Chapitre 3 - Un soir de demi-brume à Londres

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– Vous m'avez fait attendre. Elle était mécontente mais la voix de Margaret était douce et sensuelle à ses oreilles. Je voulais me rendre à un souper chez les Hopkins. Vous êtes impardonnable !

Il dénoua sa cravate de soie noire brodée d'argent.

Le voyant faire la baronne se fâcha.

– Ah non ! Il est hors de question que vous restiez. Je vous boude. N'avez-vous donc aucune considération pour moi ? C'est décidé, je vous déteste.

Vif comme un serpent, il lui saisit les poignets et la plaqua contre son corps. Les joues de la jeune femme rosirent de plaisir.

– Je suis sérieuse vous savez. Je ne peux me laisser traiter de la sorte...

Il la fit taire d'un baiser qui l'enflamma toute entière. Il avait un goût de whisky. Donc il avait passé sa soirée avec cette canaille de Brogan. Il était impossible à toujours lui préférer ses amis, à perdre son temps dans un club enfumé, à parler politique et argent au lieu de jouir de la vie en sa compagnie. Elle aurait dû le punir, mais sa bouche était si chaude et autoritaire. Elle sentait ses muscles trembler sous son veston et ses mains aventureuses déjà cherchaient les boutons de sa robe.

Heureusement pour elle et ses plans, elle n'était plus une perdrix de l'année qui pouvait se laisser entraîner là où elle ne le voulait pas par un baiser, fut-il absolument divin. Elle s'écarta et lui donna une tape sur la main.

– Monsieur, surveillez vos manières !

Coquetteries hypocrites.

Elle lui offrit un sourire, suivie d'une moue étudiée qui attendrirait n'importe quel gentleman.

Joshua lui lança un regard torve, il connaissait ce tour et il était déjà trop saoul pour être atteint.

– Vous êtes sans pitié milady. Moi qui aie si mal au crâne.

– Pauvre chéri, je m'occuperais de vous dès que j'aurai fini de remettre de l'ordre dans ma coiffure. Regardez ce que vous avez fait. Que dirons les Hopkins ?

– Rien. Nous n'irons pas. Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à aller voir ce genre de personnes. Elles ne prennent pas même la peine de cacher qu'elles vous méprisent. Aimez-vous à ce point souffrir ?

– Non, je n'aime pas ça. Mais je ne baisserais pas la tête, je ne leur ferais pas le plaisir de les laisser voir que leurs mesquineries m'atteignent. Nous n'avons aucune raison d'avoir honte. J'ai un titre, vous êtes lord, un jour vous serez comte, et vous serez suffisamment riche pour faire taire les médisances.

– Bientôt vous changerez de discours.

– Et pourquoi donc ?

– Je serais plus pauvre que Job.

– C'est ridicule. De quoi parlez-vous encore ?

– Mon père me déshérite !

Elle se figea.

Il lui expliqua l'ultimatum que lui avait posé le comte. S'il n'épousait pas sa fiancée de longue date, Cassandre Harispe d'Arlon, la fille de son plus cher ami, Bronson le déshéritait.

Toujours assise devant le miroir de sa coiffeuse, Margaret Manning observait son reflet qui lui révélait son regard déterminé et lucide et ce malgré sa colère. Jamais elle n'aurait imaginé que le comte aurait pu vouloir priver de sa fortune son fils unique à qui il vouait une affection notoire. Pourquoi ce Jordan ne l'aimait-il pas ? Elle avait toujours su rendre tous les hommes fous d'elle. Pourquoi aucune de ses tentatives ne semblait marcher sur le comte ? Devait-on y voir une marque de sénilité ? Son cerveau était-il complètement ramolli ? Elle décida d'interroger son amant à ce sujet ?

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now