Chap XXVIII : DIS MOI

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-Darling ! Darling ! Appela ma mère en se précipitant à l'intérieur.

À la différence de Madame Cary, elle laissa la porte grande ouverte, aussi je plaquai ma main en visière pour protéger mes yeux tout en bougonnant :

-Mom, la lumière please.

Mais ma mère, apparement sourde, vint à côté de moi et me serra la main très fort entre les deux siennes.

-Claire, it's me ! Are you ok ? Continua de brailler ma mère.

-MAMAN ! Tout va bien, je me sens mieux, mais ce sera ze best du best si tu pouvais parler moins fort et fermer cette fichue porte, lui répondis-je.

Elle lâcha ma main un instant, rabattit la porte et revint vers moi.

-J'ai eu tellement peur quand Madame Cary m'a appelé pour me dire que tu t'étais évanouie ! S'adressa-t-elle à moi d'un ton plus doux.

J'allais ouvrir la bouche pour lui demander si elle avait vu Aslinn ou Lana mais l'infirmière fit à nouveau irruption dans la chambre pour nous annoncer que l'ambulance était arrivée.

Même si je tentai de rassurer ma mère des dizaines de fois en m'acharnant à lui répéter que j'allais bien, elle ne me lâcha pas le bras de tout le trajet, se cramponnant à moi comme si elle craignait que je ne tombe à chaque seconde.

Ce n'est qu'à la sortie de l'hopital, une fois que le médecin lui-même ai affirmé que mon crâne ne souffrait d'aucune lésion, que ma mère fut totalement rassurée. Dans la salle d'attente, elle m'avait demandé que je lui raconte ce qui s'était exactement passé. Même si elle ne m'interrompit pas, je remarquai bien son haussement de sourcil quand elle apprit que les deux garçons qui s'étaient battus n'étaient autre qu'Harry et Aslinn. D'ailleurs, quand je lui demandai à mon tour si elle ne les avait pas vu, elle me répondit d'un ton sec :

-Non, je n'en ai aperçu aucun. J'espère bien que leur exclusion sera au moins d'une semaine, ajouta-t-elle, les lèvres pincées.

Je ne répondis rien, je n'avais pas envie d'avoir une atmosphère pesante et lourde en rentrant à la maison, déjà que mon père devait sûrement être au courant par un texto de ma mère.

Il était près de 19h30 lorsque nous arrivâmes enfin chez nous. Je me sentais épuisée, aussi je montai dans ma chambre faire l'étoile de mer sur mon lit. Alors que je me sentais parfaitement détendue, bercée par One summer night -un magnifique slow des oldies- il me sembla entendre une voix crier quelque chose d'incompréhensible depuis les escaliers. Je baissai le son de mon enceinte et m'appuyai sur un coude.

-Claire, des gens veulent te voir ! Appela la voix enfantine de Tim.

-J'arrive, j'arrive ! Lui répondis-je en me levant doucement de mon lit, tout mouvement brusque me donnant le tourni.

-Claire, des amis voulaient prendre de tes nouvelles, fit ma mère en désignant Aslinn et Lana qui se tenaient debout et l'air gênés dans mon salon. Celui-ci, même s'il tentait de le camoufler en remontant le col de sa veste, arborait un vilain bleu sur la moitié de son visage.

-Venez, on va dans ma chambre, fis-je.

Je n'allais pas rester dans le salon avec ma mère à nous épier depuis la cuisine !

-Ta chambre est trop pretty ! S'exclama Lana en entrant dans mon lieu favori sur Terre.

-Ça fait petit cocon, compléta Aslinn en regardant les murs bordeaux couverts de post-it et de photos en tout genre -ma famille, des personnalités... Il me lança un coup d'oeil éclair lorsqu'il tomba sur une photo où nous étions tous les trois avec Harry, enfin où nos trois paires de jambes se trouvaient réunies.

-Bon et toi, comment tu vas ? Demanda Lana et s'asseillant sur mon lit. Quand le pion est arrivé, il nous a forcé à se disperser et à retourner en cours. À la récré, on est allés à l'infirmerie mais elle nous a dit que tu étais partie à l'hosto.

-Ça va, ça va...fis-je en brassant l'air avec ma main.

Mon regard restait fixé sur Aslinn qui baissait la tête et ne disait rien.

-Harry et Aslinn ont été convoqués...ils ont eu trois jours d'exclusion, dit Lana.

Comme si Aslinn n'avait pas de langue ! Ah ce qu'il pouvait m'énerver lorsqu'il se mettait en mode "huître"!

-Sinon je t'ai pris les cours, reprit Lana en sortant de son sac plusieurs photocopies. Tu penses venir demain ?

-Merci c'est sympa, la remerciai-je avec un sourire crispé. Pour demain, je ne sais pas encore.

À vrai dire, mon attention était captivée par Aslinn qui posait son regard partout, sur n'importe quel bibelot ou poster mais jamais sur moi.
-Bon, eh bien, je vais vous laisser, fit Lana en se levant et reprenant son sac sur l'épaule.

Alors qu'elle passait devant moi pour sortir, elle me chuchota :

-Il s'en veut tu sais, sois pas trop dure...

Puis elle passa la porte et nous laissa seuls, Aslinn, moi et cet épais silence.

Après un moment, pendant lequel je n'avais pas ouvert la bouche, laissant Aslinn parler en premier pour voir ce qu'il allait me dire, le grand brun se décida enfin à délier sa langue :

-Claire, vraiment je suis désolé...je voulais pas... Aslinn laissa sa phrase en suspend.

Je voyais bien qu'il était mal à l'aise, il n'arrêtait pas de se triturer les doigts.

-Tu n'as pas fait exprès et je le sais bien. Mais il y a un truc que j'ignore, pourquoi vous vous êtes mis à vous battre ?! Ma voix se percha dans les aigus dans la fin de ma question.

-C'est lui qui a commencé.

Je rêve ou Aslinn venait de me répondre tel un gamin de 5 ans ?

-Dis-moi, tranchai-je d'un ton un bourru.

Je vis les muscles de sa mâchoire se raidir avant qu'il ne commence à m'expliquer.

-Dès que je suis arrivé vers lui, il a commencé à me faire des reproches comme quoi j'étais son meilleur pote, qu'il croyait me connaître mais que j'avais trahi sa confiance et patati et patata.

-Trahi sa confiance ? Fis-je, en me demandant bien ce que cela pouvait signifier.

-Ben oui, par rapport à toi, je t'ai bien dit qu'il était venu me voir pendant les vacances de la Toussaint, dit Aslinn comme si cela semblait tout expliquer.
Devant ma tête incrédule, Aslinn reprit :

-Il a dit qu'on faisait exprès, je cite, "de se pavaner devant lui en couple pour le provoquer". À ce moment là je lui ai demandé ce que ça pouvait bien lui faire et que de toute façon tu ne l'aimais pas. Ça ne lui a pas plu et il n'a pas trouvé mieux que de me flanquer son poing dans la face.

Je restai bouche bée. Je ne savais pas comment il fallait que je prenne tout ça... Fallait-il que je continue à être avec Aslinn et ignorer Harry ? Non, bien sûr que non, c'était impossible.

-En tout cas Claire, je suis vraiment désolé, si tu t'es pris ce coup, c'est de sa faute...ajouta Aslinn.

Plus que son visage bleui, c'était toute la peine contenue dans son regard qui me bouleversait. Durant les secondes qui suivirent, nous restâmes murés dans le silence, moi assise en tailleur sur mon lit et Aslinn, debout contre le mur à triturer un morceau de pâte fixe entre ses doigts.

-Je vais y aller, dit le grand brun au bout d'un moment.

Quand il passa devant mon lit, je l'attrapai par l'avant bras et le forçai à se pencher. J'enserrai mes bras autour de son cou en lui chuchotant à l'oreille :

-Je ne vous en veux pas, à aucun de vous.

Il déposa un léger "smack" sur ma joue puis il sortit comme un fantôme.

Un joli triangleWhere stories live. Discover now