CHAPITRE 33

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Une sonnerie me tire de mon sommeil.

J'ouvre les yeux péniblement : combien de temps ai-je dormi ? Aucune idée mais pas assez.

La sonnerie se coupe pour mieux reprendre aussitôt. Il me faut un peu de temps pour réaliser que ça vient de mon téléphone.

La sonnerie se coupe encore une fois et quelques secondes plus tard, elle parvient de nouveau à mes oreilles. Aucun doute n'est permis : quelqu'un essaie de me joindre avec insistance.

Je remue doucement et j'essaie de me lever sans déranger Tya. Elle me tourne le dos et je suis niché contre elle. Notre nudité à tous les deux me rappelle nos ébats de la nuit et je souris.

La soirée avait failli tourner en cacahuète et je pensais m'être pris le vent de l'année mais finalement, je suis bien content que ma belle brune se soit montrée si téméraire. Elle a balayé son passé d'un revers de la main, contre toute attente : le mienne autant que la sienne.

Les images de nos corps se dévorant dans un appel vital me donnent des palpitations et si mon foutu téléphone ne s'était pas remis à sonner, je pense que j'aurais revécu en pensées chacun de ses gestes, chacun des miens.

J'ai encore le goût de sa peau sur mes lèvres. Il me suffit d'y passer la langue pour retrouver celui de l'amour que nous nous sommes donné, l'amour que nous avons fait.

En mode ninja, je me détache de son dos, respirant une dernière fois l'odeur de ses cheveux. Un mélange lavande peppermint pas déplaisant du tout.

Tya remue légèrement, toujours endormie. Elle se tourne vers moi et j'aperçois son visage dont j'ai fait rougir les joues plusieurs fois cette nuit. Il est serein et détendu. Comment fait-elle pour être si belle après seulement deux ou trois heures de sommeil ? Comment fait-elle pour me ravir si facilement le coeur ?

Je dépose un imperceptible baiser sur le bout de son nez puis, ramassant mes vêtements épars, témoins silencieux de notre parcours amoureux, je rejoins le salon, non sans avoir pris la peine d'enfiler un caleçon. Pas envie de subir l'oeillade canine et inquisitrice qui m'a détaillé hier. Et de fait, je fais bien car sitôt passé le pas de la porte, Major m'accueille comme si je faisais officiellement partie de la famille. En remerciement, je le gratifie d'une bonne caresse sous son poitrail. Sur le ton de la confidence, je lui demande de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller sa maîtresse.

— Elle a besoin de repos, alors pas de jappement ni quoi que ce soit, ok ?

Mon téléphone, vraisemblablement décidé à me pourrir mon début de journée, émet la sonnerie caractéristique d'un message qui vient d'arriver. Je me dépêche de refermer la porte pour ne pas risquer de réveiller ma belle endormie.

Je termine de m'habiller et consulte enfin mon portable.

J'ai huit appels en absence de Daryl ! Rien que ça.

Le message est de lui aussi :

[Si tu ne veux pas que je mette ta bécane au clou, ramène ma caisse rapidement ;) Kiss frangin.]

Je soupire. Il est 6h du matin et je dois quitter le cocon tout chaud du lit et des bras de mon aimée pour une histoire de voiture.

J'attrape les clefs, mon cuir et laisse un petit mot à l'attention de Tya, sur le bloc notes qui traîne sur la table basse et dont une feuille a été arrachée sans soin aucun.

Hello ma douce.

J'ai dû quitter tes bras précipitamment pour ramener la Lambo chez Daryl. Il s'impatiente.

Je promets de me faire pardonner en ramenant les viennoiseries pour le petit déj' au bureau.

On se voit très vite.

Je t'embrasse.

Matt.

J'ai hésité à signer de ce « je t'aime » qui m'a brûlé les lèvres toute la nuit et que je n'ai pas osé prononcer de peur de la voir reculer et s'enfuir. Elle vient tout juste de me dire que je lui plais, je ne veux pas aller plus vite que la musique... Même si cette nuit a dépassé toutes mes attentes... Surtout la troisième fois...

Je secoue la tête pour me ramener à la réalité. Je suis amoureux, cela va s'en dire mais je tiens aussi à ma moto comme à la prunelle de mes yeux. Autrement dit, Daryl me tient avec son chantage.

Une demi-heure plus tard, le moteur de la Lamborghini ronronne dans l'enceinte de la villa, tandis que je la gare près de son propriétaire, soulagé de la revoir. Je sors de la voiture et je me fais littéralement incendier :

— P*tain Matt, j'ai bien cru que ta brune t'avait braqué les clefs et avait filé avec ma caisse !

— Bonjour quand même.

Je marmonne. Il m'a mis de mauvaise humeur avec ses allusions sur Tya et je me sens dans l'obligation de lui mettre les points sur les i et les barres sur les t.

— De un, la brune a un prénom. De deux, elle n'est pas comme tu sembles prendre plaisir à te l'imaginer. C'est pas parce que tu navigues en eaux troubles le plus clair de ton temps que tout le monde se complaît dans le vice. De trois, je veux que tu arrêtes de faire ça.

Il lève les mains dans l'espoir de temporiser :

— Ok ok, et de faire quoi exactement ?

— Ce que tu as déjà essayé de faire hier : me la dépeindre négativement dans l'espoir que je ne m'attache pas à elle.

Je pose sur lui un regard passablement agacé :

— Daryl, je sais que tu veux me protéger mais j'ai pas besoin d'une baby-sitter pour me materner.

Il lâche un petit rire accompagné d'un « comme tu voudras » blasé. Je serre les mâchoires.

— Arrête ça aussi. Cette façon de me répondre en mode cause toujours tu m'intéresses. Comme si je ne pouvais dire que des inepties quand toi, bien évidemment, tu détiens la science infuse.

Je contourne la Lambo et viens me planter face à lui tandis que je lui plaque ses clefs sur le torse. Ma voix est ferme, intransigeante. Qu'il ne s'avise pas de remettre en question ce que je vais lui dire ni même de tenter d'argumenter parce que je ne suis pas suffisamment conciliant avec lui ce matin pour pouvoir accepter cette joute verbale :

— Rentre-toi bien ça dans le crâne. Tya, je l'ai choisie. Et oui, je l'aime. Tiens-le toi pour dit.

Je laisse échapper un petit rire : avec Tya, c'est devenu plus fort en trois jours de temps qu'avec Lana en trois ans. Cette constatation me frappe comme une évidence, comme un éclair de lucidité. Je continue ma tirade :

— Là où tu t'évertues à voir une femme qui va me blesser, moi je vois simplement une femme qui a besoin d'être aimée. Là où tu veux l'empêcher de me faire du mal, moi je vois une femme qui peut nous apporter, à moi autant qu'à elle, la guérison.

Nous nous affrontons un instant du regard et Daryl finit par baisser pavillon. Il récupère ses clefs, me rend les miennes. Fin de la discussion.

Je tourne les talons et alors que j'enfourche mon engin, je lui crie :

— Merci pour la Lambo, frangin !

Je mets le contact et fais rugir le moteur. Mon casque enfilé, je range la béquille à l'aide de mon talon puis je sors de la propriété sans un seul regard en arrière. J'ai des croissants à acheter.

Avec un A comme Am...Where stories live. Discover now