Orgueil & Conséquences

Dame d'honneur

Mrs Annesley

Après une nuit inconfortable et un réveil difficile, il était temps pour moi de me ressaisir. Je ne dois pas oublier que je suis qu'une employée et bien que le maître de maison soit un homme juste, je ne peux abuser de sa bonté.

La visite de Mr Darcy, les traitements d'un médecin déplacé juste pour moi, les bons soins de la jeune Lucy et le bouillon monté jusque dans ma chambre, tout cela est bien plus que ce dont je suis habituée.
Il était grand temps de me lever et me préparer.

Arrivée au palier en clopinant, Lucy m'aperçut et s'exclama:

– Mrs Annesley, vous êtes levée ? Vous auriez dû me sonner pour venir vous aider !
– Ne dites pas de bêtises, je vais déjà mieux et je ne suis pas une invitée. Où est Mr Darcy, est-il déjà sorti?
– Je l'ignore... Elle regarda par dessus mon épaule et demanda : Mr Herbert, savez-vous si le maître est encore ici?

Je me retournais et vis le valet, surpris de me voir debout devant lui.

– Oh, bonjour Mr Herbert, pardonnez-moi, je ne vous avez pas vu !
– Bonjour Mrs Annesley. Mr Darcy est dans son bureau, vous souhaitez une entrevue?
– Oui, j'ai besoin de lui parler.
– Retournez dans votre chambre, je vais le prévenir. Dit-il avec gentillesse.
– Non, je ne peux lui imposer de monter, je vais descendre.
– Mais vous ne pouvez poser votre pied à terre... enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre, fit-il gêné. Puis il s'adressa à la bonne:
– Miss Lucy, allez donc chercher une des canes de feu Mr Darcy qui se trouvent dans le vestibule, je vais aider Mrs Annesley à descendre les escaliers.

Et c'est ce qu'il fit, avec beaucoup de respect et de délicatesse. J'ai apprécié qu'il n'essaie pas de m'en dissuader mais je dois avouer que cette promiscuité m'a quelque peu troublée. Avec mon accord, il avait passé un bras autour de ma taille et m'avait tendu l'autre sur laquelle je m'étais agrippée pour ne pas tomber.

Nous arrivâmes en silence au bas du second escalier. J'étais un peu essoufflée mais je présumais que cela était dû à l'effort que je venais de fournir. Je n'avais pas remarqué qu'il avait gardé ma main dans la sienne jusqu'à ce que Lucy s'approche avec une cane en bois verni. Il la retira prestement et en silence avança jusqu'à la porte du bureau pour avertir Mr Darcy. Je le suivis en me tenant sur la cane maladroitement.

Je n'ai pas souvent eu l'occasion d'être reçue dans le bureau du maître de maison. La première fois, je m'en souviens, fut lors de mon premier entretien. L'homme qui se tenait alors devant moi avait la mine sévère, méfiant, pointilleux. Il prenait à cœur la réputation de sa sœur et exigeait pour elle ce qu'il y avait de mieux. Je n'étais pourtant guère novice et connaissais la maison de réputation, mais je n'en étais pas moins impressionnée par ce jeune homme déterminé.

A présent, je pourrais sans hésiter affirmer que Mr Darcy a changé. L'homme se leva de toute sa hauteur à mon incursion, me gronda légèrement sur le fait de vouloir marcher, me pria de m'assoir dans un fauteuil et me rapprocha même un repose pied. Par ces gestes et ses intentions je remarquais qu'il m'avait désormais acceptée dans la sphère très privée de ceux à qui il a donné sa confiance et une certaine forme d'affection. Je n'en suis que plus reconnaissante et flattée.

Il me demanda ce dont je voulais l'entretenir et, en préambule, je le priais de m'excuser des désagréments que je lui causais. Puis nous en vîmes à l'évènement de la Maison Taylor. Sa sœur l'en avait informé mais je souhaitais lui faire part de mon ressenti.

– Je tiens d'abord à vous rassurer qu'à aucun moment le comportement des miss Bennet ou de leur parente n'a été inconvenant.
– Je n'en doute aucunement, dit-il d'une voix sérieuse en s'asseyant derrière son bureau.
– Ces dames admiraient les étoffes, les modèles exposés et complimentaient même l'agencement. Dès qu'elle nous aperçut, la tenancière nous jaugea d'emblée de la tête aux pieds et se rua sur nous sans que je puisse la réfréner. Elle a haussé le ton si fort que nous en fûmes toutes bouches bées.