🏹 Chapitre 8.4 🏹

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Comme indiqué par le tavernier, après avoir longé une série de barques en piteux état dont peu semblent en mesure de naviguer, Soarën se retrouve sur un chemin de terre en plein milieu des champs. Personne ne se trouve dans les deux parcelles entre lesquelles il évolue. Il poursuit son chemin jusqu'à une petite maisonnette, accolée à une grange immense. Il frappe à la porte et une vieille femme à la peau toute fripée vient lui ouvrir. Ses yeux ne sont plus que deux fentes sombres au milieu de son visage couvert de rides.

— OUI, C'EST POUR QUOI ?

Soarën sursaute et manque de se masser la base des oreilles avec un gémissement. La grand-mère, atteinte par le temps cruel, a failli lui faire perdre à lui aussi une partie de son audition.

— Je cherche monsieur Willaert, j'ai vu son annonce pour réparer la clôture...

— JE VOUS DEMANDE PARDON ?

— Heu... Monsieur Willaert, pour...

— ENFIN, PARLEZ PLUS FORT JEUNE HOMME !

— JE VIENS POUR LA CLÔTURE DE MONSIEUR WILLAERT, JE VOUS PRIE ! crie très poliment Soarën.

— AH, IL SUFFISAIT DE LE DIRE. WILLY EST DANS LE CHAMP DE PATATES, DERRIÈRE LA MAISON.

— Merci. Euh, je veux dire... MERCI !

— MAIS JE VOUS EN PRIE.

Une fois qu'il a tourné à l'angle de la maisonnette, l'Elfe ne se prive plus pour porter ses mains à ses tempes et se les frotter en soupirant. Ses oreilles sensibles sifflent désagréablement. Il peste tout bas contre la vieille femme, et espère que son mari aura conservé une ouïe correcte, lui. Celui-ci est en train de bêcher la terre de ses cultures, un peu plus loin. Évitant habilement les sillons de semis, Soarën sautille sur les quelques parcelles d'herbe laissées libres et s'arrête à la hauteur de l'Humain. Il paraît légèrement plus jeune que sa compagne, et un peu mieux conservé. Il est encore capable de s'occuper de ses plantations, malgré ses cheveux blancs et ses muscles qui autrefois devaient être plus volumineux que ce qu'ils sont aujourd'hui.

Appuyé sur le manche de sa bêche, profitant d'une pause, le vieux paysan a observé Soarën s'approcher d'un œil intéressé. Son regard s'éclaire lorsqu'il le voit de près.

— Oh, un Elfe dans nos contrées ? Je comprends mieux pourquoi tu avances si vite dans les champs. On croirait te voir danser, garçon.

Le ton chaleureux et paternel du vieillard enveloppe Soarën et le fait immédiatement se sentir bien. Il lui rappelle son père et Arëndrill Sylla'seth. Prudemment, il préfère s'assurer qu'il ne fait pas erreur :

— Vous êtes monsieur Willaert ? J'ai vu votre annonce à la taverne.

— Oh, oui ! Je commençais à croire que personne ne viendrait m'aider. Mais tu es sûr, garçon ? Ça doit être un travail bien ridicule et rabaissant pour toi, qui m'as l'air taillé comme un guerrier.

— Je... Oui, ça ne me pose aucun souci, ne vous en faites pas, répond Soarën, positivement ébahi que l'Humain s'inquiète de sa réputation si on le voit réparer des clôtures de fermier. Je n'ai pas d'argent et je découvre ce que sont les contrats, je n'en ai encore jamais réalisé jusqu'à présent.

Le vieux Willaert hausse un sourcil broussailleux peu convaincu à son aveu. Il jauge encore une fois Soarën de haut en bas. Son regard s'attarde sur le bel arc suspendu à son épaule et les deux fourreaux qui pendent à ses côtés. Rien que la garde des épées laisse deviner qu'il s'agit de lames d'excellente qualité. Et celui qui se tient devant lui est un Elfe, de surcroît !

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant