🏹 Chapitre 6.4 🏹

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Le soir, Soarën hésite à rejoindre ses amis à la Brasserie. Il sait qu'ils y sont déjà, sans lui, et que son arrivée va soudain leur rappeler qu'ils ont comme par hasard d'autres choses plus intéressantes à faire ailleurs. Ses pas l'y conduisent malgré tout. De loin, il observe leur groupe d'apprentis Traqueurs et Artisans se réunir sur l'une des terrasses extérieures. Il aimerait se joindre à eux, mais leurs réactions du midi, couplées à ce que lui a dit son père la veille, le pousse à ne pas tenter l'expérience. Il se sent déjà suffisamment blessé par cette mise à l'écart pour ne pas avoir envie d'en rajouter une couche aujourd'hui. Son regard améthyste balaye une dernière fois sa bande d'amis avant qu'il ne tourne les talons. Il remarque qu'Ötellan et Dyntaëll ne sont pas là. Ils ont sûrement mieux à faire...

— Tu ressentir seul... compatit Funest dans son langage toujours si particulier.

Soarën lui adresse un sourire triste.

— Je me sens seul... le corrige-t-il à mi-voix, avant de soupirer. Oui, c'est vrai. Je sais que Discorde et toi êtes là, pourtant, mais... J'aimerais aller boire une bière avec mes amis, parler et rire comme avant. Ils me manquent. Ils sont juste à côté de moi et pourtant, j'ai l'impression que nous n'avons jamais été aussi éloignés les uns des autres...

— Comme quand mort ? Toujours là mais plus là.

L'apprenti Traqueur ne répond rien. Les mots de son loup lui restent en tête et le hantent pendant un long moment. Est-ce lui qui est mort, métaphoriquement parlant ? A-t-il cessé d'exister aux yeux des autres Elfes à cause de cette légende idiote, de cette malédiction obscure qui semble peser sur lui et avoir trouvé refuge dans son corps ?

Soarën n'a pas l'habitude de s'interroger sur de tels sujets, à vrai dire. La traque est avant tout composée d'éléments tangibles et factuels : elle n'interroge nullement le mystique ou le surnaturel. En revanche, une caste spécifique du village est dédiée à cela : les Prieurs. Sans y réfléchir, il se dirige vers l'Illuminis, un arbre trapu dont les branchages en arc de cercle forment une vaste coupole au-dessus de son tronc massif. Ses feuilles légères paraissent nervurées d'or et sont si fines qu'on les croirait transparentes. Elles sont pourtant d'une solidité à toute épreuve. Lorsque les rayons du soleil les traversent, elles étincellent comme du cristal, tandis que la nuit, elles émettent une légère lueur phosphorescente.

Été comme hiver, et quelle que soit la météo, c'est ici que se réunissent les Prieurs. Mais seul le Maître Prieur, Abrëwyn Thorriel, s'y trouve sans discontinuer, parfait pendant religieux du Maître Traqueur Arëndrill Sylla'seth et de ses préceptes terre-à-terre, à l'Érable géant. Lorsque Soarën s'approche de l'Illuminis, quelques apprentis Prieurs retardataires n'ont toujours pas quitté les lieux. Préférant ne pas les croiser, il attend qu'ils s'en aillent. Une fois Abrëwyn Thorriel seul, il s'avance à sa rencontre, Funest et Discorde à ses côtés. Sans leur présence, le Maître Prieur aurait sûrement été bien incapable de le reconnaître.

— Soarën ? Quelle surprise, je ne m'attendais pas à te rencontrer ici.

— Pardonnez mon intrusion dans votre domaine, Maître Prieur, marmonne l'apprenti Traqueur, mal à l'aise. Je me pose des questions... J'osais espérer que vous pourriez m'apporter des réponses. Si cela ne vous dérange pas, bien sûr...

— Tu n'as rien à te faire pardonner, fils. La forêt est notre demeure à tous.

Soarën se retient de grimacer. Il avait oublié cette manie des Prieurs de considérer le moindre Elfe comme un père, un frère ou un fils. C'est agaçant, à la longue. À titre personnel, lui trouve également cela dérangeant. Il est le fils d'Ylendar Sylkiann, et de personne d'autre.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant