🏹 Chapitre 2.4 🏹

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Le jeune Elfe finit par s'étendre au sol. Il était temps : à peine a-t-il posé sa tête sur le bois ferme et tiède de l'Érable géant que l'inhibiteur prend effet. Le moindre de ses sens s'estompe. D'abord, il n'entend plus rien. Son système auditif ne perçoit plus aucun son, le plongeant dans un silence parfait, incroyablement déroutant. Même les battements de son propre cœur lui sont inaudibles. Il en va de même pour sa vision : malgré ses yeux grands ouverts, une obscurité pesante l'enveloppe désormais, pareille à celle dans laquelle baignerait éternellement un aveugle. Il cligne exagérément des yeux sans parvenir à distinguer la moindre lueur.

L'angoisse envahit peu à peu Soarën et le prend à la gorge.

Ses sens olfactif, gustatif et tactile subissent le même traitement. Le voilà totalement coupé du monde. N'importe qui pourrait bien lui parler, le secouer, lui faire du mal : il n'éprouve plus rien. Seules lui restent ses pensées et son sixième sens, qui lui hurle que cette situation n'a rien de naturel. Il est en danger. Soarën le sait, Soarën le sent. Il serre les dents et bande ses muscles, prêt à bondir. Mais son corps lui obéit-il encore ? Il n'en sait rien. Il est seul et perdu dans un univers inconnu, sombre et impitoyable : celui de son propre esprit.

Dire qu'il est mal à l'aise serait un euphémisme. En pleine nature, maître de ses sens et de sa vie, il ne craint rien, ou presque. Mais le voici livré à lui-même plus intimement qu'il ne l'a jamais été. Soarën tente de se calmer en prenant de profondes inspirations, mais sa cage thoracique ne lui apporte aucune sensation d'élévation ni d'abaissement. Alors il laisse libre cours à sa panique, la respiration saccadée et le cœur battant. Encore une fois, aucune information sensorielle ne lui parvient. Apeuré, l'apprenti Traqueur se demande s'il est vivant ou mort. Il se met à hurler. Aucun mouvement. Aucun son. Aucune réponse de son corps.

À l'instant même où il entend de lointains échos de voix et où une faible luminosité commence à revenir frapper ses rétines, il se redresse d'un seul coup. Encore sous l'effet de l'inhibiteur, son geste est maladroit et empoté. Soarën vacille. Il se serait écroulé si des bras secourables ne l'avaient pas maintenu assis. Quelque chose lui compresse l'épaule. Le jeune Elfe reprend sa respiration bruyamment, avec l'impression d'être resté en apnée plusieurs minutes. Peut-être était-ce le cas. Il n'en sait strictement rien. Il papillonne des paupières, perdu, et croise le regard doré d'Arëndrill Sylla'seth, accroupi devant lui. À ce moment, il réalise que l'étau qui lui broie l'épaule droite n'est rien d'autre que la main de son aîné.

— Maître... Vous me faites mal, balbutie Soarën dans un murmure confus.

Un bref éclat de soulagement passe dans les yeux d'Arëndrill avant qu'il ne lâche son apprenti.

— Parfait, tu reprends tes esprits. Tu nous as fait une belle frayeur, mon garçon.

— Je... comment ça ?

— Ça te traumatise à ce point de partir ailleurs l'espace de quelques instants ? commente Dyntaëll sans méchanceté, toujours derrière lui pour le soutenir en position assise. Eh bien, Soarën, un conseil : ne te drogue jamais...

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Tu supportes mal l'inhibiteur, déclare Arëndrill Sylla'seth en se relevant. Être coupé de tes sens primaires t'a provoqué une crise de panique, que tu as été incapable de gérer puisque tu n'étais pas en état de réaliser ton comportement.

Dyntaëll donne une bourrade amicale à Soarën pour le pousser à se remettre également sur ses jambes.

— Tu as passé trois minutes à te tordre sur le sol en hurlant de terreur, mon ami.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant