Play With Me - TOME 1

-Chapitre 55-

Jin rangea le dernier carton de livres reçu dans la journée, dans la réserve de l'arrière-boutique. Il fila à son vestiaire pour y déposer son badge, et enfiler son manteau. Il était huit heures moins cinq, et depuis les deux dernières heures, son regard n'avait pas lâché la grosse pendule accrochée au-dessus du comptoir de la caisse. Les aiguilles semblaient d'être figées dans le temps, comme si elles essayaient de narguer le grand châtain, et il aurait presque pu jurer les avoir vu courir dans l'autre sens.

Alors quand il fut à dix minutes de la fin de son service, que la boutique était vide, et que tous ses collègues avaient quitté le travail, il rangea les derniers stocks, et fila s'habiller avant que Lilas n'arrive. Une boule d'angoisse se forma dans sa gorge, et la peur envahit son ventre. Et si elle ne venait pas ? Si finalement, elle ne voulait pas s'encombrer d'un type comme lui pour dîner ? Mais alors qu'il enfilait son écharpe, la cloche tinta, annonçant l'arrivée d'un client.

Jin lissa ses cheveux face à son petit miroir suspendu sur la porte intérieure de son casier, puis il éteignit la lumière pour se diriger vers l'avant de la boutique.

— Bonsoir...

Lilas était là, exactement comme ce matin, dans la même tenue, à la différence prêt, que son rouge à lèvres s'était effacé au cours de la journée, et que ses cheveux paraissaient plus en désordre sous son bonnet de laine. Elle frotta ses mains l'une contre l'autre, et ses grands yeux noirs brillèrent en se posant sur Jin.

— Bonsoir ! je suis là... dit-il en éteignant les lumières.

La pénombre les gagna, et ils sortirent tous les deux sur le trottoir. Jin ferma la porte de la boutique à clé, prenant bien soin de verrouiller toutes les serrures.

— Alors, je vous emmène ?

— Oui, j'vous suis...

— Je suis vraiment désolé pour hier... je ne suis pas comme ça... vraiment, ça me gêne que vous puissiez penser que je suis une hystérique complètement cinglée ! dit-elle dans un rire, mêlé de gêne.

— Non, ce n'est pas ce que j'ai pensé, ne vous en faites pas.

— Ah, ça me rassure, dit-elle, soulagée.

— J'ai simplement pensé que vous manquiez cruellement d'éducation, pour vous adresser aux inconnus de la sorte.

Le teint de la jeune femme devint livide, et elle se mit à rougir violemment, essayant de bafouiller, avant que le rire de Jin ne lui parvienne aux oreilles.

— Vous verriez votre tête !!! dit-il en se cachant la bouche de la main, c'est hilarant !

La jeune femme pouffa légèrement.

— Votre humour est... particulier.

— Oui, on me le dit souvent.

— Oh, c'est ici ! dit-elle en s'arrêtant devant un minuscule restaurant.

La devanture ne payait pas de mine, et était presque invisible, si bien que si on ne connaissait pas l'endroit, on aurait pu passer devant sans se rendre compte qu'un restaurant se tenait là. Lilas poussa la porte et monta la petite marche qui se tenait devant, puis salua la jeune femme qui se tenait face à elle. Elle lui demanda une table pour deux, et dans la minuscule pièce qui faisait office de salle à manger, elle les installa pile devant la fenêtre, sous une guirlande de lumières.

Jin ôta son manteau, et s'installa face à Lilas. Il ne pouvait pas croire qu'après tout ça, il se tenait enfin face à elle, et qu'il s'apprêtait à dîner en sa compagnie. S'il avait su, il l'aurait agacé bien plus tôt, si ça lui avait permis de la revoir.