Etoile des Neiges • Martinez ✓

13

Lorsqu'elle s'était levée ce matin-là, Jeanne avait immédiatement compris qu'elle allait passer une journée pourrie. Parce que le bus scolaire était annulé. En effet, une belle épaisseur de neige s'étendait sur l'ensemble de la cour de la maison où ils habitaient depuis que sa mère avait emménagé avec son nouveau compagnon. 

Et si les bus étaient annulés, elle allait nécessairement ne pas avoir tous ses amis au lycée. Ce n'était pas qu'elle n'en avait pas beaucoup mais elle était timide et ne se sentait pas d'aller vers de nouveaux groupes de personnes. Elle avait déjà le sien et il lui suffisait bien. Mais dans les jours comme celui-ci, elle regrettait de ne pas parler à un peu plus de monde. 

— Passe une bonne journée Jeanne.

Elle fit un vague geste de la main à son beau-père qui l'avait déposée devant l'établissement scolaire. L'ambiance était toujours tendue depuis le vendredi soir. Il n'avait pas été fort présent le week-end, ayant un match à préparer, mais cela n'avait pas apaisé le climat familial. Elle continuait de le considérer comme responsable de son futur Noël gâché. 

Et pour couronner le tout, elle devrait de nouveau l'attendre à son club le soir-même. En effet, sa mère avait réussi à se mettre en télétravail. Mais elle lui en voulait bien moins que la fois précédente. Peut-être parce qu'elle lui en voulait déjà bien trop pour son choix et qu'elle n'avait pas particulièrement envie de goûter avec elle pour une fois. 

La journée s'était déroulée de façon normale. Elle s'était une fois de plus empointée avec cet imbécile de Kenneth qui n'avait rien trouvé de plus amusant que de lui envoyer à pleine puissance une boule de neige. La neige compactée avait eu pour effet de gifler avec force son visage, lui laissant une trace rouge pendant un long moment. Lorsqu'il avait croisé son regard plus qu'énervé, il s'était confondu en excuses. Mais elle n'avait pas pu s'empêcher de penser que c'était parce qu'il savait qu'elle connaissait Erik. D'ordinaire, il se serait contenté de rire et de se moquer, puisque c'était ce qu'il semblait faire de mieux.  

Son pied dérapa sur une plaque de verglas alors qu'elle montait les marches du centre d'entrainement. 

— Attention !

Une main l'attrapa par le bras, l'empêchant de s'effondrer au sol et potentiellement se blesser sur le sol dur. Il n'aurait plus manqué que ça. Elle observa une seconde son sauveur. On ne distinguait que ses yeux sous la couche de vêtements qu'il arborait. 

— Merci.

Il l'accompagna jusqu'à l'entrée silencieusement, veillant à surveiller qu'elle ne tombait pas une nouvelle fois. Lorsqu'il retira son écharpe ainsi que son bonnet, elle reconnut le visage croisé quelques jours plus tôt. Ainsi, c'était ici qu'elle l'avait déjà vu. Elle retira à son tour son bonnet, secouant la neige qui s'y était accrochée. Et puis elle se dirigea vers le lieu où elle s'était rendue la fois précédente. Elle allait pousser la porte lorsque la voix du garçon aux cheveux bruns qui la suivait depuis un moment retentit. 

— Qu'est-ce que tu fais ?

Elle se figea, se mettant à rougir subitement. Elle ne savait pas quoi dire. Elle devait arriver uniquement à seize heures mais son cours avait été annulé. Et c'était Erik qui lui avait dit d'y aller sans même passer par l'accueil parce qu'il n'y aurait personne à cette heure-là. 

— Je... Je dois attendre ici.

Il eut un léger rire. 

— Ca m'étonnerait bien, c'est notre salle commune.

Elle était figée, ne sachant pas quoi faire, ni dire. 

— Mais... Je...

En face, les yeux étaient fixés sur elle et ne semblaient pas vouloir la lâcher. 

— Qu'est-ce que tu fous encore là ?

Son regard s'ancra dans celui du blond qui était dans le même lycée qu'elle. Une lueur de défi se mit à trainer dans ses yeux verts fixés dans ceux bleutés du plus jeune. 

— Erik m'a dit de l'attendre ici. Ça te pose un souci ? 

Un sourire moqueur s'installa sur son visage quand elle le vit avoir un léger mouvement de recul. Oui, elle était fière d'avoir le dernier mot face à l'autre pour une fois. La voix de celui qui ne semblait pas non plus être néerlandais avait résonné à son tour. Il lui avait fait signe de passer, le visage fermé. Et c'était ce qu'elle avait fait, bousculant au passage le second garçon qui l'empêchait de se rendre où on lui avait dit d'aller. Elle entendit son léger grognement mais ne s'attarda pas dessus. Elle aurait pourtant aimé disparaître lorsque les regards de plusieurs joueurs présents dans la salle se tournèrent vers elle. 

— Ah, la fille du coach. Lisandro, c'est le moment ou jamais de faire connaissance avec la future femme de ta vie.

Le rouge s'empara de ses joues alors que deux garçons éclatèrent de rire. Elle n'avait pas compris la suite de la phrase celle-ci ayant été prononcée en espagnol. Et elle n'avait pas non plus compris ce que l'autre répondait en espagnol malgré ses six ans à apprendre cette langue.

— Alors, il est comment dans la vraie vie le coach ?

Le brun qui s'était exclamé dès qu'elle avait mis un pied dans la pièce s'était rapproché d'elle, presque prêt à l'agresser de curiosité. Et pour la première fois depuis le vendredi soir, elle fut soulagée de voir son beau-père faire son arrivée. 

— Edson, laisse ma belle-fille tranquille. 

Et puis, il la regarda avec un regard doux et désolé. 

— A tout à l'heure Jeanne, va à l'accueil si tu as besoin de quoi que ce soit.

Elle put nettement entendre la remarque qui fusa par la suite. 

— T'aurais pu nous dire qu'elle avait un beau prénom comme ça Kenneth.

— Je vous ai dit qu'elle était française déjà. Je peux pas tout savoir sur elle.

Elle les regarda sortir, croisant une seconde le regard de celui qui l'avait accompagnée jusqu'au lieu une courte seconde avant qu'il ne tourne vers le couloir.