🏹 Chapitre 4.1 🏹

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Les chants d'oiseaux lui semblent lointains. Il a beau tendre l'oreille pour les écouter encore et encore, il ne parvient pas à les reconnaître. Tous les gazouillis se ressemblent. Ils sont légers et flûtés, emplis d'une insouciance qui lui donne une étrange envie de rugir de frustration. Sans réfléchir, c'est ce qu'il fait. Le cri rauque qui s'échappe d'entre ses lèvres fait fuir le groupe de passereaux siffleurs. La forêt de Telendriss se mure dans un silence inquiétant que Soarën est incapable de percer. Seul le battement de son cœur résonne dans ses tympans. Un bruit sourd et régulier, au rythme anarchique, qui lui met les nerfs à vif.

Trois jours.

Trois jours qu'il erre au hasard, sans savoir ce qu'il poursuit ni comment le traquer. Ses parents et Arëndrill Sylla'seth lui avaient dit que son Compagnon viendrait à lui. Qu'une fois seul, il saurait le trouver. Alors, la nuit où il a quitté le Bosquet après avoir laissé exploser cette colère inconnue, Soarën s'est éloigné du village. Il a marché pendant des heures, jusqu'au lever du soleil. Il a déniché une clarière calme et ombragée, où il s'est allongé. Puis il a attendu, patiemment, une journée entière, sans boire ni manger. Son Compagnon n'est jamais venu. Et peu à peu, la rancœur s'est insinuée en lui.

— Tu ne veux pas venir ? Comme tu voudras.

Il s'est relevé et s'est saisi de son arc, le regard anormalement sombre et du feu dans la voix.

— Je vais te débusquer moi-même, dans ce cas.

Depuis ce moment, l'apprenti Traqueur parcourt la forêt sans relâche. Les conseils de ses aînés ont disparu de son esprit ; il ne songe pas qu'il pourrait effrayer son Compagnon, ainsi armé. Ses pensées sont obnubilées par cet être animal auquel son âme tente de se lier. Il ne désire plus qu'une chose : le trouver. Mais comment faire, lorsqu'il ignore tout de lui ? Son espèce, sa couleur, son comportement... Soarën ne sait rien. C'est une bien étrange traque qu'il mène là.

Mais il la réussira haut la main, comme il l'a toujours fait. Il trouvera son Compagnon et leur connexion s'établira. Puis il rentrera au village et poursuivra sa vie. Les autres seront surpris de le voir accompagné aussi tôt, mais ils s'y habitueront. Il n'a pas de raison pour que cela pose problème. Les années passeront. Puis les décennies, les siècles... Avec un peu de chance, Arëndrill Sylla'seth le choisira pour devenir le nouveau Maître Traqueur du village. Ses parents seront si fiers de lui... Aura-t-il l'occasion d'assister un jour à une séance du Conseil en compagnie de son père ?

Une sensation horrible le fait soudain s'immobiliser. Soarën s'effondre plus qu'il ne prend appui sur un arbre proche, une main crispée sur son cœur. Il a l'impression que des dizaines de flèches percent celui-ci de toute part. Cela lui arrive régulièrement depuis qu'il a quitté le village, et il s'en inquiète. Ses aînés lui ont révélé bien des choses sur le lien qui allait se créer entre son Compagnon et lui, mais jamais ils n'ont dit que cela serait douloureux.

Il attend quelques minutes que la souffrance reflue avant de poursuivre son chemin. Errer au hasard dans cette forêt qu'il connaît comme sa poche, sans même savoir ce qu'il traque, le frustre profondément. Par moments, une agréable chaleur lui parvient, lorsque son Compagnon se trouve à proximité. Mais aussitôt après, une froideur glaciale s'empare de son être. Ce petit jeu de chaud et de froid commence à l'horripiler. De tout son cœur, il espère que l'animal qui l'accompagnera jusqu'à sa mort n'a pas le caractère insolent de ce fichu Ethel. Soarën préfèrerait un Compagnon réfléchi et noble, à l'instar d'Edwyn, l'épervier de son Maître.

Cette nouvelle journée de traque se révèle aussi infructueuse que les précédentes. L'Elfe grommelle tout bas lorsque la lune se lève derrière un voile de nuages. Grâce à la maîtrise de sa phobie asensorielle, il n'a pas besoin de lumière pour se déplacer. Ses autres sens le font percevoir la forêt comme en plein jour. Mais il semblerait que tout comme lui, son Compagnon ne dorme pas et passe la nuit à bouger. Inutile, donc, d'espérer lui mettre la main dessus dans son sommeil.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant