🌲 Chapitre 1.3 🌲

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Tous les jeunes Elfes ont pris la poudre d'escampette à la fin du cours, sauf Soarën, qui est resté pour aider son père à ranger la hutte des Bourgeons qui leur sert de salle de classe. À eux deux, ils remettent les lieux au propre en une demi-heure. Tandis qu'Ylendar se frotte les mains, satisfait du travail accompli, son fils l'interroge :

— On rentre ?

L'enseignement a duré jusque tard dans la journée, et la nuit commence à tomber. Il est amplement l'heure pour son père d'abandonner son rôle de Maître Artisan pour réendosser celui du chef familial. Mais Ylendar secoue la tête. Il s'essuie le front du revers de la main, et glisse ses doigts encore teintés de glaise brunâtre dans ses cheveux humides de sueur.

— Le Conseil se réunit, ce soir. Je ne sais pas pour combien de temps nous en aurons... Vous n'avez qu'à dîner sans moi.

— On t'attendra, lâche Soarën avec nonchalance. Tu sais bien que maman tient à ce qu'on mange tous ensemble, le soir. C'est le seul repas où on peut se voir.

— C'est vrai, reconnaît Ylendar en esquissant un sourire fatigué.

Remarquant la mine sombre de son garçon, il pose une main sur son épaule.

— Ne fais pas cette tête, Soa. Tu t'es bien débrouillé, aujourd'hui.

— Peuh, tu parles ! Battu à la poterie par un idiot qui confond les rossignols et les tourterelles... Je suis ridicule, grogne Soarën en serrant les poings.

— Pas autant que tu le penses. Après Ötellan, c'est toi qui as réalisé les meilleurs vases cet après-midi.

Le jeune Elfe hésite une seconde avant de relever vers son père un regard empli de doutes. Sa mâchoire crispée durcit ses traits et il recule ses mains derrière ses cuisses pour dissimuler ses ongles nerveusement enfoncés dans le cuir qui recouvre ses paumes. Mais le visage de son aîné n'exprime aucune intransigeance ni marque d'impatience.

— Arrête... Je ne suis pas doué pour la poterie, je n'ai aucun talent...

— Tu en as, Soarën. Tu sais bien que les Elfes sont naturellement polyvalents. Tu n'es pas moins bon que les autres. Je te le garantis, et c'est un Maître Artisan qui te parle, pas seulement ton père.

Il hoche la tête mais reste silencieux. Ylendar pousse un discret soupir, lui adresse un dernier sourire pour lui remonter le moral, puis le salue et quitte les lieux pour se rendre au Firmament. Soarën fait quelques pas jusqu'au seuil de la classe et lève la tête pour observer son père se déplacer dans la végétation. Une fois le plus grand pin atteint, le Maître Artisan disparaît dans les ombres de son manteau d'aiguilles.

Rêveur, le jeune Elfe reste planté là durant plusieurs minutes, se demandant comme toujours à quoi ressemble le Firmament. Son père le lui a un jour décrit comme une vaste plate-forme soumise à l'immensité du ciel, que le soleil couchant fait se transformer en mer de feu, et les reflets de la pleine lune, en océan d'argent. C'est à cet endroit que se réunit le Conseil des Elfes de Telendriss, regroupant les plus anciens membres de leur peuple, ainsi que tous les Maîtres. Ils y débattent de sujets concernant la forêt et l'avenir du village. Et lorsque des décisions importantes sont prises, alors les Veilleurs en informent le reste des Elfes dès le lendemain.

Soarën fait un détour par les huttes des Préparateurs avant de rentrer, mais il n'y trouve personne : contrairement à son père, sa mère n'a pas tendance à s'éterniser aux Bourgeons au-delà de ses horaires de travail règlementaires. Elle a toujours mis un point d'honneur à faire la part des choses entre les devoirs de sa caste et sa vie familiale. En constatant son absence dans les huttes des Préparateurs, Soarën se mordille la lèvre inférieure et s'empresse de filer chez lui. Il a certes un bon quota de marge, mais s'il rentre trop longtemps après elle, cela risque de ne pas lui plaire. S'ils doivent passer la majeure partie de la soirée seuls tous les deux en attendant que son père revienne du Conseil, autant qu'elle soit de bonne humeur !

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant