CHAPITRE 5-2

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Première partie publiée aujourd'hui

Je pris soin de claquer violemment la porte en quittant le bureau, sur le choc, un objet en verre à en juger le bruit qui suivit, se fracassa sur le sol. Sûrement un de ses titres encadrés, c'était bien fait. La colère avait éradiqué toutes mes douleurs physiques.

J'arrachai pratiquement la robe de chambre hideuse que je portais sur moi, enlevai les bandages et me fis couler un bain chaud. Je tournai les quatre grands robinets dont deux d'entre eux qui servaient du gel douche menthe et fraise. Bientôt de grosse de bulle volaient dans les airs et de la mousse débordaient du bassin. Ce n'est qu'au moment d'entrer, un pied dans le bassin d'eau chaude que mon regard s'arrêta sur mon reflet dans le miroir. Je fronçai les sourcils et passai une main sur mon ventre. Il n'y avait plus rien. Plus aucun bleu, plus une griffure. Plus aucun hématome. Ma peau était comme neuve, mieux elle scintillait légèrement comme couverte d'un très léger voile pailleté. Je restai muette de stupéfaction. On aurait dit que j'avais recouvert mon corps de poussière d'or.

– Tu es magnifique.

Je bondis et manquai de tomber dans l'eau. Ike venait de me rejoindre dans la salle de bain, son regard se baladant sur mon corps nu. Je lançai un regard noir et me glissai dans l'eau pour lui gâcher le plaisir.

– Tu veux m'interner dans une clinique ? Lui lançai-je d'un ton cinglant.

Il prit un air exaspéré.

– Arrête Kaya, je ne doute pas de ta parole.

– Tu ne veux pas me croire.

Ike se mit accroupis devant le bassin, attrapa une éponge puis relevant la manche de sa tunique, il la plongea dans l'eau.

– C'est juste un peu difficile à croire, me dit-il en me frottant les jambes.

– Pourquoi est-ce que je mentirais ?

Il arrêta son geste et me regarda, l'air un peu vexé.

– Je ne crois pas que tu mentes.

Alors là, j'étais perdue. Ike se rembrunit.

– Je pense qu'on a manipulé ton esprit.

Je me raidis.

– Quoi ?

– Mon père en est capable, mon frère aussi, me dit-il en se remettant à passer l'éponge sur ma peau avec douceur.

La gorge soudain sèche, je dus me concentrer sur ce qu'il me disait et non sur sa main descendait doucement le long de ma cuisse.

– Même si c'est vrai, je n'invente rien, dis-je d'une voix rauque. J'ai vu ce corps se relever même avec la tête arrachée. Ce n'était pas dans ma tête...ni une manipulation de l'esprit. J'ai eu les côtes brisées. Pourquoi est-ce que tu refuses de me croire ?

Il releva ses yeux nuit vers moi et resta un moment sans rien dire, une lueur indescriptible scintilla dans ses pupilles. Etait-ce de la colère ? De l'inquiétude ? Certainement un peu des deux.

– Parce que ça voudrait dire qu'il devient de plus en plus fort, plus dangereux. Faire voir des choses à quelqu'un, c'est une chose mais manipuler un corps sans vie...c'est...

Il se tut en baissant un regard voilé sur les bulles de mon bain, comme perdu dans ses pensées insondables. Je posai doucement ma main sur la peau brûlante de sa joue.

- Alors, j'espère moi aussi que ce n'était pas la réalité.

Je comprenais parfaitement qu'il préférait ne pas y croire. Penser que Darken serait capable de contrôler des cadavres, de former une armée de zombies, me donnait la nausée. Pourtant j'en étais convaincue, c'était vraiment arrivé. Des frissons d'horreurs firent mes poils hérisser.

Ike demeura silencieux un long moment sans cesser de frotter mon corps avec la grosse éponge pleine de mousse parfumé à l'orange. Quelque chose semblait le tracasser mais Ike, étant Ike, si je n'insistais pas, il me ne dirait rien. Au moment où l'éponge glissait sur le bas de mon ventre, je raidis sa main, la respiration haletante.

- N'essaie pas de me distraire, Ike.

Un spam sur ses lèvres me confirma ses intentions. Le cœur battant, je me redressai dans le bassin et lui fis face, en m'humectant les lèvres.

- Je sais que quelque chose te tracasse, alors s'il te plaît, pour une fois, confie-toi à moi.

Après un nouveau silence où il me considéra d'un air hésitant, Ike soupira et lâcha l'éponge qui se mit à flotter sur l'eau mousseuse. Il envoya ses longs cheveux noirs en arrière d'un geste de la main et s'assit en face du bassin, un coude posé sur son genou plié contre sa poitrine.

- En admettant que Darken t'a effectivement agressé ce soir, quelque chose ne coïncide pas. Cette femme, tu dis qu'elle a essayé de te tuer, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai d'un signe de la tête.

- Elle a clairement dit : « te tuer règlera tout... ».

- Darken ne veut pas te tuer, pas tout de suite, Kaya. Pas tant que la Clef ne se soit pas entièrement libérée, car si tu meurs, son pouvoir mourra avec toi.

C'est à ce moment-là que je compris là où il voulait en venir. Un frisson d'effroi me pétrifia sur place. J'avalai ma salive avant d'articuler d'un ton mécanique :

- Tu veux dire que ça ne vient peut-être pas de Darken ?

Les muscles des mâchoires d'Ike se serrèrent.

- Je n'en sais rien...

Le bain fut soudain beaucoup trop chaud, l'eau me brûla la peau. J'avais besoin de sortir de ce bassin. Je nageai vers la petite échelle et grimpai dessus en posant mes pieds sur ses barreaux antidérapant. Mon cœur cognait fort contre ma poitrine quand j'attrapai une serviette propre.

- Penses-tu que quelqu'un d'autre possède une sorte de capacité à contrôler les gens ? lui demandai-je d'une voix chevrotante qui trahit la panique qui grandissait en moi.

Ike se releva avec l'agilité d'un félin, m'attira doucement contre lui et referma ses bras sur mes frêles épaules.

- Ce n'est qu'une théorie, myôe haïwama. A ma connaissance, aucune autre espèce ou clan n'a des dons équivalents aux Mykhola, dit-il d'un ton grave en caressant mes cheveux. Peut-être que tout simplement, Darken cherche à te faire peur en te faisant voir des choses qui ne sont pas réelles.

- Je n'aime pas ta théorie, marmonnai-je en posant mon front contre sa poitrine.

Une idée émergea alors dans ma tête. Une idée qui me surprit moi-même.

- Je ne suis pas sûr que ce bon à rien nous sera d'une grande utilité mais pourquoi pas.


Atlazas, Le Secret des Abysses T.2Where stories live. Discover now