Avec un A comme Am...

CHAPITRE 56

Moi aussi, je suis fichue.

Quoi qu'il puisse se passer, dorénavant, je ne donne pas cher de ma vie.

Les options qui s'offrent à moi sont toutes plus risquées, les unes que les autres. Mon cerveau s'en rend bien compte, pendant qu'il les analyse presque mécaniquement.

Si Matt laisse Cole m'emmener et en admettant que ce dernier arrive à sortir de la résidence, m'entraînant avec lui, je connais déjà le programme et je peux affirmer sans trop me tromper que mon histoire sera digne d'un épisode de New York, Unité spéciale, sans personne pour témoigner à la barre au moment du procès... Si procès il y a, bien évidemment... Or, rien n'est moins sûr.

Si Matt ne me lâche pas, je ne doute pas un seul instant que mon agresseur mettra sa menace à exécution. Il est acculé et n'a effectivement plus rien à perdre.

Si, pour finir, aucune des deux premières propositions n'est la bonne, il me faut envisager la possibilité que le flic, qui se la joue cowboy au far west près de Daryl, me loge par erreur une balle entre les deux yeux. Pour l'heure, il vise dans la direction de Cole mais je suis autant que lui dans la ligne de mire.

Cole ou moi ?

Moi ou Cole ?

"Oyez braves gens, les paris sont ouverts !! Qui de Cole ou de Tya se prendra le pruneau ?!"

Je retiens comme je peux un rire, complètement déplacé en cet instant mais mes considérations du moment sont tellement pathétiques que je ne sais plus comment réagir. C'est comme si j'étais déphasée. En plein Jet lag. Tout comme l'organisme d'un voyageur qui ne saurait plus si c'est le jour ou la nuit, le mien ne sait plus s'il doit éclater de rire ou fondre en larmes.

Pleurer ? Ah ça, oui, j'ai envie de pleurer !

Pleurer sur mon sort, pleurer sur mon chien mort, pleurer sur le coeur de Matt qui risque de finir brisé une seconde fois.

Mais si je laisse les larmes couler, là maintenant, je pense que je perdrai la raison...

Rire alors ? Je pourrais... Tout cela est tellement ridicule...

Rire de ce sort qui s'acharne à vouloir maudire, rire de mes prières que je croyais entendues... J'ai besoin d'un gilet de sauvetage et on m'envoie un parachute... Rire de ce pauvre Matt, qui n'a pas plus de chance que moi... Ah ! On s'est bien trouvés, tous les deux !

Mais si je ris, là maintenant, je pense que ça voudra dire que j'ai déjà perdu la raison...

Cole resserre son bras autour de mon cou et je sens la lame incisive de son canif mordre un peu plus ma chair.

Je grimace tout en essayant de me donner un peu d'espace pour mieux respirer, en glissant mes mains sous son bras.

Mon coeur pompe comme un dératé, je le sens qui tambourine dans ma poitrine de manière erratique et à une vitesse qui défie l'entendement. Je pense que je vais bientôt claquer ma pile, ce n'est pas possible autrement.

Si ce n'est pas Cole ou une balle perdue qui me tuent, la panique m'achèvera.

La peur, après s'être insinuée en moi au travers de cette entaille sur ma gorge et avoir investi chaque goutte de mon sang, chaque organe, chaque cellule, transpire désormais par chacun des pores de ma peau.

Je me rends compte que je ne veux pas mourir mais que c'est ce qui va se produire, inéluctablement.

Je repense à cet épisode de Blue Bloods, où Erin, substitut du procureur, se retrouve prise en otage. Son frère vient à son secours et, alors qu'il a fait croire au preneur d'otage qu'il n'était pas armé, il dit quelque chose comme : « je vous en prie, ne faites pas de mal à ma famille ». En entendant cette phrase, Erin plonge à terre et Dany, sortant une arme cachée dans le passage de roue de son véhicule, fait feu sur l'individu, le tuant sur le coup.