Chap XXIV : UNE PARTIE DE L'AUTRE

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À ce moment là, je réalisai que, lorsque j'avais un coup de mou ou que je me sentais seule, il n'y avait qu'une seule personne vers qui je voulais me tourner. Je décidai donc de lui envoyer un sms.

Aslinn...

Je ne trouvai rien d'autre -et de mieux- à dire. De toute façon je n'avais rien à lui dire, juste le fait que j'avais très envie de le voir. J'amais être avec lui. Sa présence apaisante et imposante à la fois me rassurait. Aslinn savait écouter les gens. Quand je lui parlais, il m'écoutait avec ses deux grands yeux bleus posés sur moi et son éternel petit sourire en coin.

Dans les deux minutes qui suivirent je me dis que, si j'attendais une réponse de sa part, je risquais d'y passer la nuit, alors je décidai de l'appeler.

Après deux ou trois bips qui me parurent durer d'infinies secondes, il décrocha mais ne dit rien. Pourtant je savais qu'il était à l'autre bout du fil car les affreux bips sonores s'étaient arrêtés.

-Aslinn, commençai-je avec une voix qui tremblait.

Pas de réponse.

-Aslinn, répétai-je. Aslinn je... Ne pouvant plus contrôler les tremblements dans ma voix, celle-ci s'éteignit complètement puis disparu, noyée dans mes sanglots.

Je devais avoir l'air d'une petite fille de 3 ans !

Je tentai de me contrôler mais je n'y arrivais pas. Pourquoi ce grand imbécile ne disait-il rien ?! Je reniflai avant de l'appeler à nouveau à travers le téléphonne.

-Aslinn ! Réussis-je à articuler avec un ton qui se voulait "sévère".

J'entendis un petit rire étouffé de l'autre côté.

-Tu te fous de moi ? Répétai-je à travers mes larmes.

-Des lasagnes, ça te dit ? Demanda soudain Aslinn.

-QUOI ?

Il répéta sa question et je sentis qu'il souriait en même temps.

-Tu m'énerves ! Fis-je en serrant les dents.

Aslinn rit encore, plus franchement cette fois avant de me dire "À tout de suite" puis il raccrocha.

Ce gars me rendait vraiment folle ! C'était les vraies montagnes russes émotionelles avec lui ! Alors que je me relevais et essuyais mon visage humide dans mon écharpe, la porte de ma chambre grinça et s'ouvrit sur ma mère qui me dévisageait. Avait-elle écouté toute notre "conversation" ?

-Mommy, je... Je peux aller chez Aslinn ? Il faut que je lui explique un truc en maths pour demain.

-Ah si c'est pour les maths, you must help him, fit-elle en hochant la tête de haut en bas.

-Je peux y aller ? Demandai-je à nouveau.

-Sure, répondit ma mère avec un clin d'oeil.

Je lui répondis à mon tour par un grand sourrire et murmurai un "thank you" avant de me frotter les yeux et de descendre.

Un petit quart d'heure plus tard, j'arrivais chez le grand brun. Je toquai à sa porte. Ne voyant personne venir, je toquai une seconde fois. Personne. J'appuyai alors sur la sonnette. Mais que fabriquait-il bon sang ?! Je me décalai alors de quelques pas à gauche et me penchai pour voir ce qui se passait dans la cuisine -seule pièce éclairée. Le spectacle que je vis me fit instentanément sourire. Aslinn s'agitait devant le four, d'où sortait un filet de fumée noire. Il enfila ses mains dans deux maniques roses puis il les plongea dans le four pour en sortir un plat qui, au vu de la couleur, devait être calciné. Je rigolais tout en tapant sur le carreau. Aslinn leva la tête et sortit en trombe de la cuisine pour venir m'ouvrir -sans enlever ses deux maniques roses qui lui allaient à merveille.

Quand la porte d'entrée s'ouvrit, nous restâmes là à nous regarder, comme deux ronds de frite.

Aslin se gratta la tête avec un petit "Heum..."

J'en profitai pour rentrer en le bousculant gentiment.

-Toi alors...fis-je alors que mon épaule percutait son torse.

-Bon, pour les lasagnes c'est raté...dit-il en enlevant -enfin !- les deux maniques roses.

-Dommage, elle te faisaient de jolies mains, le taquinai-je tout en les triturant.

-Tu peux aller dans le salon, j'arrive, je vais préparer autre chose.

-Hum...je ne sais pas si je dois te faire confiance...répliquai-je.

-Mais si mais si, tenta-il de me rassurer en posant les deux mains sur mes épaules et en me poussant légèrement vers son canapé.

Je l'attendis sagement en regardant le bois se faire consumer doucement par les flammes rouges dans la cheminée qui me faisait face.

-Ton père et ta soeur ne sont pas là ? Demandai-je d'une voix assez forte pour qu'il m'entende jusque dans la cuisine.

-Nope, il est sur la route et Kathleen reste à Dublin toute la semaine pour ses études, me répondit-il.

Il arriva peu de temps après avec un plateau sur lequel reposaient deux tasses fumantes.

-Je suis désolé...les lasagnes se sont transformées en soupe express, dit-il en posant le plateau sur la table basse.

-Dommage...je n'aurais pas droit à mon plat préféré ce soir...

Le grand brun rigola puis s'assit à coté de moi. Nous restâmes là un moment sans rien dire, attendant que la soupe brûlante refroidisse un peu.

-Tu voulais me dire quelque chose tout à l'heure ? Demanda soudain Aslinn.

Je me tassai un peu plus dans son canapé -qui au passge était hyper confortable et moelleux- en ramenant mes genoux sous moi.

-Non...murmurai-je.

-Tu pleurais ? Demanda Aslinn d'une toute petit voix.

-Tu pleurais vraiment ? Demanda-t-il à nouveau en se collant contre moi puis, contre toute attente, il me prit délicatement le menton et me força à se tourner vers lui.

Cette fois, je ne résistai pas à l'envie et laissai ma tête retomber contre lui. Je sentais son torse chaud contre ma joue, son odeur qui envahissait mes narines, sa grande main contre ma nuque, son autre main dans mes cheveux et enfin, son menton sur le sommet de mon crâne. C'était la première fois que je retrouvais aussi proche d'Aslinn et c'était tellement agréable. Blottie contre lui, je me sentais bien et à l'abri.

Quand nous nous décidâmes enfin à nous décoller l'un de l'autre, nous avalâmes notre tasse de soupe sans rien dire puis Aslinn me raccompagna jusque chez moi, avec sa grande paume chaude qui serrait la mienne.

Juste avant de nous quitter, il déposa un bisou à moitié sur ma joue, à moitié sur mes lèvres. Je lui chuchotai alors à l'oreille :

-Merci, merci de me laisser du temps.

Puis je défis mon écharpe que lui enroulai autour du cou.

Maintenant, chacun avait une petite partie de l'autre avec lui en permanence.

Un joli triangleWhere stories live. Discover now