Chapitre 6 Bienvenue chez toi mon ange

27 6 0
                                    

Sterenn

Mon parrain ne devrait pas tarder et je ne veux pas lui faire honte. Je prends mes affaires dans mon deuxième sac, me change, enfile l'une de mes rares petites robes, vert émeraude, choisie par Sabine évidemment. Elle m'a dit qu'elle mettait en valeur ma peau et mes cheveux, avec de fines bretelles, et une coupe assez moulante pour « sublimer mes formes » selon elle. J'étais écarlate quand elle a dit ça, mais c'est vrai que je me trouve plutôt jolie comme ça. J'ai complété ma tenue par une petite veste noire et des ballerines de même teinte. Une fois prête, je ne cesse de piaffer en guettant mon oncle qui paraît, peu après dix heures et demie, dans une puissante automobile

J'ai préparé toutes les questions que je voulais lui poser, sur ma mère comme sur mon projet d'émancipation, mais tout s'évanouit devant l'homme en costume, encore dans sa tenue de travail, malgré une cravate desserrée et des boutons de chemise détachés, qui pénètre dans la chaumière. Il pose un baiser respectueux mais plein d'amour sur le front de sa mère et se retourne vers moi en me scrutant d'un regard chaleureux mais toujours un peu voilé. Je reste là, empruntée. Comment ça se salue, un parrain ? En deux pas, il est près de moi et me prend à bout de bras pour me regarder plus attentivement encore. Je rougis devant cet examen, mais j'en sens toute la bienveillance et lutte contre mon réflexe premier de baisser les yeux. Fichue timidité. Aussi je soutiens son regard, vert sur vert, et lui adresse un sourire chaleureux. Il y répond et m'enlace presque brusquement, passant une main dans mon dos pour m'étreindre comme s'il voulait s'assurer que je ne disparaisse plus. C'est une vraie étreinte, emplie de tant d'affection que je me sens étouffer d'émotion. A plus forte raison quand je sens son cœur battre à tout rompre, aussi vite que le mien. Maladroite, je referme mes bras autour de sa taille et cache mon visage contre lui pour m'imprégner de son odeur. C'est une reconnaissance presque animale pensé-je en riant. C'est ma tribu, mon sang. Cette fois, cette idée me fait carrément glousser. Je hais les filles qui se donnent du « mon sang » toute la journée. Mais là, ça a d'autant plus de valeur que c'est exactement ça. Dans les bras de mon oncle, de mon parrain, du frère de ma mère, d'un de ceux qui l'a connue pendant si longtemps, je me sens revenue à la source, à mes racines, à mon sang. Le premier, Yann reprend ses esprits, m'éloigne tendrement de lui, les mains posées sur mes épaules et pose un baiser sur mon front, plus intense que celui qu'il avait offert à sa mère.

-Je n'en reviens toujours pas que tu sois là, si belle. Tu es prête ?

Je hoche la tête avec enthousiasme, saisis mon petit sac et prend congé de grand-mère, un peu trop froidement à mon goût. Je n'ai pas osé le baiser sur le front. Elle met tellement de retrait entre nous, notamment après chaque remarque gentille ou compréhensive, après chaque instant où je nous crois presque complices, que j'ai pour le moment du mal à trouver la bonne distance. En même temps, je ne suis là que depuis 24 heures. Elle doit se faire la même remarque, car elle passe une main sur ma joue d'un geste bref mais que je ressens intensément.

-Amuse-toi bien ma chérie, déclare-t-elle, avant de fixer avec son fils un retour en fin d'après-midi.

-Rassure-toi, maman. Elle est avec moi, j'ai les clefs de la maison, tu as nos numéros. On se voit tout à l'heure. Allons-y ma belle. Allons profiter de notre première journée filleule-parrain.

Une journée parrain-filleule. A cette seule idée, je glousse de nouveau et esquisse un petit pas chaloupé, avant de m'arrêter brusquement, écarlate. Yann me décoche un clin d'œil.

-Je danse nettement moins bien que ça, mais intérieurement, je suis en pleine Macarena ! Allez en route ! dit-il en m'invitant à le précéder d'une petite courbette.

Je m'extasie devant la voiture, un joli jouet.

-C'est mon pêché mignon. J'ai plusieurs véhicules, on s'est achetés un voilier avec Pierrick et Erwan, mais cette voiture, c'est mon bijou. Et vu le temps, j'ai pu la passer en décapotable. C'est assez rare pour en profiter. Tu aimes ?

Un été pour une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant