Etoile des Neiges • Martinez ✓

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Juliette était énervée. Sa mère n'allait pas venir la chercher au lycée. Cela aurait pu paraître étrange à d'autres mais c'était leur tradition. Tous les lundis, c'était sa mère qui venait la récupérer et elles goûtaient ensemble avant de passer une bonne partie de la fin de journée à se confier leur vie. C'était une habitude qu'elles avaient prise après qu'elles soient arrivées aux Pays-Bas. 

Dès lors, l'idée de prendre le bus pendant plus d'une heure pour rentrer chez elle car les horaires ne collaient absolument pas le lundi dégoûta la brune. Et puis c'était leur journée, celle qu'elles pouvaient passer rien qu'à deux, comme lorsque sa mère ne s'était pas trouvé un nouveau compagnon. 

Juliette n'avait rien contre son beau-père. Il était sympathique, souriant et aimant, même avec elle. Mais il lui avait volé une partie de sa vie. Il lui avait pris sa mère alors qu'un accident de bateau lui avait arraché son père lorsqu'elle était encore bébé. Et il lui avait surtout enlevé sa vie dans le Sud, ses amis et sa famille étant désormais éloignés. Il avait chamboulé toute son existence et l'avait rendue infiniment malheureuse pendant un temps. 

Encore aujourd'hui, il lui arrivait de pleurer lorsqu'elle repensait à ce qu'elle avait avant. Parce qu'avant, le mardi c'était chez sa grand-mère qu'elle allait passer la soirée. En sa compagnie qu'elle goûtait et en compagnie de qui elle faisait ses devoirs. La voir en vrai lui manquait horriblement. 

— Je suis vraiment désolée Juliette, mais j'ai dû remplacer une collègue cet après-midi. 

Elle était restée silencieuse. Elle ne pouvait pas réellement lui en vouloir mais sa voix s'était malgré tout cassée. Elle allait devoir attendre plus d'une demi-heure à son arrêt dans le froid et cette idée lui déplaisait grandement. 

— Si tu veux je peux appeler Erik, lui dire que tu le rejoins et il te ramènera. Comme ça tu pourras attendre au chaud tout en faisant tes devoirs. Je suis certaine que ça ne le dérangera pas.

Elle soupira avant d'accepter. A défaut de passer du temps en sa compagnie, elle serait au moins au chaud et ne perdrait pas autant de temps qu'avec le bus du lundi soir. 

Ses pas la guidèrent pendant cinq minutes vers De Toekomst. Elle s'engouffra rapidement dans le bâtiment principal. Personne ne sembla étonné de sa venue, signe que son beau-père avait dû faire le nécessaire. 

Elle ne se sentait jamais trop à l'aise dans ces lieux. Après tout, ce n'était pas son univers et ça ne le serait jamais. Un groupe de jeunes passèrent devant elle tout en discutant vivement. Ils devaient tous avoir environ douze ans et se dirigeaient emmitouflés sous diverses couches de vêtements vers les terrains d'entrainement. C'était dans des moments comme ceux-là qu'elle était bien contente de ne pas faire de sport. L'idée de se changer juste pour aller taper dans un ballon était quelque chose qui la dépassait complètement. 

— Juliette ?  

Elle se tourna vers la personne qui l'appelait. Ses yeux verts rencontrèrent ceux chocolat d'une jeune femme d'une trentaine d'années qui l'observait. 

— Erik m'a dit que tu allais arriver et de te montrer où tu pouvais t'installer. 

Elle se laissa guider pendant quelques minutes dans les bâtiments avant d'entrer dans une salle de relativement grande taille. Elle était aux couleurs rouge et blanche, comme l'ensemble du complexe. Un baby-foot et un billard y étaient présents ainsi que de nombreuses tables. Des jeux de cartes et de société étaient déposés dans un placard entrouvert. Elle laissa ses yeux clairs errer sur les lieux avant de s'installer à une table et de sortir ses affaires. Sur l'ensemble des murs, des photos d'équipes plus ou moins vieilles étaient accrochées. Certaines d'entre elles avaient les couleurs complètement passées, signe qu'elles devaient être accrochées depuis longtemps.

Des éclats de voix la firent sursauter. Ils furent suivis par l'entrée en trombe de plusieurs garçons dans les lieux. Ils se figèrent lorsqu'ils virent qu'ils n'étaient pas seuls. Et Juliette resta interdite, ne sachant pas si elle devait parler ou non. Ce fut l'intervention de son beau-père qui la sauva. 

— Juliette, on va pouvoir y aller si tu veux, je ferai ce qu'il me reste à faire demain matin.

Alors elle se leva vivement, les joues légèrement rougies, et le rejoignit. Au passage, elle lança un regard noir à Kenneth qui la regardait avec des grands yeux ronds, comme s'il avait vu un fantôme. A vrai dire, elle ne s'attendait pas non plus à le voir ici. Elle savait qu'il pratiquait le football à assez haut niveau, celui-ci le clamant à tout bout de champ, mais pas à ce point. Et malgré ses nombreuses supplications, son beau-père n'avait jamais réussi à la trainer à un match de l'équipe qu'il entrainait.  

─ Ta journée s'est bien passée ? On va faire pizzas ce soir, ta mère m'a dit d'en récupérer au passage.

Elle se mit à sourire fortement. Les pizzas étaient certainement son plat préféré, mais elle n'avait que peu l'occasion d'en manger, sa mère n'aimant pas particulièrement ça. Et même si elle savait que celle-ci cherchait probablement à se faire pardonner, savoir que c'était le diner ce soir-là ne put que la remplir de joie.