Chère mère

149 9 1
                                    

Tout d'abord je tiens à m'excuser pour cette longue absence. Je n'oublie pas cette histoire et j'ai encore pleins de chapitres à explorer. J'ai juste été un peu dépassé par le temps qui file. J'espère publier très vite la suite. Merci de me lire et me commenter fidèlement.
Sans vous, cette fanfiction n'existerait simplement pas.

Georgiana

Chère mère qui ne me connaissez pas, ce bébé que vous avez eu a grandi et est devenu celle que je suis.

Chère mère, je ne sais de vous que ce que l'on m'en a dit, que du bien je vous rassure, une femme forte et cultivée, à qui je souhaiterai tant ressembler.
De votre apparence, j'ai les portraits qui recouvrent les murs de nos maisons de Londres et de Pemberley. C'est ainsi que je vous imagine, distinguée et élégante en toutes occasions. Qu'il me semble difficile d'atteindre cette perfection !

Je pense à vous fort souvent, me demandant ce que vous auriez pensé ou ce que vous auriez pu me conseiller.
Assurément, vous n'auriez pu qu'être fière de votre fils Fitzwilliam, comme je le suis de lui. Il a endossé avec beaucoup de courage toutes les responsabilités dont il a prématurément hérité. À celles de la gestion des domaines qui incombaient précédemment à notre père, s'est ajoutée celle d'être mon tuteur, à un âge à peine plus avancé qu'est le mien aujourd'hui.

Sachez qu'il a donné le meilleur de lui même pour que je ne manque de rien, même si je ne lui ai pas toujours facilité la tâche. Il est pour moi un frère distant mais aimant sur qui je peux compter. Mais il est temps maintenant qu'il pense à vivre sa propre vie, son propre chemin avec quelqu'un d'autre à ses côtés, qu'il fonde une famille et, à son tour, perpétue le nom des Darcy.

Qu'auriez vous donc pensé de son choix hors du commun d'épouser Miss Elisabeth Bennet? Auriez vous été séduite par sa spontanéité ? L'auriez-vous comme moi tout de suite appréciée ? À l'instar de vous, sera t'elle à la hauteur de devenir la nouvelle maîtresse de Pemberley ?

Chère mère, aujourd'hui particulièrement vous m'avez manqué alors que je m'apprêtais à faire mon entrée dans la haute société. Vous avez laissé ici votre empreinte et il est parfois difficile, de vous, être comparée. Heureusement, en l'absence de ma dame de compagnie, j'ai trouvé en Mrs Gardinier une oreille attentive et attentionnée, un bras auquel m'appuyer lors de notre arrivée.

L'opéra était tel que je l'imaginais, grand, imposant et richement décoré. Mais je ne pus admirer longuement la beauté du hall tant la foule s'amoncelait.
Fitzwilliam et sa fiancée nous précédaient et à peine avaient-ils franchis la première salle, qu'un silence se fit. Je savais que mon frère était connu à Londres mais j'ignorais que, dans ce lieu dédié aux divertissements pour lesquels il n'a jamais été un habitué, on le reconnaisse aussi aisément. Son nom était chuchoté sur toutes les lèvres de ceux qui le dévisageaient et reculaient à son passage. Et ces mêmes bouches se questionnaient particulièrement sur l'identité de celle qui l'accompagnait.

Est-ce bien Mr Darcy?
– Il a changé, regardez, il a souri !
– Qui donc est-elle?
– La connaissez-vous, mère?
– L'avez-vous déjà vue ?
– Elle doit être étrangère assurément !
– Et cette tenue !
– Je me demande où elle l'a fait faire...
– Certainement pas à Londres !
– Elle ne porte même pas de plume.
– Elle semble bien sûre d'elle !
– Qu'a-t-elle plus que moi ?
– Regardez, elle porte une bague !
– Les rumeurs disaient donc vrai ?
– Pourtant elle n'a rien d'une pauvresse...
– Une coureuse de jupons assurément.

Les voix féminines furent les premières à cancaner, puis celles plus masculines arrivèrent à nos oreilles, plus railleuses et admiratives :

Sacré Mr Darcy, regardez ce qu'il nous amène !
– Moi je la trouve plutôt jolie.
– Où a-t-il pu bien pu dégoter une telle perle?
– Elle doit avoir quelque chose de particulier pour avoir réussi à le capturer.
– Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas vu.
– Est-ce dans sa campagne qu'on trouve de telles beautés?
– Si c'est le cas, je m'en vais moi aussi faire un séjour en Derbyshire !
– Darcy bientôt marié? La soirée sera moins ennuyeuse que je le pensais.
– Il en aura mis du temps pour la trouver mais à présent la voie est libre, mon cher !
– En effet, ce soir nous aurons des âmes esseulées à consoler !

Mère, dites-moi comment réagir face à une assemblée qui vous toise, vous juge et commère dès que vous avez le dos tourné ?

Elisabeth se tenait droite, voir un peu raide. Elle avait la main gantée posée sur celle que mon frère lui tendait. J'admirais son courage d'affronter cette marée dont elle n'était pas accoutumée     et la traverser avec tant de distinction. De mon côté, j'étais égoïstement soulagée de ne pas être le sujet de ces multiples conversations. Ma robe sage, mon anonymat, la compagnie de Mrs Gardinier et la distance que nous avons gardé nous en ont protégé.

Arrivés en haut du grand escalier, nous avons retrouvé nos amis. Miss Bennet nous confia trouver sa robe bien trop simple au regard des toilettes que les autres dames portaient. Elle admira le collier de sa sœur et nous apprit à toutes deux qu'un certain Earl était également ici.

Alors que nous nous engagions dans la galerie, je le reconnus de dos, galamment entouré de plusieurs demoiselles qui le flattaient. Avec ces préparatifs et cette entrée, je n'ai guère eu le temps d'y songer mais en entendant Mr Bingley relater en souriant comment cet homme avait traité les demoiselles qui l'accompagnaient, je me suis félicitée intérieurement de ne lui avoir point consacré davantage de temps à mes pensées.

La loge était grande et Elisabeth me pria de m'assoir à ses côtés. Depuis mon siège je pouvais admirer de haut l'entièreté de la salle et de la foule qui prenait place progressivement. Je ressentais une certaine effervescence à assister à un tel événement. La pièce qui allait être jouée était Tancredi, un opéra italien en deux actes de Gioachino Rossini qui n'avait encore jamais été joué en Angleterre mais les articles que j'avais pu lire à son sujet étaient tous élogieux.

Alors que je relisais pour la troisième fois le livret afin de me remémorer les passages, Elisabeth me fit signe de lever la tête. En face de nous, dans une loge semblable à la nôtre, trônaient le Comte Graham et une dame vêtue de noir, que je supposais être sa mère. Autour et derrière eux, étaient installées les demoiselles dont il s'était ouvertement moqué quelques instants plus tôt. À cet instant, le comte regarda dans notre direction, sembla me fixer, sourit et me fit un signe de la tête. Troublée sans vouloir l'être, je déviais mon regard sur le rideau rouge qui n'était pas encore levé, feignant de ne pas l'avoir remarqué.

Dans la pénombre, je me suis amusée à observer mes compagnons de loge. Mon frère était tout à la fois distrait et fier, caressant discrètement la main d'Elisabeth. Cette dernière, probablement un peu troublée, essayait tant bien que mal de suivre les scènes qui se succédaient et me demandait conseil car j'étais la seule à connaître la langue de Dante. On pouvait voir sur son visage qu'elle était curieuse de tout ce qui l'entourait et que tout l'amusait, tant le lieu, le public que la pièce qui était jouée.

Mrs et Mr Gardinier, flattés de l'invitation, s'étaient installés derrière moi, Mr Bingley et sa fiancée à leurs côtés. L'oncle s'endormît au second acte, tandis que Charles luttait pour ne pas l'imiter. Jane, intimidée et droite, semblait gênée de ne pas être là où elle devrait.

Ô chère mère, très bientôt j'aurai l'âge d'entrer moi aussi dans ce monde et j'ignore si je dois m'en réjouir ou m'en inquiéter. Je vais devoir être présentée à la reine sans vous avoir à mes côtés. Et comment trouver l'homme qui partagera ma vie sans vos conseils ? Comment égaler la félicité qu'a atteint mon frère ?

Par le passé, ma confiance a été abusée par un homme qui était bien sous tous les aspects. Filleul de feu notre père, vivant à Pemberley, vous-même connaissiez sûrement sa famille, rien en lui ne m'a fait douter que, derrière ses belles manières et son visage parfait, se cachait un tel bonimenteur, un homme que je n'aurai jamais dû fréquenter.

Cette aventure, dont j'en garde toujours une profonde honte aujourd'hui, m'a apprit une leçon de vie, celle de me méfier. De me méfier d'abord de moi même et des hommes qui voudraient m'approcher. Qu'ils soient gentlemen, comte ou rentier.

Orgueil & Conséquences Where stories live. Discover now