14. Enora

3.9K 334 52
                                    

Après cet événement, on a décidé de sortir pour parler. Enfin, il a décidé. Pas moi. J'avais envie de continuer à nager dans l'eau. Mais quand il a vue mes cicatrices, toute l'envie que j'avais de nager est disparue. Pourtant j'adore ça, nager. Je me sens libre, dans un autre monde. Comme lorsque j'écoute de la musique dans mon lit, ou comme si je lisais. Quand je nage je pense à autre chose. Je me concentre sur ma respiration, sur le contact de l'eau avec ma peau, sur les bruits sourds en dehors de l'eau lorsque moi je suis dedans. Je me sens apaisé. Je me sens tellement apaisé que j'ai l'impression d'être dans un autre monde. J'ai cette sensation que je n'appartiens pas au même monde. C'est assez difficile à expliqué parce que c'est une sensation spéciale. C'est une sensation que seul moi et les personnes qui sont dans mon cas comprennent.

Louis et moi sommes en train de se doucher dans les douches communes qu'il y a pour qu'on puisse se rincer. On se lave tous les deux, l'un à côté de l'autre, avec un silence entre nous qui est lourd et pesant, malgré le bruit qui nous entoure. Je me sens honteux. Je laisse quelques larmes couler pendant que l'eau coule sur tout mon corps, afin que Louis ne puisse pas les remarquer. Je me sens tellement minable. Louis ne mérite pas tout ce que je lui inflige. Il ne mérite pas de partager mon malheur. Il ne mérite pas de devoir supporter ma tristesse. Il ne mérite absolument rien.

On remonte les escaliers pour aller à nos casiers, on prend nos affaires et partons se changer.
Une fois que nous nous sommes changer, je pars avec Louis vers sa voiture. Il démarre la voiture et part dans le sens contraire de là où nous sommes arrivés.

"Où tu vas ?

- Tu verras."

On arrive une quinzaine de minutes plus tard vers un cimetière. Je ne comprend pas pourquoi il m'emmène là. Je pensais qu'il s'était juste garer là par manque de place et qu'on irait parler au barre qui est prêt d'ici, mais non. On entre dans le cimetière et il est quelque chose comme seize heures. Il me prend par la main, ou plutôt par le poignet. Il me tient tellement fort que je pense que je vais avoir une marque quand il me relâchera. On se faufile entre les tombes de ces pauvres gens morts quand il se stop à un endroit, devant une tombe précise. Enora Williams 1991-2014. Puis je le vois me regarder, en attente d'un signe de ma part. Mais je ne comprend pas. Je ne comprend pas ce que je fais là devant la tombe de cette jeune fille décédée trop tôt.

"C'est qui ?

- C'était ma meilleure amie.

- Pardon..."

Maintenant je sais qui elle est, mais je ne sais toujours pas ce que je fous là.

"Pourquoi tu m'amènes devant sa tombe ?"

Il inspire puis expire assez fort avant de lever les yeux au ciel. Je suis sûre que ce que je vais entendre ne va pas me plaire. Louis semble très mal et à les larmes qui montent à ses yeux.

"Cette fille a été harceler au lycée. Comme toi."

Il commence à pleurer. Des larmes coulent sur ses joues et je ne sais pas ce que je dois faire. Je ne sais pas si je dois le serrer dans mes bras, le rassurer avec de jolies mots. Alors je ne fais rien. Je reste planter là comme un con alors que je devrais rassurer l'homme que j'aime.

"Elle... elle s'est mutilée elle aussi. Comme toi."

Avant j'étais sûre que ce que j'allais entendre n'allais pas me plaire, maintenant c'est certain. Je crois deviner la suite mais je n'ai pas envie que mes pensées soient vrai. Je ne veux pas que ce que je pense c'est réellement passé.

"Et elle a tellement saigné qu'elle en est mor-décédé. Vidée de son sang."

C'est ce que je craignais. C'est bien ce que je pensais. Louis vient de me donner une leçon de moral. Il vient de me faire prendre compte de ce qui peut m'arriver si je n'arrête pas mes conneries. Mais, tout ça n'est pas de ma faute. Ok, c'est de ma faute les cicatrices sur mes cuisses parce que c'est moi-même qui me les ai faites. Mais dans un autre sens ce n'est pas ma faute. Ce n'est pas ma faute car ce n'est pas moi qu'il l'est voulu, parce que je ne voulais pas me le faire. Ce sont ces foutus lycéens qui m'y ont obligé en me faisant craqués après toutes ces insultes, ces humiliations. C'est plus de leur faute à eux qu'à moi. Parce que si je me sentais bien dans mon corps, dans ma peau et dans mon esprit ça ne serait pas arrivé. Et je me sens mal à cause d'eux. Alors c'est de leur faute.
Louis continue de pleurer. Et je ne sais toujours pas quoi faire. Je ne sais toujours pas comment réagir et ça m'énerve. Ça m'énerve parce que Louis sait toujours comment faire. Et moi non. Jamais.

"Je ne recommencerais plus."

Je dis ça parce que je le pense sincèrement. Je ne compte plus recommencer à me tailler les cuisses. Je le dis aussi pour le rassurer. Parce que si je ne lui dis pas et que je ne me taille plus, il ne le saura pas à moins qu'il demande, et il s'inquiétera. Alors je le dis pour le rassurer que ça n'arrivera plus. Et je le dis aussi pour me convaincre moi-même de ne plus le faire.

"Tu me le promet ?

- Je te le promet."

Et je n'ai rien vu venir. Enfin, je ne l'ai pas vu s'approcher de moi. Il s'est rapprochée et à poser sa main sur mes épaules, toujours avec les larmes qui coulent de ses yeux. Et sans savoir pourquoi et comment, je me suis mis à pleurer aussi. Peut-être la pression qui relâche, la pression de ne plus à avoir à le cacher à Louis. Peut-être parce que le voir pleurer me fait pleurer. Oui, je pleure parce que Louis pleure. Je pleure Louis qui doit supporter et affronter la mort de sa meilleure amie Enora. Je pleure Louis et non Enora. Parce que le vivant doit supporter la mort d'un être cher et que le mort s'en fou puisqu'il est mort. Enfin, vous me comprenez.

"Tu ne recommencera plus ?

- Jamais."

Je t'aime Louis. Je ne veux pas que mon malheur soit contagieux alors je vais m'efforcer d'être heureux pour toi. Être heureux pour te contaminer de cette belle maladie qu'est le bonheur.

"Pourquoi tous les êtres qui me sont chers sont malheureux ?" -L

Reasons Why I'm Better / LS / TerminéeWhere stories live. Discover now