Chap II : DES AZURS DÉROUTANTS

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Le lycée était une vieille bâtisse qui devait au moins dater de l'âge de pierre. En réalité c'était un ancien couvent. La cour ciculaire était encadrée par des préaux. Le porche d'entrée semblait vouloir m'accueillir à bras ouverts malgré les grilles hérissées de pointes rabbatues sur le côté. Éparpillés dans cour, des groupes étaient déjà formés par des adolescents sûrement en train de bavarder de leur vacances. Je décidai de me diriger vers le centre, là où les listes des classes étaient affichées sur de grands panneaux. A de grands "excuse-me", je réussis à m'avancer. Je parcourus des yeux les listes, repérant sur la droite celles des terminales. Je me décalai d'un pas et cherchai mon nom : Claubert. Tu parles d'un nom irlandais, avec ça mon camouflage était foutu. Je le trouvai rapidement : terminale B, 35 élèves, salle 212. Bon étape 1 réussie, étape 2 : trouver la salle, ce qui, vu mon sens de l'orientation allait s'avérer chose difficile. Je me dirigeai vers le fond de la cour, là où un batiment rectangulaire s'élevait. Je pénétrai à l'intérieur en franchissant une énorme porte en bois, dont les deux battants avaient été bloqués de part et d'autre. De chaque côté du hall, il y avait deux escaliers. Par chance, sur le mur du fond un plan était affiché. Ouf ! J'avançai pour le consulter. Salle 212, deuxième étage, troisième porte sur la gauche. En route ! Sachant où j'allais, je gravis les marches et trouvai facilement ma salle.

Je contournai un groupe particulièrement bruyant et agité - des secondes sans doute- dont un des garçons me bouscula fortement. Énervée, je lui balançai :

-Eh le bigleux tu peux pas regarder où tu mets les pieds ?

L'autre se retourna -ses affreuses lunettes rondes lui donnaient un air de Harry Potter- et me scruta de la tête aux pieds. Je soupirai en levant les yeux au ciel et poursuivis mon chemin. Dans mon dos j'entendis des rires étouffés puis soudain un "pouffiasse" parmis les voix masculines. Je me retournai, face au Harry Potter raté... et lui tirai la langue ! Il resta planté là, incrédule. Quant à moi, je souris intérieurement tout en allant attendre devant la salle avec les autres jeunes avec qui j'allais partager les dix prochains mois.

Il y avait déjà un groupe de filles qui bavardaient comme des pipelettes et un garçon de dos, accoudé à la fenêtre. Je m'appuyai contre le mur dont la peinture beige s'effritait, en laissant mon sac glisser à terre.

7h55, j'avais le temps pour une chanson, les cours débutaient à 8h. Je sortis mes écouteurs, en grognant car -comme d'abitude- des dizaines de noeuds s'étaient formés. Je les démêlai grossièrement et les enfonçai dans mes oreilles. Les fabuleuses notes de Partenaire particulier vinrent caresser mes tympans -je dois aussi préciser que j'étais une fan des années 80. Inconsciement, mes pieds se soulevaient au rythme des paroles.

Une autre musique -moins entrainante- arriva jusqu'à mes oreilles, sonnant le début des cours. Je ne m'en étais pas aperçue, mais d'autres gens étaient arrivés. Je me sentis soudain seule. En effet, au fur et à mesure qu'ils arrivaient, tous avaient un ami, une connaissance vers qui aller pour dire "Hey ! On est dans la même classe, c'est cool et blabla..." Un léger frisson me parcouru lorque je vis Harry Potter qui se dirigeait lui aussi vers la salle 212. Quand il serra la main au garçon de la fenêtre, je perdis tout espoir, me rendant à l'évidence que lui aussi faisait partie des terminales B. Alors qu'il discutait avec le garçon de la fenêtre, Harry Potter -vivement que je sache son prénom !- se retourna et constata ma présence. Il me fixa et me sourit d'un air hautain et moqueur. Je serrai les dents. Pas d'amis et déjà un ennemi ! On peut dire qu'en relations humaines j'étais une championne... Je soutins son regard pendant plusieurs secondes au bout desquelles il ouvrit la bouche et me demanda avec dédain :

-Tu veux ma photo poupée ?

-Non, désolée, Harry Potter n'est pas mon genre.

Le gars de la fenêtre étouffa un rire tandis que l'autre paressait aussi vexé que moi je jubilais.

Je ramassai mon sac et me dirigeai vers la salle de classe que notre prof principal venait d'ouvrir. Lui aussi, je ne l'avais pas vu venir.

Je m'installai à une table du milieu de la classe, pas au fond car je ne dormais pas en cours et je comptais bien avoir mon bac en juin, pas non plus au premier rang, réservé aux intellos. Je choisis une table près de la fenêtre afin que -je n'espérais pas que ce soit le cas mais on ne sait jamais- si le cours paraissait trop long, je puisse laisser mon regard dévier sur autre chose que le prof comme les nuages ou le vent dans les arbres. En parlant du prof, je devrais plutôt dire la prof. En effet, c'était une dame assez âgée -la cinquantaine- à l'allure d'une bibliothéquaire. Malgré la chaleur de ce début de sptembre, elle portait par dessus son chemiser -qui avait du être blanc à une époque mais qui maintenant était tout jauni- un épais gilet. Dessous un pantalon d'une couleur affreuse -pardonnez l'expression- vert caca d'oie, on pouvait deviner de longues jambes maigres qui se terminaient par -oh surprise ! - des converses noires elles aussi ravagées par le temps. J'observai encore notre professeure principale qui s'affairait à sortir d'une sacoche en cuir des montagnes de paperasses qu'elle rangeait méthodiquement par piles sur son bureau situé deux tables devant moi. Sur son long nez fin, étaient posées de grosses lunettes rondes -une autre qui voulait ressembler au fameux magicien ?- noire dont les branches étaient liées par une mince cordelette. Ses cheveux gris étaient ramenés en un chignon tout raplapla au bas de son crâne. La vieille femme ne semblait pas gênée par le brouhaha qu'émettait ses élèves. Soudain, alors que j'étais toujours plongée dans ma contemplation, je sentis du mouvement à côté de moi. Le gars de la fenêtre ! Il avait manifestement choisi de se mettre à côté de moi. En me retournant je constatai que le sosie de Harry Potter s'était placé juste derrière moi avec à côté de lui une fille dont la ressemblance était frappante : mêmes cheveux noirs, mêmes yeux, mêmes traits du visages sauf que celle-ci ne portait pas de lunettes. Je soupirai -un peu trop bruyament sûrement- tout en sortant mes affaires de mon sac.

-Je ne suis pas ton style non plus ? Me demanda mon voisin avec un léger sourire.

-Hein ? Lui fis-je, non pas que je n'avais pas compris ce qu'il m'avait dit mais à ce moment là je n'avais aucune envie de discuter avec un garçon que non seulement je ne connaissais pas mais qui en plus trainait avec un gars qui ressemblait à Harry Potter mais qui avait plutôt le caractère d'un Malefoy.

-Je m'appelle Aslinn, me fit-il pour toute réponse.

Je me tournai face à lui et pendant quelques millièmes de secondes j'avoue que je restai un peu déstabilisée : le gars de la fenêtre, Aslinn, ne ressemblait absolument pas à son ami : il était très grand, même assis, avec les épaules carrés. Ses cheveux chatains ébourrifés lui allaient à merveille et son sourire... Digne d'un mannequin. Comme si ce n'était déjà pas assez, il avait de grand yeux azurs qui lui donnaient une irrésistible expression...

-Moi c'est Claire, lui répondis-je simplement.

Puis je fis mine de farfouiller dans mon sac -mode je suis-hyper-occupée- afin d'échapper à son si déstabilisant regard que je sentis encore posé sur moi.

Un joli triangleWhere stories live. Discover now