Le collier

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Lizzie

Je présageais qu'épouser Mr Darcy allait fondamentalement changer ma vie, mais le jour où j'ai dit oui, je ne me doutais pas de l'ampleur du revirement. C'est un peu comme un voyage dans un monde complètement inconnu, avec ses usages, ses codes, ses langages et ses coutumes qui m'étaient complètement étrangers.

C'est ce que voulait m'expliquer Mr Darcy lorsqu'il a demandé un entretien privé chez les Gardinier. Sa demande à brûle-pourpoint a surpris plus d'un alors qu'il venait de nous parler de l'opéra.

Mon oncle, toujours aux petits soin pour mon fiancé nous a conduit dans son bureau pour plus d'intimité, en veillant évidemment à garder la porte ouverte afin de rester convenant.
C'est en rougissant d'avance que je suivis Monsieur Darcy dans ce lieu si exigu. Certes la pièce n'est pas bien grande avec son unique fenêtre donnant dans la cour mais elle est surtout fortement encombrée de portes-documents et de nombreux dossiers, témoignages des années de labeur de son propriétaire.

Lorsque nous fûmes seuls, je me mis à sourire en pensant au baiser qu'il allait sûrement me voler. C'est un petit jeu que nous avons créé au cours des derniers jours. À chaque moment propice, nous profitons de nous approcher et si possible nous toucher. Que ce soit nos doigts qui se frôlent en servant une tasse de thé, une main tendue pour m'aider à monter ou descendre d'une hauteur, un frôlement lorsque nous marchons ou parfois mêmes nos mains entières liées sous la table lors d'un repas.  Et si l'occasion nous est donnée, dans un endroit isolé, c'est un baiser qu'il dépose sur ma main, mon poignet, mon front mais aussi parfois plus osé sur mes lèvres. J'apprécie énormément ces petits moments d'intimité qui démontre la teneur de son affection et son côté joueur que moi seule doit connaître.

Mais l'homme face à moi ne semblait guère à cet instant vouloir jouer. Il avait ce regard sévère qui ne présage rien d'agréable à annoncer. Il me pria d'un geste de m'assoir sur le seul siège alors qu'intérieurement je commençais à m'inquiéter. Avait-il quelque mauvaise nouvelle ?

Je le voyais hésitant, me fixant. Il prit une inspiration et dit:
Elisabeth, je... je vous prie de m'excuser pour ce qu'il s'est passé à la maison Taylor.
Vous... fis je, surprise. Vous n'avez rien à vous faire pardonner! Ce serait plutôt à cette personne de le faire.
– Cette personne vous a jugée sans savoir qui vous étiez et j'aurai du...

Je retrouvais le Monsieur Darcy qui cherche ses mots, qui balbutie, celui qui a du mal à se confier. Je le regardais avec tendresse et, par mes taquineries, tentais de le rassurer:

Cher monsieur, dans toute communauté quelle qu'elle soit, il est habituel de critiquer sans prendre la peine de connaître. Il me semble que vous, tout comme moi, en avions fait les frais ! Lui lançais-je en souriant.

Il comprit l'allusion à sa remarque à mon propos au bal de Meryton mais également à la méprise que j'avais eu jadis sur ses sentiments. Il me sourit, visiblement plus détendu. Il relâcha ses épaules, fit un pas vers moi, me prit la main et admira longuement la bague à mon doigt avant de reprendre la parole.

Justement, la dite bonne société dans laquelle je m'apprête à vous introduire risque fort de s'arrêter à cette première impression. Et, croyez-moi, elle est bien moins compréhensive que celle de Meryton !
Voyez-vous, aucune demoiselle n'a jamais été vu à mon bras et les regards risquent fort d'être dirigés sur vous.

L'épreuve ultime, en quelque sorte? Je serais perçue comme l'opportuniste qui a volé le cœur indomptable du fier Mr Darcy ! Lui répondis je avec humour, même si ces mots me bouleversaient bien plus que je ne voulais montrer.

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