🏹 Chapitre 6.3 🏹

9 3 0
                                    

Ce matin-là, Arëndrill n'a pas besoin de réclamer le silence. Tous les apprentis Traqueurs deviennent muets dès que Soarën apparaît sur la place d'Érable, flanqué de Funest et de Discorde. Leur Maître annonce qu'il n'est que partiellement rétabli : il revient suivre les cours, mais ne participera pas aux mises en pratique pour encore quelques jours. Puis la leçon démarre. Cependant, ses élèves sont inattentifs et il est obligé de les rappeler à l'ordre de nombreuses fois. Bien que discrets, tous les regards sont tournés vers Soarën ou l'un de ses deux Compagnons.

D'ordinaire, les animaux se regroupent un peu plus loin sur la place afin de laisser les Elfes se concentrer. Funest n'ose pas quitter l'apprenti Traqueur, mal à l'aise, et reste couché auprès de lui toute la matinée, les oreilles et la queue basses. Discorde se sent plus assurée grâce à ses progressions grammaticales. Avec curiosité, elle s'approche donc des autres Compagnons. Elle ignore les quadrupèdes et les reptiles pour s'intéresser aux oiseaux, qui partagent son langage. Mais tout comme Soarën avec ses camarades, l'accueil est glacial.

— Bonjour, les salue-t-elle timidement.

Elle veut s'approcher ; un hibou grand-duc lui barre la route. Il fait deux fois sa taille, aussi bien en hauteur qu'en largeur.

— Pars d'ici, ordonne-t-il dans un hululement grave.

— Mais je suis avec...

— Nous le savons, croasse une corneille qui n'a pas l'air davantage amicale. Le démon fou est ton Compagnon.

— Lui n'est pas un démon et pas fou !

— Tu ne sais même pas parler, lâche le hibou avec dédain. Pars d'ici avant qu'on ne s'occupe de toi, chouette noire.

— Je m'appelle Dis...

— J'ai dit : pars !

Le grand-duc ébouriffe ses plumes, menaçant, ce qui le fait doubler de volume et devenir encore plus massif qu'il ne l'était déjà. Du coin de l'œil, Discorde remarque que l'un des Elfes censé écouter le Maître Traqueur hoche discrètement la tête. Sans doute le Compagnon de ce hibou mal luné. L'effraie ombrée préfère battre en retraite. Elle ne tente plus la moindre approche envers les autres animaux de la place d'Érable et passe les heures suivantes avec Funest, aux côtés de Soarën. Elle tente parfois de s'envoler pour aller se percher dans les branchages environnants, mais elle se fait toujours chasser par un autre Compagnon d'Elfe. Posée au sol près de la tête de Funest, elle chuinte tout bas, agacée. Fichus rapaces diurnes qui croient que le moindre arbre leur appartient !

Soarën a suivi de loin les mésaventures de sa chouette. Après avoir mis un moment à s'habituer aux regards posés sur lui, il a réussi à se concentrer sur le discours d'Arëndrill. Sa seule hâte est à présent que ses blessures aux épaules soient enfin guéries, pour qu'il puisse reprendre les mises en pratique de l'après-midi. Il lui tarde de retourner errer dans les feuillages et les frondaisons ! Il a l'impression qu'il ne saurait être à sa place nulle part ailleurs. Au moment où cette pensée le fait sourire, il sent un petit coup de museau dans son coude. Cessant de rêvasser, il baisse les yeux vers Funest qui le fixe d'un regard malheureux, attristé qu'il songe à l'abandonner tout seul sur la terre ferme. Soarën s'excuse en le grattant gentiment à la base des oreilles. Le loup adore ça.

L'heure du midi arrive. L'apprenti Traqueur remplit son bol de nourriture puis, sans chercher à réfléchir, va s'installer auprès de ses amis. Cependant, son arrivée refroidit l'ambiance chaleureuse et instaure un lourd silence sur la tablée. Il grommelle intérieurement, mais ne laisse rien paraître et tente de relancer la conversation en picorant ses myrtilles :

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant