CHAPITRE 61

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J'essuie de la paume de ma main la buée qui a recouvert le miroir de la salle de bain pendant que je prenais ma douche.

Deux mois viennent de passer depuis mon agression. Je suis restée au total trois longues semaines à l'hôpital, à tourner en rond.

D'ennui essentiellement, car il n'y a rien de particulier à faire quand on est hospitalisée, la seule distraction étant la télévision sur laquelle s'abrutir et finir lobotomisée. S'il n'y avait pas eu les visites de ma famille et de mes amis, une coloscopie aurait été plus excitante que mon séjour là-bas, c'est pour dire !

Depuis un bon mois, j'ai emménagé chez Matt. 

Il m'a fait sa demande une semaine avant ma sortie. Une demande encore plus folle que dans mes rêves les plus fous et il nous est apparu évident de nous installer ensemble dès que possible.

Le domicile de Matt s'est révélé le choix par défaut en attendant de trouver quelque chose d'autre.

Un autre quartier.

Un logement plus spacieux aussi puisque nos deux salaires réunis - même si je n'ai pas encore repris le travail - nous permettent de voir plus grand.

Quelque chose qui serait à nous, et pas juste son appartement à lui ou mon appartement à moi.

Notre foyer.

Je ne me voyais pas vivre à nouveau dans mon chez moi. Il m'a été extrêmement difficile d'y remettre les pieds, ne serait-ce que pour y remplir ma valise des vêtements à transférer dans les placards de Matt. Alors y rester ? Respirer dans cet espace désormais maudit par le drame qui s'y est déroulé ? Essayer d'être heureuse en présence du fantôme de Major ? 

Impossible.

Mon reflet apparaît et sous mes yeux, c'est mon visage creusé que j'aperçois. Le souvenir de mon chien, ma peluche tant aimée, mon fidèle ami à quatre pattes m'arrache une larme. Je pousse un soupir en l'essuyant du revers de la main. Je vais le pleurer encore quelque temps je crois. Tout comme il va m'en falloir aussi pour récupérer pleinement et tourner la page. Même si les médecins ont jugé que mon état me permettait de sortir, mon corps a gardé les stigmates de la souffrance qu'il a endurée.

J'en fais l'état des lieux.

Les chairs autour de mes poignets et de mes chevilles ont cicatrisé, laissant les traces rosées d'un épiderme fraîchement reconstitué, d'une peau toute neuve, et qui blanchiront bientôt pour, à terme, disparaître complètement, du moins est-ce mon souhait.

Des maux de tête perturbent encore parfois mon quotidien suite au méchant coup encaissé par mon crâne contre mon bar. Mais ils s'estompent en douleur et en fréquence, devenant de plus en plus rares.

Du bout de mon index, je suis le tracé de la plus évidente de mes cicatrices. Elle s'étend à la base de mon cou, sur cinq bons centimètres. La peau y est plus épaisse, formant comme une boursouflure. On me dit de ne pas m'inquiéter, que le côté disgracieux et inesthétique finira par s'estomper et la rendre moins visible et plus plane. Je l'espère de tout mon coeur.

Tout comme j'aspire à la guérison des séquelles psychologiques qui accompagnent forcément ce genre de traumatisme corporel. La nuit, il m'arrive de me réveiller en sueur, suffocante, avec la sensation de la lame imprimée dans mes chairs. Quand ce n'est pas ça, ce sont des cauchemars qui associent des réminiscences de ma précédente agression à celles de la nouvelle. Je suis déjà passée par là quelques années plus tôt. Je sais que le suivi psy est un passage nécessaire, tout comme l'obligation de prescription d'anxiolytiques et autres somnifères pour m'aider à gérer ça. Mais je sais que le meilleur des pansements est et reste l'amour des proches et le temps qui fera son oeuvre, inexorablement.

Avec un A comme Am...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant