🏹 Chapitre 6.2 🏹

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Le lendemain, en déjeunant avec ses parents avant de partir, Soarën constate que sa mère est toujours crispée. Il discute avec elle pour la rassurer et la détendre. La technique n'est pas efficace, et il finit par soupirer.

— Ne t'en fais pas, maman, tout va bien se passer. Tu n'as pas à t'inquiéter.

— Je prie pour que tu aies raison, Soa...

Il fronce discrètement les sourcils à sa réponse. Pour qu'Eylinn elle-même se mette à parler de prières, c'est qu'elle est encore plus angoissée qu'il le pensait. Son petit-déjeuner fini, il attrape un morceau de viande pour Funest, salue ses parents et quitte le Bosquet avant eux. Il préfère prendre de l'avance, le temps d'aller retrouver son Compagnon et de gravir avec lui les centaines de marches en colimaçon de l'Érable géant. La montée, qui ne lui prendrait que quelques secondes en sautant de branche en branche, va lui demander plusieurs minutes. Mais c'est le prix à payer pour avoir la joie de voir Funest se dresser à ses côtés sur la place d'Érable.

Soarën rejoint son loup, qu'il nourrit et avec qui il parle pendant un moment. Puis, d'une allure tranquille, ils se dirigent vers le village, qu'ils commencent à traverser ensemble. Funest marche près de son Compagnon, tandis que Discorde vole non loin au-dessus d'eux. L'apprenti Traqueur s'est rarement senti aussi heureux et fier. Ils croisent quelques Elfes en chemin. Soarën commence à saluer d'un signe de tête ceux qu'il connaît vaguement, un grand sourire plaqué sur ses lèvres. Mais son enthousiasme redescend bien vite. Les regards qui se posent sur lui sont pour la plupart intrigués et méfiants. Quelques-uns sont déjà clairement froids et hostiles. Il serre les dents. Son père l'avait pourtant prévenu.

— Eux peur... gémit Funest, mal à l'aise.

— Ça leur passera, affirme Soarën d'une voix sèche, avant de radoucir son ton pour le rassurer : Ne t'en fais pas Fun, même s'ils ne t'aiment pas, ils ne te feront rien, je te le jure.

Le canidé s'ébroue et retrouve un peu de sa bonne humeur. Il aime ce surnom que lui a donné son Compagnon : Fun. C'est court, percutant et joyeux. Discorde n'y a pas échappé non plus, bien qu'elle continue à lever les yeux au ciel lorsque Soarën l'appelle Dix. Ils continuent à avancer jusqu'à atteindre l'Érable géant, dont ils commencent à monter l'escalier. En son for intérieur, l'apprenti Traqueur se fiche bien des regards et des avis de tous ces Elfes qu'il ne connaît pas. En revanche, il espère que ses camarades de caste, avec qui il évolue chaque jour, se montreront plus indulgents envers Discorde et Funest. Et surtout plus réfléchis que le reste de ces idiots qui croient les yeux fermés à une légende étrangère sortie de nulle part !

Le loup noir en a bientôt assez de tous ces paliers de bois qu'il leur faut escalader. Il le fait savoir à Soarën et couine de désespoir quand celui-ci lui répond qu'ils n'en sont qu'à la moitié de leur ascension. Dépité, Funest jette un coup d'œil sur le côté. Sidéré de se trouver truffe à truffe avec tous ces feuillages qu'il n'a jamais admiré d'aussi près, il se rapproche prudemment du bord des escaliers pour regarder en bas. Mal lui en prend.

Voir le sol si lointain, si minuscule en contrebas, le fait vaciller. Il songe à ce qui l'attend s'il chute et se voit déjà écrasé comme un insecte. Quelle douleur ce doit être ! La mort assurée, certainement... Envahi d'une terreur sans nom dont il ne se serait jamais douté, Funest recule d'un bond en poussant un glapissement. Atteint de plein fouet par son affolement, Soarën hoquette. Il ne s'est toujours pas habitué au lien émotionnel qui le lie à ses Compagnons. Doucement, il tente d'apaiser son loup en lui parlant. Il en profite pour lui apprendre le sens du mot « vertige » et échanger leur place dans les escaliers. S'il tombe, il saura se rattraper. Pas Funest.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant