La suivante

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Mary

La vie calme et plaisante à Longbourn n'a guère duré. Entre le jour béni où Lydia est partie vivre loin d'ici avec son mari et le retour des locataires de Netherfield, bien trop peu de temps, hélas, s'est écoulé.

Alors que les ragots sur les circonstances du mariage de notre plus jeune sœur commençaient à peine à s'estomper, voici que deux nouveaux prétendants franchissaient l'entrée. Deux petits « oui », et toute notre famille est chamboulée !

Je n'ai rien à redire sur mes futurs beaux frères, ils possèdent les qualités que nos parents semblent leur désirer. Il faut dire que mes sœurs aînées ont été exemplaires à ce sujet.

J'admire particulièrement Jane qui a réussi, quoiqu'il arrive, à garder son calme, elle mérite pleinement le bonheur qui l'attend. Même si, selon mère, Bingley pour se déclarer a pris bien trop de temps.

D'ailleurs notre mère certifie à n'en point douter, qu'ils seront heureux si près d'elle pour les aider. Netherfield n'est qu'à une lieue d'ici et elle se voit déjà s'occuper de leurs petits, présageant qu'ils seront aussi beaux que leurs parents.

Concernant Lizzie, mère émet un avis bien plus ambivalent. Elle aurait, selon elle, bien caché sa perfidie et qu'obtenir l'attachement d'un tel prétendant était bien loin de ce qu'elle s'était imaginé pour sa destinée. Selon ses dires, un Darcy ne vaudrait pas un Bingley mais compenserait sur bien d'autres attraits.

Mère est ainsi, mais j'espère grandement qu'elle saura garder ses désobligeantes réflexions loin des invités. J'avoue ne pas avoir complètement cerné le futur mari de Lizzie mais je ne pourrais favoriser Mr Bingley de son ami.

J'ai toujours trouvé Mr Darcy plaisant à regarder et bien plus pondéré que Mr Bingley. Il semble sobre, réfléchi et instruit. Il ne cherche pas se faire aimer à tout prix. Il doit être indéniablement un homme pieux et chaste comme l'est Mr Collins!

Je suis sincèrement heureuse de l'avenir qui attend mes sœurs aînées. Elles accomplissent toutes deux ce à quoi elles sont destinées, tout en soulageant nos parents d'une certaine forme de précarité.

Mais me concernant, ce double hyménée accélère le cours des choses et le décompte des filles Bennet restant à marier. Je suis la suivante, comme on ne cesse de me rappeler. Depuis, je n'arrête pas de m'interroger.

En aucun cas, Lydia n'est un exemple à suivre ! Et je préfère ne pas m'épancher sur ses manquements qui ne feraient qu'accroitre mon mépris envers elle et son mari.
L'exemple de Jane serait de m'apprendre la patience et le dévouement, mais qu'en est-il de celui de Lizzie?
Elle est, certes, intelligente et cultivée et a, comme moi, un sens très pointu de la famille et de la moralité. Cependant je l'ai toujours trouvé un peu trop intrépide. J'espère que Mr Darcy arrivera à dompter son effronterie et sa fierté.

Il reste Kitty, notre petit Catherine, qui change doucement. Son visage reste celui d'une petite fille mais son corps devient femme en même temps. J'ai beau vivre à ses côtés quotidiennement, je n'en suis pas proche pour autant. Lorsqu'on est une grande sœur, on ne voit point les plus jeunes grandir mais rester pour toujours des enfants.

La sororité est une chose bien étrange. Nous formons une même famille, avons les mêmes parents, nous vivons sous le même toit mais nous demeurons, sommes toutes, très différentes. Il est à chacune de trouver sa place à prendre. Maintenant que nous ne serons plus que deux, qu'elle sera ma voie?

En attendant le jour où mes aînées partiront pour leur destinée, nous avons eu la prestigieuse visite de Miss Darcy qui séjourne avec son frère à Netherfield. Quelle délicieuse jeune femme! Au début, je me suis montrée méfiante, pensant avoir à faire à une personne semblable à Miss Bingley, mais c'était me leurrer !

Malgré sa haute condition et sa toilette très soignée, elle s'est avérée timide et très polie. Elle a semblé d'abord embarrassée par la réaction extravagante de mère mais a très bien réagi. Elle a hérité des traits plaisants de son frère et ne prend aucun air. Elle a été manifestement ravie de retrouver Lizzie et l'a abordée comme une amie.

Puis Lizzie nous a vanté ses talents de pianiste et là, j'avoue, avoir senti une pointe de jalousie. Mais la demoiselle s'est ensuite adressée à moi, visiblement informée de mon même attrait pour les touches blanches et noires. J'ai été touchée que ma sœur ait parlé de moi, elle qui ne cesse de me demander d'arrêter de jouer.

Depuis, à chacune de ses visites, Miss Darcy m'a consacré un peu de son temps à parler ou jouer du piano. Je dois avouer qu'elle est bien plus experte que moi grâce à ses années d'instruction que je n'ai pas eu la chance de recevoir. Elle m'a appris quelques accords, à corrigé mes placements de doigts.

J'espère que nous pourrons devenir amies, même si bientôt, dans son natal Derbyshire, elle retournera.

Orgueil & Conséquences Où les histoires vivent. Découvrez maintenant