Chapitre 8

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Elsa fit faire un rapide tour du propriétaire à Loki. Elle lui montra l'intérieur des couloirs, les jardins, les salles de réunion ainsi que la grande salle de réception, pour passer ensuite par la salle-à-manger. Ils arrivèrent enfin devant la chambre de la jeune reine.
– Je dors ici, expliqua-t-elle. Vous avez une petite suite juste à côté, avec chambre, salle de travail et salle-de-bains. Je vous laisse trouver vos marques. Le dîner est à six heures trente précises. Ne soyez pas en retard.
Elle ouvrit sa porte, se retourna à la dernière minute.
– Et interdiction de quitter le palais.
Le battant claqua. Loki sourit. Autoritaire, peu sûre d'elle, puissante mais effrayée. Charmant contraste ! songea-t-il. Cette femme était un mystère pour lui.
Il entendit un bref sanglot, et peu après, un jet de neige filtra sous la porte. Il haussa les épaules. Elle réglerait ses problèmes toute seule. Elle était grande. Et puis, il en avait déjà assez de jouer au baby-sitter avec elle. Une heure ou deux, ça allait, mais la journée entière... Non. Mais il devait feindre. Ça faisait partie du plan, aussi frustrant que cela puisse être.
Il décida de visiter ses quartiers. Après tout, il allait y passer un certain temps. Ah, si seulement il pouvait éliminer cette reine tout de suite ! Mais elle était trop puissante, même pour lui. La scène à laquelle il avait assisté le matin se rejoua dans sa mémoire. Elle avait arrêté Mjöllnir. À la connaissance de Loki, la seule chose qui avait résisté au marteau jusqu'alors était le bouclier de Captain America. Et encore, il avait pris un sacré coup. Au contraire, son mur à elle...
Il secoua la tête. Il n'allait pas rester des heures à penser à cette femme.
– Qu'est-ce que vous fichez ici ?
La voix féminine, à la fois stupéfaite et méfiante, le sortit de ses pensées. Il leva la tête. Des yeux verts qui viraient légèrement au gris, une crinière rousse et bouclée... La Veuve Noire le fixait d'un air particulièrement assassin. Si les regards pouvaient tuer... songea-t-il. Il sourit légèrement.
– En quoi cela vous intéresse-t-il ?
Elle fit semblant de réfléchir.
– Aux dernières nouvelles, vous êtes un criminel ayant essayé de détruire la Terre et censé être derrière les barreaux sur Asgard pour crimes envers l'humanité. Je répète ma question : que faites-vous ici ?
Il ouvrit la bouche pour répliquer. Au même moment, Stark déboula dans le couloir en criant :
– Romanoff ! Romanoff ! Loki est...
Il se figea en apercevant le concerné, qui termina tranquillement :
– Au château.
Son visage calme ne trahissait aucun signe de la haine qui lui dévorait les entrailles. Il haïssait ces prétendus héros qui l'avaient humilié, qui avaient détruit son avenir. Le pire avait été de voir quel profit eux en avaient tiré. Gloire, honneur. Thor en était le parfait exemple.
À la suite de Stark arriva Rogers, Barton sur les talons. Ils faillirent rentrer dans le groupe déjà arrêté.
– La bête n'est pas là ? demanda Loki avec un mépris qui dissimulait sa crainte.
La dernière fois qu'il avait eu affaire à Hulk, il avait fini enfoncé de vingt centimètres dans le dallage de la tour Stark. Bleus, contusions et coupures en bonus.
Personne ne lui répondit. Il décida de prendre ça comme un « oui », mais se fit une note mentale de rester sur ses gardes. Il avait perdu son envie de dire qu'il était en visite de courtoisie.
Ils se fixaient en chiens de faïence depuis plus d'une minute, lorsque finalement, Natasha rompit le silence.
– Je déteste me répéter. Que faites-vous ici ?
Il croisa les bras, un léger sourire aux lèvres. Aucun d'entre eux n'avait ses armes, ce qui ne les empêchait pas d'être dangereux, mais moins que d'habitude. Il s'adossa paisiblement contre le mur. Ils se commencèrent à se rapprocher à pas lents, tout en parlant. Il se fit la réflexion qu'ils ressemblaient à une meute de Chitauris en chasse. Bavards, stupides, et laids.

Des petits pas furieux venant de l'une des chambres se firent entendre. Elsa ouvrit la porte, l'air furieux.
– Vous ne pourriez pas faire un peu moins de bruit ?
Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Elle réalisa soudain ce qui se passait, autrement dit les ambassadeurs de la Terre qui menaçaient son prisonnier.
– Je... cet homme est un criminel, commença à expliquer Hawkeye, perdu.
Elsa répliqua d'un ton mordant :
– Je suis au courant, merci. Mais il fait partie des habitants du château. (Loki se permit un petit sourire impertinent.) Et je crois avoir clairement stipulé hier « pas d'armes ni de combats à Arendelle ».
– Mais... hésita Stark.
– Je vous retrouverai tous ce soir au dîner. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail, et cette aile est réservée à la famille royale.
Des regards étonnés se fixèrent sur le dieu, alors que la reine claquait la porte derrière elle. Sans un mot, il se glissa à son tour dans sa suite, appréciant la petite lueur de peur dans les prunelles des « ambassadeurs ». Il se jeta sur le lit couvert de draps bleus. Le baldaquin se déchira lorsque ses pouvoirs se jaillirent. Les meubles volèrent.
Il haïssait le monde. Il haïssait cette reine, il ne supportait pas sa famille aimante et attentive, totalement contraire à ce que lui avait connu. Il haïssait son frère, qui l'avait envoyé ici, il détestait ses « amis », ces célèbres Avengers qui avaient récolté tant de gloire après l'avoir neutralisé. Il croisa les bras derrière sa tête, et se repassa le plan qu'il avait mis en place. Il ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'il y avait trop d'imprévus pour que ça fonctionne vraiment. Mais, après tout, qui ne tente rien n'a rien, disent justement les (maudits) terriens.
Il resta allongé ainsi presque une heure. En levant soudain la tête, il constata qu'il était six heures vingt-cinq, et que donc, le dîner était dans cinq minutes. Cinq petites minutes durant lesquelles il devait retrouver son chemin dans ce nouveau palais s'il voulait faire bonne impression à sa reine. Il se leva, se glissa dans la salle-de-bains pour redonner un coup de peigne à ses cheveux en bataille, et sortit dans le couloir. Il avait entendu Elsa quitter sa chambre environ une demi-heure avant. Il partit sur la gauche, comme dans ses souvenirs. Puis, il tourna sur la droite, emprunta une volée de marches, et prit encore à gauche. Il tourna la poignée du troisième battant sur sa droite.
Elsa était en train de disposer des petites cartes sur chaque assiette. Un bout de la robe d'Anna dépassait de la porte de la cuisine. Kristoff regardait par la fenêtre. Loki sourit. Il était arrivé pile au bon moment, puisque les pas des « ambassadeurs » se faisaient entendre dans le couloir derrière lui. Il n'hésita pas, et entra dans la pièce.
– Majesté, interpella-t-il, puis-je vous aider ?
Elle leva la tête, surprise de le voir.
– Ah, Loki ! Non, non, asseyez-vous.
Il hocha la tête, mais resta debout derrière sa chaise. Une vieille habitude depuis le temps où il vivait avec Odin. Le souverain s'asseyait d'abord, les autres ensuite. Il observa la disposition des convives. Elsa était en bout de table, et Anna lui faisait face à l'autre bout. Lui-même était à la gauche de la reine, en face de la Veuve Noire. À côté de lui, il y avait Barton, suivi de Rogers, suivi de Stark, et à la droite de Natasha, les cartes portaient les noms d'Olaf, Kristoff. La dernière place, à la gauche d'Anna, était vide.
L'équipe (incomplète) des Avengers déboula à ce moment dans la pièce. Les hommes étaient en smokings, et l'unique femme portait une robe beige clair aux manches volantes avec un profond décolleté en V. Le bas de la jupe était en tulle fine et légère, couverte de paillettes, qui frôlait le sol à chaque pas. Un collier plastron fait de perles noires qui représentait un aigle aux ailes ouvertes était accroché à son cou et mettait en valeur son teint blanc. Ils marquèrent tous un léger temps d'arrêt en le voyant tranquillement accoudé à la chaise, mais essayèrent de continuer comme si de rien n'était.
Anna sortit de la cuisine, et s'arrêta devant sa place. Tous les invités firent de même. Un bonhomme de neige, protégé par un petit nuage duquel des flocons tombaient sans arrêt, les rejoignit, et Elsa s'assit.

Ils mangeaient dans un silence pesant. Ils avaient échangé quelques mots au début, mais la reine était perdue dans ses pensées, et personne ne semblait vouloir la déranger. Loki remarqua rapidement que la femme en face de lui jetait sans arrêt des coup d'œil à Barton. Il sourit, hésita. Finalement, il piqua sa fourchette dans une pomme de terre, et demanda négligemment :
– Agent Romanoff ?
Elle leva la tête de mauvaise grâce. Tous les regards convergèrent vers eux.
– Je vous avais posé une question, il n'y a pas si longtemps. Je me demande si vous pouvez maintenant y répondre.
Elsa leva les yeux à la mention de la rencontre entre ces deux personnes. Elle avait deviné qu'ils se connaissaient tous avant de se voir ici, mais elle ne comprenait toujours pas ce qui les opposait.
– Allez-y, soupira Natasha.
Il s'adossa contre la chaise, lança un regard équivoque à son voisin.
– Est-ce de l'amour ?
Clint Barton, assis juste à côté de Loki, faillit recracher l'eau qu'il buvait. Il commença à s'étouffer, et Stark fut obligé d'intervenir. Pendant ce temps, la concernée réfléchissait en essayant de dissimuler sa surprise.
– Je ne pense pas, répondit-elle enfin. L'amour est une chose futile. De plus, je n'ai pas l'intention de vous dire plus que vous ne devez savoir, puisque vous avez la fâcheuse tendance à tout retourner à votre avantage.
– Merci du compliment.
Il sourit, et reprit son repas comme si de rien n'était. Le silence était encore plus lourd qu'avant. Il avait eu ses réponses. Il suffisait de voir la lueur légèrement blessée dans les yeux de Barton pour comprendre.

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– Je pense que vous avez frappé un peu fort pour une première rencontre, commenta Elsa en montant les escaliers en compagnie de Loki.
– Je pense que ma déduction était juste, répliqua-t-il amicalement.
– Mais la façon dont vous l'avez annoncé était plutôt fracassante.
– Je suis un passionné de théâtre, prétendit-il. Je n'y peux rien !
– Je pense surtout que vous êtes un excellent manipulateur, et que vous êtes tellement concentré sur vos objectifs que vous ne voyez pas que d'autres sont capables de voir à travers votre jeu.
Aie, songea-t-il, ça fait mal. Il devait désormais faire plus attention. Cette reine était décidément trop intelligente.
Il haussa les épaules pour montrer qu'il faisait peu de cas de ce qu'elle sous-entendait. Elle soupira.
– J'ai un mariage à préparer à partir de demain, annonça-t-elle. Vous m'assisterez. Et je vous ajoute en plus le rôle de garde du corps personnel.
– Très bien Majesté.
Elle se détourna. Ils étaient arrivés.
– Bonne nuit, laissa-t-il échapper dans son dos.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 1 : Love above the realmsWhere stories live. Discover now