Harry y croyait dur comme fer, et Ron... Ron était Ron, maugréant et bougonnant du manque de confort et de la lenteur de leur tâche. Sa blessure au bras ne faisait que renforcer sa mauvaise humeur quotidienne. Une tension s'était installée entre eux, muette mais encombrante, et grossissait de plus en plus à meure du temps.

Les plants de maïs s'étendaient à perte de vue dans leur dos. Des champs, des plaines entières. L'horizon, perdu dans cet enchevêtrement de couleurs automnales, semblait s'éloigner à chacun de leur pas. Comme s'il refusait de les accueillir, comme s'il refusait de leur apporter son étreinte rassurante. Le temps de souffler, de faire une pause n'était pas encore venu, et en dépit de la douleur dans ses jambes, Hermione continuait de marcher. Encore et encore. Comme si un automate s'était emparé de son corps, en avait pris le contrôle, ne faisait que la rendre spectatrice de sa propre vie.

Ils marchaient depuis plus d'une heure, lorsque Harry leur proposa de s'arrêter un peu. La jeune femme soupira de soulagement en posant son sac à dos et s'empressa de rejoindre Ron, qui, une dizaine de mètres plus loin, s'était affalé sur un rocher. Les pieds de maïs offraient une cachette idéale sous ce soleil éblouissant.

―Tout va bien ? souffla-t-elle en réajustant la chemise qui faisait office d'attelle.

Le garçon grogna et récupéra la gourde d'eau que le brun lui tendait sans prononcer le moindre mot. Hermione lui jeta un regard désolé et recula de quelques pas, s'enfonçant à demi à travers les plantes, avec l'espoir complètement fou qu'elle parviendrait à se confondre avec eux. Qu'elle deviendrait invisible et qu'elle pourrait s'échapper de tout ça. Elle voulait revenir en arrière, en ce jour qui avait coûté la vie au professeur Dumbledore, en ce jour où il avait confié à Harry la mission la plus périlleuse du monde.

LA LOUTRE ET LE RENARD [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant