🌲 Chapitre 7.1 🌲

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Une seule journée a suffi à briser les espoirs futiles de Soarën. Le soir, face à ses parents interrogatifs et inquiets, il admet qu'il faudra davantage qu'un peu de temps pour que toutes ces rumeurs à son sujet disparaissent. Ni Eylinn, ni Ylendar n'insistent sur le sujet, pour ne pas le faire se sentir encore plus mal à l'aise, mais il n'est pas dupe. Ils sont ses parents, et par conséquent liés à lui. Ils doivent également être impactés par tout cela dans leurs castes respectives. Sont-ils méprisés et montrés du doigt, comme il l'est lui-même ? Ou bien les autres Elfes du village le considèrent-ils comme seul fautif, sans rejeter la faute sur sa famille ? Il aimerait tant que ce soit le cas... mais il n'a aucun moyen de s'en assurer.

À la fin de la semaine, Soarën est totalement guéri. Les seuls souvenirs de sa rencontre avec ses Compagnons sont des cicatrices indélébiles profondément marquées dans sa chair. Il ne ressent plus aucune douleur, et en deux jours, retrouve l'ensemble de ses capacités. Même si Funest se montre boudeur quand il part virevolter dans les hauteurs avec Discorde, lui se sent infiniment plus libre que lorsqu'il est cloué au sol.

Naïvement, il conservait encore l'espoir que de se remettre à participer pleinement à la vie de sa caste allait changer les choses. Les autres apprentis Traqueurs se rappelleraient qu'il était l'un des meilleurs et qu'il fallait composer avec lui, et tout rentrerait dans l'ordre. Mais ce n'est absolument pas ce qu'il se passe. Au contraire. Ses camarades ne voient pas d'un bon œil qu'il se soit rétabli aussi vite, et un nouveau bruit commence à courir dans son dos : celui que ses capacités démoniques auraient accéléré sa guérison.

Soarën continue à donner le meilleur de lui-même sans prêter attention à ces rumeurs idiotes. Il a fini par accepter, la mort dans l'âme, qu'elles ne s'essouffleraient pas avec le temps. Au cours des entraînements, Nemen commence à adopter un comportement étrange : alors qu'il s'efforçait toujours de lui mettre des bâtons dans les roues, il se met à l'aider et à lui faciliter le travail. L'apprenti Traqueur n'y comprend d'abord rien et demeure coi face à toutes ses manœuvres. Cherche-t-il à lui faire passer un message par ce biais... à s'excuser, peut-être ? A-t-il retrouvé un semblant de raison, lui le premier avant tous les autres ? Invraisemblable... Mais Discorde, avec sa sagesse de rapace nocturne, le détrompe bien vite. Nemen n'a pas changé : elle a parfaitement saisi à quoi rimait son manège incongru.

— Il veut continuer à te descendre.

— Comment ça ?

— Avec ce qu'il fait, tu es encore plus doué que avant donc il dit que c'est bizarre.

Soarën grince des dents sans la reprendre sur sa faute de langage, qui s'améliore d'ailleurs de jour en jour. Il aurait dû s'en douter : c'était trop beau pour être vrai. Une rage subite l'envahit un instant, l'espace de quelques secondes, avant de repartir se terrer dans le fond de son cœur. Cela lui arrive fréquemment, depuis que la brume noire est entrée en lui. À chaque fois, il se félicite que la cible de sa colère ne soit pas présente. Car si Nemen s'était trouvé face à lui, il sait qu'il n'aurait pas pu se contenir. Son poing aurait volé dans sa figure, presque malgré lui. Et peut-être que les choses auraient dégénéré...

Dans ces instants, il s'efforce de rester calme, et surtout, de ne pas montrer la haine froide et viscérale qui prend possession de lui. Cela ne ferait que nourrir davantage les soupçons à son égard. Les jours passent et la surveillance des Maîtres envers lui ne faiblit pas. Celle-ci n'est réellement efficace que lorsque ce sont les Compagnons des Maîtres Traqueur ou Chasseuse qui l'épient : parfois, il ne se rend même pas compte de leur présence. Mais les autres animaux ne sont pas entraînés à se camoufler et à pister une cible en toute discrétion. Soarën ne compte plus le nombre de fois où il voit passer non loin de lui un gros blaireau aux yeux vairons, un lièvre dont les oreilles dépassent des fourrés, et même un Paretil. L'insecte géant se promène dans les arbres pendant toute une après-midi. L'apprenti Traqueur ne peut pas s'empêcher de pouffer face à ses gigantesques ailes orange et rose fuchsia qui s'agitent entre les branches sans la moindre discrétion, parfaitement visibles.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant