Ils auraient pu s'apprécier, se compléter. C'était sans compter sur la présence de deux autres immortelles, de cette sœur jalouse et de ce fils ingrat.

C'est le bruit des pas d'Elisabeth qui arrachent Alexandre à ses pensées. Il lève un verre, trinquant à la présence de la vampire dans le silence. Il peut la voir sans même la discerné, les bras croisés, les sourcils foncés, les yeux qui se lèvent au ciel. Elle n'a pas envie de le voir. Personne n'a jamais envie de le voir. Trop théâtralisé, trop bouffé de suffisance et de folie.

— Ma chère comtesse. Tu m'aurais presque manquée.

— Alexandre ... quel plaisir, lance la nouvelle venue, sa voix trahissant ses pensées et son déplaisir.

Il se lève, sourire accroché au babine et s'accoude au bar, gros pacha feignant.

— Pourquoi es-tu là ? souffle-t-elle, à peine surprise qu'il se soit frayé un passage aussi facile jusqu'à son domicile.

— Je ne suis pas venu pour le plaisir de ta compagnie et j'en suis bien navrée. Non, mieux que ma présence, j'ai de grande nouvelle pour toi.

Alexandre se tend d'un immense sourire avant de jeter devant lui un dossier empli de photos et d'articles de journaux.

— Tu te rappelles ta sorcière préférée ? La vieille peau qui doit surement avoir crevé dans un coin. Eh bien j'ai retrouvé sa descendante et devine quoi ? Notre loulou préféré s'intéresse déjà à elle.

Le vampire ouvre alors la pochette. Fier de ses mises en scènes, comme à son habitude d'acteur raté, il en sort une photo d'une blondinette au visage plus que banal. Justine Hansen, 26 ans, dernière héritière du pouvoir des sorcières. Des photos privées, son dossier d'entré à l'orphelinat et ses résultats scolaires, plus que mauvais.

Elisabeth le fixe, croisant ses longues jambes en s'asseyant. Fier comme un paon, Alexandre se redresse un peu plus, immense sourire collé aux lèvres.

— Mais j'te donnerai pas pour tes beaux yeux. Je veux du sang, et pas la piquette humaine.

Leurs sourires disparaissent. Il veut qu'elle se saigne pour lui, qu'elle ouvre ses veines et lui offre les merveilles contenues dans ces dernières. Et il n'a pas besoin d'en dire plus qu'elle a déjà compris.

Pourtant, à sa grande surprise, Elisabeth se fend d'un rire, à peine feutré.

— Ow... je suis profondément blessée Alexandre. Je pensais que tu avais plus d'estime pour moi. Crois-tu réellement que je troquerai ne serais ce qu'une petite fiole de mon sang contre de vulgaires bouts de papiers ? Je ne m'intéresse pas à la petite sorcière, du moins pas encore. Comment crois-tu que le fils du loup gris ait survécu ? Surtout après ce que je lui ai fait... Et pourquoi crois-tu qu'il soit de retour en ville ? La grande sorcière n'est pas morte et elle est avec lui, il n'y a aucun doute, susurre la comtesse avant de se servir un verre.

Élisabeth lève ce dernier et sans se démonter, Alexandre dresse le sien à son tour, trinquant avec plaisir. Il aurait presque oublié le bonheur des difficultés à traiter avec une telle créature. L'immortalité rends certain vampire si mou qu'ils ne peuvent répondre aux mots du prince du chaos.

Un peu de piquant, voilà ce qui manquait dans la monotonie de son quotidien, seulement troublé par la présence de la petite orpheline devenu chasseuse pour le plus grand plaisir des yeux. Une Abigaël qui doit certainement bouder dans son coin maintenant que le soleil s'est levé.

Élisabeth lui offre ce piquant, avec ses aiguilles qui s'enfoncent dans les chairs pour mieux faire souffrir. La comtesse se penche sur le bar, accentuant son décolleté dans lequel Alexandre refuse de se perdre, qu'importe le galbe parfait de sa poitrine.

Violet comme les ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant