🌲 Chapitre 7.4 🌲

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Soarën parvient à dormir quelques heures sans trop de difficulté, mais se réveille tout de même avant la Préparatrice et le Maître Artisan. Il fait encore noir dehors. Sans les déranger, il s'extirpe lentement de leur étreinte et se rend dans sa chambre sur la pointe des pieds. Discorde l'accompagne en silence et hulule tout bas en le voyant ramasser son épée au tranchant rougi de leurs sangs mélangés.

— Ne recommence pas tes imbécilités !

— Je n'en ai pas l'intention, la rassure-t-il avec un sourire triste. Je te le promets.

— Je préfère ça...

L'Elfe attrape un tissu qu'il imbibe d'eau et nettoie son arme avec application. Puis il enfile la ceinture de cuir que son père lui a légué, à laquelle il peut porter ses deux épées, une gourde et quelques bourses et ustensiles divers. Il vérifie la corde de son arc, qu'il passe en bandoulière, et accroche son carquois à son épaule. Soarën parcourt ensuite sa chambre du regard une dernière fois, le cœur serré, mais décidé. Ses yeux améthyste glissent sur sa commode, s'attardent sur le peigne ouvragé en écorce de saule qui y est posé. Après une seconde d'hésitation, il s'en saisit et le glisse dans sa poche. Ce n'est que justice : de son père, il emporte sa ceinture. De sa mère, il emporte ce peigne. Ainsi, tous deux seront toujours un peu avec lui, où qu'il soit. Même s'il ne devait jamais revenir à Telendriss...

Soarën passe dans la pièce principale pour picorer quelques provisions dans les réserves de sa famille. Il est surpris d'y retrouver Eylinn. Elle est en train de remplir un petit sac de plusieurs tranches de viande séchée. Sans lui laisser le temps de réagir, elle noue fermement les lacets de cuir et le lui tend.

— Je t'ai mis du baume cicatrisant et des herbes contre les maux classiques, n'oublie pas qu'il faut éviter de les prendre à jeun, lâche-t-elle d'une voix étranglée, laissant deviner qu'elle a encore pleuré récemment. Et... il nous restait quelques saumons. Je te les ai donnés, tu adores ça...

L'apprenti Traqueur n'attrape pas le sac que lui propose sa mère. Il esquive son bras tendu et la serre contre lui avec force, le nez enfoui dans son cou pour s'imprégner de son odeur et les paupières fermées aussi fort qu'il le peut pour empêcher ses propres larmes de couler à nouveau.

— Merci, maman... Merci pour tout... Du fond du cœur...

— C'est normal, Soa... Je... J'espère que tu parviendras à être heureux, quoi que tu fasses. Ne nous oublie pas...

Il se recule légèrement pour planter son regard dans les yeux brillants d'Eylinn.

— Jamais, maman. Je te le jure.

Il attrape enfin le sac de provisions que lui a préparé sa mère, l'embrasse une dernière fois et s'apprête à quitter pour toujours son foyer, lorsqu'une voix grave le retient pour quelques secondes encore. Son père, lui aussi réveillé, vient également lui faire ses adieux. Au diable les codes d'honneur et le respect mutuel que se doivent deux Elfes adultes comme eux : ils sont avant tout une famille, et finissent dans les bras l'un de l'autre. Soarën fixe intensément ses parents, pour conserver à jamais leurs traits ancrés dans sa mémoire. Puis il traverse sa chambre, se glisse une ultime fois à travers l'ouverture du bois et descend le long du Bosquet. Mais en le voyant se diriger vers le village, Discorde s'inquiète.

— Et Funest ?

— J'irai le chercher juste après. J'ai une dernière personne à avertir de mon départ... Je vais éviter à Fun le calvaire des escaliers, plaisante-t-il sans joie en levant un regard ému vers les hauteurs de l'Érable géant.

La chouette a compris ses intentions.

— Je vais lui dire qu'on s'en va. Ne nous oublie pas avant de partir.

Soarën [MYSTIS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant