Chapitre 3 - Un soir de demi-brume à Londres

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– Toi ? Ne me fais pas rire, il fait vingt livres de plus que toi.

– C'est une réflexion vexante Blake. Alors tu lui en mettras une pour moi. Tu me rendras bien ce service ? À quoi servent les amis sinon à régler les problèmes de famille.

Joshua fit craquer ses phalanges.

– Ça peut s'arranger, tu sais que je n'ai jamais pu l'encadrer. Mais j'ai mes propres soucis.

Le géant lui fit un compte rendu de la lettre qu'il venait de recevoir.

– Ta jeune fiancée française se rappelle à ton bon souvenir. Après dix ans, il serait temps.

Aidan, toujours pragmatique, conseilla de rencontrer avant toute chose cette Harispe d'Arlon que lui proposait d'épouser son père afin de la jugée sur pied. Joshua n'aurait qu'à choisir ensuite en toute connaissance de cause qui d'elle ou de Margaret ferait la meilleure épouse. Et si toutes les deux lui convenaient, en épouser une et garder l'autre comme maîtresse.

Le jeune noble n'avait pas envie d'entendre cela. Il lança à son ami un regard furieux qui aurait cloué sur place la plupart des gens.

– C'est que je ferais à ta place Blake. Tu m'as demandé mon avis. Il paraissait extrêmement fier de son idée. Réfléchis avant de commettre une imprudence sur un coup de sang. Pense à ce que tu aurais à perdre en mécontentant ton père. Ta petite romance fait déjà jaser, si la baronne est encore reçue dans le monde c'est seulement parce que la bonne société a le goût du voyeurisme, mais petit à petit les gens respectables lui ferment leurs portes, elle est scandaleuse, c'est ainsi, c'est ce qui fait son charme, mais hélas cela va retomber sur ton nom. Tu t'en rends compte ?

– Mon père te paye-il pour que tu me recraches son discours ? Venant de toi...

– Je ne suis pas issu d'une famille qui remonte aux croisades. Je n'ai aucun titre à transmettre à mes enfants, ni de secrets à garder. Pas de "Sir" à poser à coté de mon nom. Je suis un parvenu d'irlandais, je pourrais mener la vie d'un saint que cela ne changerait rien, car on ne s'attend à rien venant de moi.

S'il ne pouvait pas compter sur son camarade de collège de notoriété publique moralement flexible pour le soutenir aveuglément où allait le monde ? Joshua se mit à lisser ses impressionnants favoris.

– Crois-tu que cette d'Arlon vaille davantage que Margaret. Il y a cent ans sa famille vivait dans les bois comme des loqueteux et ils sont tous plus infâmes les uns que les autres.

– Au moins ont-ils gagné leur titre sur un champ de bataille, pas en écartant les jambes.

Joshua bondit de son siège renversant son verre. Ses yeux jaunes flamboyaient d'une rage mal contenue. Les autres membres du club qui se trouvaient dans la pièce se tournèrent vers eux, curieux de voir ce qui avait pu provoquer cette réaction chez lord Blake.

– Tu as de la chance que je ne souhaite pas me donner en spectacle, sinon je t'aurais collé mon poing dans la figure Aidan.

– Je te dis toujours la vérité. Même si tu ne veux pas l'entendre, les amis sont faits pour cela aussi.

Joshua le quitta en colère en lui jurant de ne plus jamais le revoir.

Il était coutumier de ce genre de réaction mélodramatique. Si Aidan n'allait pas dans son sens, il lui arrivait de ne pas lui adresser la parole durant un bon mois, mais guère plus. Qui d'autre aurait supporté ses sautes d'humeur ?

***

Blake monta d'un pas presque sûr les escaliers de l'élégante maison qui menaient au boudoir de Madame.

Quand les loups se mangent entre euxWhere stories live. Discover now