🌲 Chapitre 11.3 🌲

Depuis le début
                                    

— J'imagine. Oh, avant que tu ne partes, attends !

Alors qu'il s'apprêtait à quitter les lieux, Soarën suspend son geste et adresse un regard interrogateur à Yule par-dessus son épaule. Le Lutin abandonne son ménage et file quelques instants derrière son comptoir. Alors qu'il semble fouiller dans un meuble, sa petite voix criarde résonne dans la salle :

— J'ai fait un passage dans la chambre pendant que vous vous amusiez...

— Quoi ?! glapit Soarën.

— ... et j'ai récupéré tes pierres, poursuit tranquillement Yule. Je ne me rappelle pas que tu les lui aies offertes, n'est-ce pas ? Je me doute qu'elles doivent l'intéresser pour ses préparations alchimiques ou je ne sais quoi. Mais la place de ces cailloux est dans tes poches, pas dans celles de la demoiselle ! Pas de vol chez moi, c'est la règle.

Alors comme ça, même complètement ivre et drogué, Yule parvient à garder un œil sur tout ce qui se passe entre les murs de son établissement... Soarën reste muet, ne sachant pas comment réagir, oscillant entre la colère, l'outrage et la gêne, mais aussi la reconnaissance. Il finit par se composer une mine parfaitement neutre, comme s'il se fichait bien de savoir que le Lutin l'a vu en pleins ébats sexuels. Celui-ci revient à ses côtés et dépose dans sa main les deux petites pépites d'argent dont le vieux Leo lui avait fait cadeau à Obwald, il y a désormais bien des années. Il n'a jamais trop su quoi en faire, et les a conservées depuis tout ce temps. Il remercie Yule du bout des lèvres et fixe pendant un instant les minuscules minerais qui roulent au creux de sa paume gantée, avant de les ranger dans sa poche.

— Si tu as une idée derrière la tête pour ces pierres, tu peux toujours passer voir Rhéa avant de partir. Elle est un peu plus haut dans la ruelle, tu verras son enseigne, impossible de la louper !

— Rhéa ? Pourquoi faire ? s'étonne Soarën.

— Cette question ! C'est la meilleure forgeronne d'Hermelin, mon gars. Même les Humains viennent se fournir chez elle, tu réalises ? Mais ça ne les empêche pas de parler dans son dos. J'ai l'impression que ces idiots ne changeront jamais ! Heureusement qu'il y a quelques exceptions, dommage qu'elles soient si rares.

L'Elfe hoche la tête, tout à fait d'accord avec lui. Il remercie Yule une dernière fois pour son accueil, puis le salue et quitte le Repaire Secret. Bien qu'il n'ait toujours pas la moindre idée de ce qu'il compte faire de ces pépites d'argent, contrairement à ce que croyait le Lutin, ses pas le mènent jusqu'à un grand atelier étouffé entre quatre épais murs de pierre. Un marteau s'y acharne avec fracas contre une enclume, agressant l'audition sensible de Soarën. La chaleur qui y règne est suffocante, mais il n'en souffre pas. Ce n'est pas le cas de la Centaure qui y travaille. Soarën comprend maintenant pourquoi son poil isabelle est tondu presque à ras, et pourquoi son court bustier en cuir noir est le seul vêtement qu'elle porte.

Il la détaille un peu mieux, n'ayant pas eu l'occasion de le faire à leur rencontre, la veille. Ses épaules robustes n'ont rien de féminin, et ses bras puissants sont assurément ceux d'une forgeronne accomplie. Un large brassard métallique qu'elle a sans doute forgé elle-même enserre son biceps gauche, sans que cela ne semble la gêner. Ses cheveux blonds méchés de noir, accordés à sa robe et à ses crins, sont attachés en une longue queue de cheval qui colle à son dos en sueur.

Absorbée par son ouvrage, elle est si concentrée qu'elle n'a pas remarqué sa présence. Soarën sourit avec nostalgie : elle lui rappelle son père Ylendar ou encore son ami Ötellan, les Artisans. Comme eux, sa passion pour son métier se ressent dans le moindre de ses mouvements, à chaque inspiration qu'elle prend, à chaque coup porté sur le fer rouge malléable qui se courbe selon ses désirs sous ses assauts répétés.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant